5. Maintenir l'agriculture et les agriculteurs ?
Pour comprendre ce qui est susceptible de se passer dans l'avenir, quelques éléments semblent indispensables.
Tout d'abord, le capital fixe en agriculture est constant depuis 1985, ce qui signifie que la « ferme France » est stabilisée. D'autre part, depuis 2000, les classes d'âge comportent à peu prés toutes le même nombre d'agriculteurs, de 35 à 55 ans.
Si la « ferme France » était répartie entre les agriculteurs de 35 à 55 ans, et s'il y avait tous les ans autant d'entrants que de sortants, la situation serait effectivement stabilisée. Mais la réalité est forcément un peu différente : on s'installe de 22 à 35 ans et l'on quitte l'agriculture de 55 à 65 ans.
Par ailleurs, deux phénomènes ont eu un effet perturbant : l'offre d'exploitations a été raréfiée au début des années 2000 en raison, d'une part, du « creux » des générations de la deuxième guerre mondiale et, d'autre part, des préretraites qui ont eu lieu en 1995. Ces préretraites ont libéré des terres qui ont surtout été utilisées pour des agrandissements, afin de rendre les exploitations « viables ». Les possibilités d'installation ont ainsi été réduites au début des années 2000. L'offre foncière devrait remonter dès 2006 aux alentours de 900.000 hectares par an. Mais la pression non agricole sur le foncier augmente par ailleurs ... « Chaque acheteur a sa logique : collectivité, agriculteur, urbain ... Mais force est de constater que ce sont les urbains qui finissent par l'emporter, et leur logique du tout résidentiel est fort peu compatible avec le maintien d'une agriculture dynamique capable d'assurer demain notre indépendance alimentaire et énergétique. Elle bouleverse ainsi profondément nos équilibres territoriaux et paysagers », selon André Thévenot, président de la Fédération nationale des sociétés d'aménagement foncier et d'établissement rural (SAFER).
Y aura-t-il pourtant assez de candidats à l'entrée dans le métier d'agriculteur ?
On peut penser, puisque les exploitations sont globalement devenues viables et ont été modernisées, qu'il y aura un taux de transmission des pères aux fils plus important lors des successions. Mais c'est sans compter sur le fait que les autres enfants risquent d'être intéressés par un capital familial, devenu important, et compliquer ainsi l'affaire. Ni, non plus, sur le fait que le métier d'agriculteur n'est pas seulement un acte technique, facile à apprendre « sur le tas », comme beaucoup de non agriculteurs - c'est-à-dire la très grand majorité de la population française- se l'imaginent ... Ce métier est, de plus, devenu très sophistiqué sur les plans de la technique et de la gestion. A tel point que bien des jeunes fils d'agriculteurs peuvent ne pas « se sentir capables » (notons qu'environ un quart des agriculteurs sont aujourd'hui « techniciens supérieurs »).
Ainsi, deux points au moins sont à résoudre simultanément : comment faire pour faciliter la cession ? Comment faire pour reprendre une véritable entreprise ? Une véritable entreprise aux caractéristiques cependant originales : les revenus sont en partie des rentes. Les droits à paiement unique (DPU), subventions payées annuellement, sont en effet largement indépendants des quantités produites.
Ces points, déjà difficiles à comprendre, devront être expliqués à des citoyens qui sont loin d'imaginer ce qu'est devenu le métier d'agriculteur, alors que l'on assiste à un mouvement sans précédent de citadins qui se remettent « au vert ».