3. Les implications pour l'organisation de la recherche
L'ensemble de ces nouvelles techniques d'instrumentation et d'analyse au service des sciences de la vie a plusieurs implications importantes pour les laboratoires. Votre rapporteur en distingue au moins sept : le coût des recherches, le caractère multidisciplinaire des équipes, la taille critique des laboratoires, la coopération avec les équipes françaises et avec les équipes étrangères, les impacts économiques et les enjeux sociétaux.
• Le coût de la recherche
L'époque où le chercheur naturaliste n'avait besoin que de bonnes chaussures de marche, un sac à dos, du papier, des crayons et quelques bagues pour mener son activité de recherche est bien révolue. La recherche sur la faune et la flore polaire est aujourd'hui une recherche de pointe nécessitant des moyens techniques extrêmement perfectionnés : informatique, instrumentation miniaturisée, satellites, séquençage des gènes...
Ces moyens techniques indispensables à une recherche de niveau international sont évidemment beaucoup plus onéreux. Dégager les moyens financiers adaptés à cette nouvelle réalité est donc une question incontournable.
• Le caractère multidisciplinaire des
équipes
La mobilisation de tous ces savoir-faire n'est également possible que dans des équipes ou des centres multidisciplinaires où, à côté des connaissances traditionnelles sur les milieux et les espèces, il est possible de disposer de compétences techniques, pour les instruments, et scientifiques pour mener à bien les nouvelles dimensions de la recherche dans ces régions.
• La taille critique des
laboratoires
Des moyens financiers importants et un caractère multidisciplinaire marqué impliquent automatiquement des laboratoires ayant une certaine taille critique, ou intégrés dans des centres plus larges pour rentabiliser des équipements onéreux et disposer des capacités techniques de gestion et de soutien. Cette dimension est aussi indispensable au développement de la coopération internationale.
• La coopération au niveau
national
Au cours des auditions, votre rapporteur a entendu la plupart des chercheurs expliquer leur déception qu'une politique plus active de coopération au niveau national ne soit pas mise en place, notamment au travers de la zone atelier créée il y a une quinzaine d'années. Plusieurs ont également exprimé le souhait que le suivi des espèces à travers la base de données fasse l'objet d'un Observatoire de recherche en environnement (ORE) reconnu par le CNRS .
Ils ont plus généralement appelé de leurs voeux une meilleure coordination entre l'IPEV et les organismes de recherche financeurs , tout spécialement le CNRS et son nouveau département consacré à l'environnement et au développement durable (EDD).
On peut également en espérer des financements plus importants et mieux coordonnés .
• La coopération au niveau
international
Que ce soit dans la zone antarctique ou dans la zone arctique, les conditions géographiques sont une puissante incitation à la collaboration internationale pour progresser dans la connaissance des espèces et de leurs milieux. Après une période marquée par l'étude des colonies et des espèces présentes à côté des bases nationales, doit maintenant s'ouvrir une période d'échange entre scientifiques de différentes nationalités travaillant sur les mêmes espèces . Que ce soit dans le suivi à long terme ou pour des études génétiques des populations, l'intérêt qu'il y a à confronter les données françaises avec les données obtenues par nos différents homologues est évident. Les enjeux que sont l'adaptation au changement climatique et la préservation de la biodiversité sont à cette échelle .
• Les impacts économiques
Ces recherches ont également un important impact économique à deux niveaux très différents.
Le premier niveau est celui de la gestion des pêches . La grande pêche australe est un enjeu économique d'envergure. Elle pose des problèmes de gestion et de conservation dans lesquels les scientifiques, quelle que soit leur spécialité, jouent un rôle majeur en donnant une vision de l'état de l'écosystème et en proposant des solutions techniques adaptées à la conservation des espèces.
Le second niveau est celui de la mise en évidence et de l'exploitation économique de protéines ou de molécules susceptibles d'être utilisées à des fins médicales ou vétérinaires . Cette dimension est souvent occultée mais peut constituer dans l'avenir un développement important de la recherche et une source connexe de financements.
• Les enjeux sociétaux
Enfin, les recherches biologiques en milieu polaire sont devenues symboliques d'enjeux sociétaux majeurs tels que le changement climatique et la préservation de la biodiversité . Certains s'en désolent, mais le public s'identifie volontiers avec l'ours polaire ou le manchot empereur, la menace pesant sur l'animal étant perçue comme une menace pour l'homme. Cette perception est aussi une exigence croissante d'éthique dans les études menées sur les animaux. Au-delà de la sensiblerie, l'amplification polaire du changement climatique place ces espèces en position de témoins avancés et accentue la demande de la société vis-à-vis de la recherche.