B. QUELLE COOPÉRATION INTERNATIONALE POUR LA FRANCE À LA VEILLE DE L'API ?

Par nature et par tradition, la recherche en milieu polaire est internationale. Quelle est aujourd'hui le niveau de cette coopération ? Que peut-on attendre de l'année polaire internationale qui s'ouvre en mars 2007 dans ce domaine ?

1. Excellence, proximité et longévité, trois critères clefs des coopérations

Pour un pays comme le nôtre qui ne peut être présent au plus haut niveau dans tous les secteurs de recherche et qui n'a pas les moyens de mener une politique de coopération systématique avec tous les pays présents, votre rapporteur estime qu'il est souhaitable de poursuivre une triple stratégie d'excellence, de proximité géographique et de longévité de la coopération.


• L'excellence

Il s'agit tout d'abord de donner la priorité aux domaines dans lesquels la France apporte une réelle plus-value scientifique. Votre rapporteur en a déjà évoqué plusieurs : il s'agit bien évidemment notamment de la glaciologie, de la biologie et de l'astronomie. Il y a un véritable intérêt pour la France à conforter une position mondialement reconnue en prenant la tête de coopérations. Comme il a également déjà été souligné, cela veut dire également des moyens matériels et des personnels aussi bien pour la science que pour la logistique et la gestion du programme en coopération.


• La proximité géographique

Les coopérations doivent aussi, du moins en Antarctique et pour la logistique, obéir à des critères de proximité. Les États-Unis, l'Italie, l'Australie et la Nouvelle-Zélande sont les quatre pays dont les installations sont les plus proches des nôtres. Sans avoir une démarche exclusive à leur égard, ils doivent être privilégiés. Autant votre rapporteur a relevé l'excellent niveau de notre coopération avec les deux premiers lors de ses déplacements, autant avec l'Australie et la Nouvelle-Zélande cela paraît moins évident. Avec ces deux pays, il y a donc une réflexion à mener sur la logistique, même si la Nouvelle-Zélande est sans doute peu demandeuse compte tenu de la proximité de sa base de Scott de la base américaine de McMurdo. La logistique antarctique australienne est en revanche localisée au même endroit, à Hobart, que la logistique française.

Il peut également y avoir un intérêt scientifique à les associer au développement de Concordia, notamment dans sa dimension astronomique. Une expérience avec une équipe australienne a été malheureuse en raison d'un manque de respect de l'éthique scientifique mais ne doit pas pour autant décourager toute coopération.

Avec les États-Unis, la coopération s'est beaucoup développée ces dernières années. Le rôle de l'actuel directeur de l'IPEV a été important dans cette évolution. Il a su imposer notre pays vis-à-vis de partenaires anglo-saxons échaudés par certains événements passés. Aujourd'hui, une réelle confiance et une réelle estime marquent nos relations bilatérales. Il est frappant de noter aussi bien à la National Science Foundation que dans les laboratoires les mentions élogieuses des travaux français. Sur le plan logistique, la France peut bénéficier dans certaines conditions des moyens logistiques américains, notamment de places sur la liaison aérienne Christchurch (Nouvelle-Zélande) - McMurdo. La France fournit aux États-Unis une aide technique sur certains points, comme par exemple les techniques de forage de la glace pour l'installation de l'expérience Ice Cube .

La coopération avec les États-Unis se poursuit aussi en Alaska où certains chercheurs français peuvent mener à bien des programmes.

Cette riche relation n'est cependant pas encore formalisée, à la connaissance de votre rapporteur, dans un accord général de coopération ou par la création d'un laboratoire commun qui soit le ciment d'une collaboration durable quelles que soient les péripéties ultérieures. C'est pourtant une démarche qui pourrait être poursuivie sur plusieurs thématiques scientifiques, compte tenu des liens existant déjà, notamment dans le domaine de la glaciologie. Des coopérations plus poussées pourraient aussi voir le jour sur la biologie, les positions françaises étant fortes dans ce domaine.

La longévité

La longévité de la coopération, c'est-à-dire son caractère stable et pérenne, est enfin un des principaux éléments à rechercher pour développer des liens utiles. A cet égard, les liens développés avec les savants russes en matière de glaciologie semblent un exemple à suivre .

Ils sont issus des liens personnels forts qui unissaient Claude Lorius à plusieurs chercheurs intervenants à Vostok dans son domaine de recherche. C'est à travers ces liens qu'a été atteint le record de profondeur - 3623 m en 1998 - et, qu'ensuite ont été retranscrites les 420 000 dernières années du climat et de l'atmosphère, recouvrant quatre cycles glaciaires complets. Ce forage a aussi permis de découvrir le lac sous-glaciaire de Vostok, grand comme la Corse. Ces expériences ont pu progressivement être transformées en un lien durable allant au-delà des individus, entre le LGGE en France et l'AARI en Russie, sous la forme d'un groupement de recherche européen (GDRE).

Il a été créé en décembre 2004 par le CEA, le CNRS, le LGGE et l'IPEV. Ses principaux objectifs sont :

- poursuivre les études des archives climatiques de la carotte de Vostok,

- développer et réaliser des mesures géophysiques et microbiologiques dans les trous de forage existants.

Dans ces deux domaines, le GDRE a déjà obtenu des résultats importants. Une nouvelle méthode de datation, basée sur la quantité d'air piégée, a fait l'objet de publications de haut niveau. Elle permet en effet de connaître très précisément l'insolation locale et de retrouver la date exacte par calcul astronomique. Elle apporte un niveau de précision, jusque là inconnu dans l'analyse de ces carottes.

En matière de microbiologie, beaucoup de travaux ont été effectués sur les glaces de regel du lac de Vostok. Les premières analyses ont montré qu'elles contenaient très peu de biomasse, mais que les bactéries qui s'y trouvaient étaient thermophiles.

2007 est une année importante, marquant le 50 e anniversaire de la base de Vostok (16 décembre 1957) et de renouvellement pour le GDRE .

Votre rapporteur souhaite vivement qu'il puisse être renouvelé compte tenu du grand intérêt des recherches menées en commun .

L'AARI est aujourd'hui demandeur d'une coopération structurée plus large avec la France .

Votre rapporteur est favorable à cette évolution . Il s'agirait à la fois de développer les liens en Antarctique mais avec d'autres bases que celle de Vostok, celle de Mirny a été citée, et de mettre en place une coopération en Arctique. A notamment été proposée la participation de la France au laboratoire germano-norvégo-russe portant sur la région de la mer de Laptev : système côtier, naissance de la dérive transarctique et étude de la banquise.

Cette participation serait également cohérente avec la participation technique de la France au projet de brise-glace Aurora Borealis . Pour l'instant, seule la Russie s'est véritablement engagée financièrement aux côtés de l'Allemagne. La France devrait fournir la technologie des carottages océaniques de grande longueur mise en oeuvre sur le Marion Dufresne . Cette contribution est importante car l'un des objectifs principaux du navire est de pouvoir effectuer seul des forages sédimentaires dans le grand Nord.

Votre rapporteur regrette cependant que la France n'ait pu être à même d'affirmer un engagement plus fort auprès de l'Allemagne. Justifié sur le plan scientifique, ce geste aurait une portée symbolique alors que les Allemands attendent de notre part une participation significative à leurs grandes infrastructures de recherche de niveau européen.

La situation financière de la recherche en milieu polaire ne permet pas, à moyens constants, de dégager des financements, d'autres sujets étant prioritaires.

Cependant, dans le cadre du nouveau quinquennat et de la réévaluation globale de la relation franco-allemande par le prochain Président de la République, votre rapporteur souhaite que ce dossier fasse l'objet d'un réexamen . Nos relations avec l'Allemagne et la Russie, particulièrement dans le domaine scientifique, et l'intérêt d'être significativement plus présent en Arctique, une zone stratégique de plus en plus accessible, et dans des domaines scientifiques où la France joue les premiers rôles, sont des arguments qui devraient peser.

L'objectif de l'Allemagne est aussi de faire de l' Aurora Borealis une infrastructure de recherche fédératrice au niveau européen en l'utilisant comme université flottante, rejoignant nos propres objectifs en matière de coopération européenne.

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