C. L'APPLICATION DE CETTE DOCTRINE EN DROIT DES SOCIÉTÉS
L'approche de la Commission européenne en la matière repose plutôt sur des évaluations et recommandations que sur des initiatives législatives. Cinq principaux sujets sont ainsi à l'agenda : l'évaluation de la transposition de la directive OPA (dont la transposition disparate selon les Etats membres suscite les critiques de la Commission 10 ( * ) ), la directive sur l'exercice transfrontalier des droits des actionnaires, la problématique « one share - one vote », la limitation éventuelle de la responsabilité des auditeurs, et le statut de société privée européenne (SPE).
1. Les droits des actionnaires
La directive sur l'exercice transfrontalier des droits des actionnaires devrait être bientôt définitivement adoptée, après que le Parlement européen l'a approuvée le 15 février 2007. La Commission doit présenter une recommandation complémentaire portant sur certains aspects de ces droits.
Votre rapporteur général considère que cette recommandation gagnerait à prévoir le principe de l'obligation de vote ou d'explication de l'abstention des sociétés de gestion de portefeuille (« comply or explain »), mais la Commission ne paraît guère réceptive et se prévaut de l'opposition de plusieurs Etats membres.
2. Le principe « one share - one vote »
S'agissant de la dialectique propriété du capital / droit de vote , la Commission a attribué à la société ISS Europe, le 7 septembre 2006, la réalisation d'une étude portant sur la proportionnalité entre propriété et contrôle des sociétés européennes cotées, qui doit être remise dans les prochaines semaines.
En dépit d'une polémique sur le choix de la société ISS, qui s'était déjà exprimée auparavant en défaveur des droits de vote multiples, et de la relative défection de l'Allemagne qui avait auparavant combattu pour le maintien des droits de vote multiples lors de l'examen d'une version antérieure de la directive OPA, votre rapporteur général a reçu des assurances sur une certaine inflexion de la position de la Commission .
Celle-ci tend en effet à concevoir l'intérêt d'une fidélisation des actionnaires par l'octroi de droits de vote pluraux. Elle ne devrait pas préconiser d'interdire purement et simplement la non-proportionnalité, mais déplacer ses recommandations sur le terrain de la transparence ex ante de tels systèmes pour les investisseurs. Votre rapporteur général approuve pleinement cette approche.
3. La responsabilité des auditeurs
La limitation de la responsabilité des auditeurs , déjà prévue dans la réglementation de certains Etats membres et demandée par la profession, pourrait faire l'objet d'une recommandation de la Commission, motivée par la volonté de prévenir les tendances oligopolistiques et une nouvelle réduction du nombre de réseaux, et de diminuer les barrières au développement des acteurs de taille moyenne.
L'unité « Droit des sociétés » de la DG Marché intérieur a, en effet, constaté que certains risques indéterminés n'étaient pas assurables, et que le réseau Andersen, impliqué dans la faillite d'Enron, a été blanchi a posteriori après sa disparition. Une limitation éventuelle de la responsabilité ne concernerait naturellement pas la faute de l'auditeur.
4. Vers une nouvelle forme de société européenne ?
Le statut de société privée européenne (SPE) , sorte d'équivalent non coté de la société européenne (SE) destiné aux PME, est souhaité par certains praticiens. Le Parlement européen a adopté, le 1 er février 2007, un rapport du député Klaus-Heiner Lehne sur cette nouvelle forme sociale, dont l'équivalent en France pourrait être la société par actions simplifiée (SAS).
Dans une communication du 23 mai 2003, la Commission avait déjà proposé de créer un tel statut et une étude de la Commission doit être publiée début 2008, mais le commissaire Charlie McCreevy n'est pas favorable à une législation en la matière.
Le précédent de la SE, qui n'a abouti après 30 ans qu'au prix de multiples options mais ne connaît pas pour autant le succès espéré (les exemples d'adoption de ce statut demeurent clairsemés), fait figure de repoussoir . La directive du 8 octobre 2001 sur le régime juridique de la SE pourrait toutefois être modifiée, sur le montant du capital minimal requis (aujourd'hui 120.000 euros), et surtout sur un cinquième cas de création ex nihilo de SE , que les professionnels appellent de leurs voeux. Le récent rapport de Mme Noëlle Lenoir 11 ( * ) apporte, à cet égard, de précieux éclaircissements et pistes de réflexion.
* 10 Le rapport de la Commission sur la transposition de la directive OPA , publié le 27 février 2007, constate ainsi que les Etats membres ont, dans de nombreux cas, eu recours aux options et exemptions, en particulier à l'exception de réciprocité prévue par l'article 12 de la directive. Il conclut que cela pourrait conduire à de nouveaux obstacles sur le marché des OPA dans l'Union européenne, plutôt qu'à l'élimination des obstacles existants.
* 11 Rapport sur l'évaluation du statut de la société européenne, remis au Garde des Sceaux le 19 mars 2007.