II. LA FRANÇAISE DES JEUX

Ce n'est pas parce qu'elle est un opérateur majeur du monde des jeux en France que le cas de la Française des jeux (FDJ) retient particulièrement l'attention de votre rapporteur.

C'est en raison du fait que « parler de la FDJ, c'est parler de l'Etat », puisqu'il a créé cette société d'économie mixte (SEM), qu'il en détient 72 % des parts sociales (peut être 92 % en 2008) et qu'il tire de ses activités des ressources financières considérables qui vont directement dans son budget ou qui viennent l'aider à financer des activités publiques comme le sport (encore récemment l'adduction d'eau en milieu rural !).

C'est aussi parce qu'il nous faut savoir précisément comment l'Etat « l'Etat croupier », comme l'exprimait un peu insolemment le « rapport I » de 2002, conduit la politique du jeu en France et se comporte personnellement quand il est lui-même opérateur.

N'est-on pas en droit d'attendre de l'Etat qu'il ait, dans ce domaine, un comportement exemplaire , qu'il manie son râteau de croupier avec mesure et que la FDJ, sa fille préférée, traduise en tous points cette politique du jeu raisonnable et responsable souhaitée et annoncée depuis peu ?

A cet égard il nous faut vérifier avec attention l'attitude de l'Etat vis-à-vis des mineurs, des interdits de jeu et des joueurs dépendants qui sont de plus en plus nombreux.

A. LA FRANÇAISE DES JEUX EXERCE UNE MISSION D'ETAT DÉFINIE PAR UNE CONVENTION

1. La convention de 1979 et les décrets de 2006

L'Etat, en 1978, a créé une société d'économie mixte sous forme de société anonyme, la Française des jeux (décret n° 78-1067 du 9 novembre 1978), et pris le contrôle du Loto.

L'année suivante (1 er janvier 1979) une convention de trente ans, résiliable à tout moment, signée entre la FDJ et le ministre du budget a fixé les modalités d'exercice de la mission confiée à la Société.

La mission de la FDJ consiste à concevoir, développer, commercialiser les loteries et certains jeux de pronostics sportifs sur l'ensemble du territoire national et en assurer la fiabilité, la sécurité et la transparence.

Son activité est sous le contrôle de l'Etat qui fixe le cadre juridique des jeux et la répartition des mises.

Cette convention n'a jamais été modifiée jusqu'ici 17 ( * ) .

Alors qu'elle fixait le cadre contractuel entre les deux acteurs, tout y est devenu, depuis, d'ordre réglementaire et, d'autre part, l'échéance de 2008 conduit à un certain réexamen du texte.

Une modification fondamentale de la convention était donc à l'ordre du jour sous l'égide de cinq ministères (intérieur, finances, justice, santé et sports) :

- elle modifierait l'article sur la mission ;

- elle mettrait en place une commission de contrôle des activités de la FDJ comprenant des administratifs et des personnes qualifiées ;

- elle fixerait une nouvelle répartition des fonds de la FDJ.

Or, anticipant cette réforme ou la réalisant de fait, deux décrets du ministre du budget pris le 17 février 2006 ont apporté de très importantes modifications au fonctionnement de la FDJ 18 ( * ) .

Ils ont, pour la première fois, formulé la préoccupation « d'encadrer la consommation des jeux afin de prévenir le développement des phénomènes de dépendance », et redit qu'il fallait « veiller à ne pas inciter les mineurs de moins de 16 ans à jouer ».

Les décrets instituent (article 13) un comité consultatif pour la mise en oeuvre de la politique d'encadrement des jeux et du jeu responsable 19 ( * ) .

Celui-ci est chargé de conseiller le ministre du budget pour la mise en oeuvre de cette politique d'encadrement des jeux exploités par la FDJ.

Cette initiative est louable ! Elle ne fait qu'exacerber le désir de voir en France la totalité des jeux (FDJ, PMU, casinos, cercles) bénéficier d'un tel encadrement.

Les deux décrets sont, en fait, identiques, mais l'un concerne les jeux de loterie, l'autre les pronostics sportifs. La plupart des autres dispositions sont de caractère technique et concernent pour l'essentiel l'utilisation des fonds provenant des gains et paris non réclamés.

Il sera montré plus loin en quoi ces décrets témoignent d'une évolution sensible de la stratégie de l'Etat, en vue de parer à certaines contestations fondées sur l'arrêt Gambelli, ou, du moins l'interprétation qui en est faite par des bookmakers anglais et autrichiens.

Mme Anne Rovan, dans un article du Figaro le 18 février 2006, parlait d'un « rempart contre l'arrêt Gambelli ». L'expression est bien choisie !

Un arrêté d'application, pris le 22 février 2006 donne mission à la FDJ de produire chaque année un programme de Jeux dont sera mesuré l'impact au regard des objectifs visés. Il sera organisé un suivi des jeux existants.

Enfin la FDJ est tenue de présenter dans les six mois un plan d'action en vue de prévenir le jeu excessif et de favoriser une pratique raisonnable du jeu.

Le comité consultatif, cité plus haut, comportera un représentant des ministères de la santé, de l'intérieur, de la jeunesse et des sports, du budget et trois personnes qualifiées dans les domaines de l'économie, du droit, du social et de la sécurité.

Aucun parlementaire !.... Le Parlement continuera donc à ne pas être informé : son rôle de « croupion » (voir « rapport I ») doit convenir à l'Etat.

* 17 Hormis la signature le 9 mars 2006, d'un avenant comptable relatif à des immobilisations et à des provisions, notamment à celle couvrant les risques liés à l'arrivée à échéance de la convention en 2008.

* 18 Décrets n° 2006-174 (jeux de loterie) et 175 (jeux de pronostics sportifs).

* 19 Dont la composition est précisée par un arrêté du 22 février 2006.

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