2. Un environnement propice à l'innovation et à sa diffusion
a) L'environnement macroéconomique
Les résultats des simulations d'un effort accru de recherche et développement présentées par votre Délégation conduisaient à distinguer deux périodes successives : le temps pour semer et le temps pour récolter . Au cours de la première période (4 à 5 ans), l'investissement en R et D des entreprises pèse sur leurs comptes sans contrepartie immédiate en termes d'amélioration de l'offre. Au cours de la période suivante, l'investissement en R et D donne des résultats importants en termes de gains de productivité et de croissance, grâce à des innovations de processus (qui permettent de baisser les prix) et des innovations de produits (qui permettent d'améliorer leur qualité). Pour obtenir les bénéfices de la deuxième période, il faut maîtriser les déséquilibres et les tensions inhérents à la première période.
Ceci suppose que la politique de régulation conjoncturelle ( policy mix ou combinaison des politiques budgétaires ou monétaires) réduise autant que possible pour les entreprises le risque associé à un investissement dans la R et D et créent ainsi un environnement macroéconomique favorable à l'innovation.
Or, comme l'illustrent divers travaux 94 ( * ) , les variations de la politique budgétaire discrétionnaire comme des taux d'intérêt, sont nettement moindres dans la zone euro qu'aux États-Unis, au Royaume-Uni ou les autres pays de l'Union européenne hors zone euro.
Le coût direct en croissance de cette absence de réactivité de la politique de régulation conjoncturelle 95 ( * ) est en outre amplifié par des capacités d'emprunt nettement plus réduites pour les entreprises de la zone euro que pour les entreprises américaines.
Les crédits au secteur privé représentent ainsi 0,76 % du PIB dans la zone euro contre 1,32 % aux États-Unis. L'écart est également important lorsqu'on considère des indices de capital risque ou de capitalisation boursière. Ceci suggère que les marchés du crédit aux entreprises dans les pays de la zone euro, outre qu'ils sont peu harmonisés, sont aussi nettement moins « profonds » qu'aux États-Unis.
Ainsi, les capacités d'emprunt des entreprises européennes se réduisent nettement, et plus fortement qu'aux États-Unis, dans les périodes de récession , alors même que celles-ci sont plus accusées et plus longues en Europe du fait d'une réactivité insuffisante des politiques conjoncturelles.
Un environnement macroéconomique propice au développement de l'innovation dans la zone euro suppose donc à la fois le développement et l'harmonisation des marchés financiers de détail (crédits aux entreprises et aux ménages) et la mise en oeuvre d'un policy mix beaucoup plus nettement contracyclique .
Une partie de l'échec de la stratégie de Lisbonne, à l'échelle européenne, et notamment de l'objectif d'augmentation des dépenses de recherche jusqu'à 3 % du PIB, peut ainsi s'expliquer par l'incapacité des autorités européennes - politique et monétaire - à créer l' environnement macroéconomique favorable qui permettra de surmonter les tensions transitoires provoquées par une stratégie d'investissement dans la recherche.
* 94 Voir Philippe AGHION « A primer on innovation and growth », Bruegel Policy Brief (2006).
* 95 Selon Philippe AGHION, si le degré de réactivité de la politique budgétaire en Europe était identique à celui observé aux États-Unis, la croissance de long terme dans la zone euro serait supérieure d'un demi-point par an .