II. AGIR SUR LA PRODUCTIVITÉ POUR PRÉSERVER L'AUGMENTATION DU NIVEAU DE VIE ?

A. QUELLE TENDANCE D'ÉVOLUTION DE LA PRODUCTIVITÉ ?

Une hausse du taux d'emploi permettrait de compenser partiellement l'impact négatif sur le PIB par habitant de l'évolution démographique (baisse du ratio population 15-64 ans/population totale). Mais l'allègement de cette contrainte pourrait, surtout, résulter d'une reprise des gains de productivité par tête (combinaison de la productivité horaire et de la durée du travail ).

1. La productivité horaire à moyen-long terme

La méthode la plus simple dans un exercice prospectif consiste à prolonger les tendances en cours.

S'agissant de la productivité horaire, cette démarche est toutefois perturbée par les évolutions récentes de la productivité, marquées par son ralentissement récent (à partir des années 1990). Il n'est pas aisé de déterminer si ce ralentissement est de nature structurelle 84 ( * ) (donc extrapolable) ou s'il est le résultat des politiques d'enrichissement du contenu en emploi de la croissance.

Dans cette seconde hypothèse, il serait logique de considérer que ces politiques ne seront pas amplifiées, soit en raison de leur coût budgétaire, soit parce que dans un contexte de vieillissement démographique, il est plus opportun de privilégier une utilisation intensive du travail. La stabilisation - à leur « niveau » actuel - des politiques d'enrichissement du contenu en emploi de la croissance permettrait ainsi à la productivité horaire de retrouver sa tendance de long terme .

Ce propos liminaire permet ainsi d'évoquer trois hypothèses concernant l'évolution de la productivité à l'horizon 2020 :

- si l'on considère que la période 1995-2005 est atypique sur le plan de l'évolution de la productivité, dans la mesure où elle a été perturbée à la fois par les politiques publiques et par les contraintes exercées par la construction de la zone euro sur les politiques macroéconomiques conjoncturelles, une autre méthode consiste à « neutraliser » cette période et à retenir la tendance qui prévalait antérieurement à 1993 (qui marque le début de la politique d'allègement des charges ainsi que l'acmé du choc négatif de la réunification allemande).

Toutefois, depuis cette date, la part des services dans la production a continué à progresser (de 52,2 % en 1980 à 68,8 % en 2004) et la productivité dans les services est inférieure à celle du secteur manufacturier. La tendance antérieure à 1993 doit donc être corrigée de cet effet de « déformation sectorielle ».

Ce calcul, réalisé par le Centre d'Observation Economique de la Chambre de Commerce et d'Industrie de Paris 85 ( * ) permet d'obtenir une tendance d'évolution de la productivité de 1,9 % par an ;

- cette estimation doit être considérée comme une référence moyenne : si l'on considère que la moitié du récent ralentissement (1995-2005) de la productivité ne s'explique pas par les politiques de l'emploi (allègements de charges, réduction de la durée tu travail,...) et obéit à des causes structurelles , il est prudent de retenir une hypothèse d'évolution de la productivité horaire de 1,5 % par an 86 ( * ) .

- une vision plus optimiste, tirée de l'expérience américaine est également possible. Elle repose sur l'idée qu'une part de l'accélération récente de la productivité aux États-Unis s'explique par l'utilisation plus intensive des Technologies de l'information et de la communication dans l'ensemble des secteurs, mais plus particulièrement dans les secteurs du commerce. Si les TIC venaient à être utilisés en Europe aussi intensivement qu'aux États-Unis, la productivité pourrait être accrue 87 ( * ) .

A partir des trois éléments rappelés ci-dessus, il est possible de retenir une « fourchette » allant de 1,5 à 2,5 % concernant l'évolution future de la productivité horaire.

* 84 Cf. page 89, pour l'analyse de ralentissement de la productivité horaire en France.

* 85 Alain HENRIOT, Carole DENEUVE : « Vers quelle évolution de la productivité en France », 2005.

* 86 Cf. page 91.

* 87 Une étude menée sous l'égide de l'Université de Groningue (B. van ARK, R. INKLAAR, R. MACGUCKIN, 2003) évalue à 0,8 point par an le supplément de productivité que l'Europe pourrait gagner à une utilisation intensive des TIC.

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