ANNEXE 4 - SYNTHÈSE DES RÉPONSES AU QUESTIONNAIRE ADRESSÉ AUX ÉLUS LOCAUX
La mission a adressé un questionnaire d'une trentaine de questions à l'ensemble des communes de plus de 10.000 habitants, ainsi qu'à celles, moins peuplées, qui comptent une zone urbaine sensible ou qui perçoivent la dotation de solidarité urbaine et de cohésion sociale. Ce questionnaire a également été envoyé aux communautés d'agglomération et aux communautés urbaines.
La mission a reçu environ 131 réponses émanant des maires, et 30 réponses des intercommunalités. Si ces chiffres limitent évidemment la possibilité de dégager des conclusions de caractère scientifique les réponses permettent toutefois de mettre en lumière de grandes tendances perceptibles chez les élus locaux, et recèlent en outre de nombreuses observations détaillées qui, sur bien des sujets, ont permis d'éclairer, d'infléchir ou de conforter les conclusions et propositions de la mission.
1. LA POLITIQUE DE LA VILLE : UN PALLIATIF NECESSAIRE MAIS NON SUFFISANT
65,8 % des maires qui ont répondu estiment que les émeutes de l'automne ne démontrent pas un échec de la politique de la ville. Cette tendance est encore plus affirmée du côté des intercommunalités (80 %).
Aux deux questions « sur quels points jugez-vous qu'elle a échoué ? » et « sur quels points jugez-vous qu'elle a réussi ? », il est à noter que certains maires ne relèvent aucun élément d'échec, affirmant qu' « elle n'a pas échoué », ou que « c'est plutôt l'échec combiné de chacune des grandes politiques publiques du droit commun qui est en échec ». A l'inverse, les appréciations les plus négatives sont ainsi formulées : « Zéro. Mais cela n'aurait-il pas été pire sans ? », « Sans la politique de la ville, la situation des quartiers serait plus alarmante. Il faut encore en attendre les fruits. »
A. LES ASPECTS NEGATIFS
A la question de savoir sur quels points ils estiment que cette politique a échoué, une très forte majorité de maires mettent en avant le manque de continuité et de visibilité dans le temps des priorités et des financements 158 ( * ) , le manque de ciblage des crédits sur les territoires les plus en difficulté 159 ( * ) , l'insuffisante mobilisation des crédits de droit commun , voire le « désinvestissement » de ces crédits 160 ( * ) . Cette analyse est ainsi résumée par un élu : « L'échec vient plus de l'idée que cette politique peut résoudre à elle seule toutes les difficultés cumulées sur les quartiers (habitat dégradé, taux de chômage très élevé, précarité économique, sociale, culturelle des habitants, discriminations, délinquance...). En réalité, c'est la mobilisation renforcée des politiques de droit commun qui peut permettre d'inverser la tendance. Or, la mise en place de la politique de la ville correspond souvent à un retrait du droit commun. Ceci est d'autant plus préjudiciable que cette politique est mouvante, fluctuante. »
Est également déplorée l'absence d'une volonté politique globale et durable en faveur des quartiers concernés. Un maire évoque ainsi les « adaptations nombreuses à chaque arrivée de ministre », et le fait que la « politique de la ville » est vécue comme variable d'ajustement du budget national », tandis qu'un autre la qualifie de « politique spécifique non soutenue et relayée par les politiques générales de droit commun (éducation, formation...) » . Un troisième souligne que « la politique de la ville a surtout subi des arrêts successifs, des changements de cap préjudiciables à une intervention de long terme».
La politique de la ville est ensuite critiquée pour sa complexité et sa lourdeur , comme le souligne ainsi un élu : « Son principal point faible est l'immense décalage entre la mobilisation qu'elle a générée sur le terrain et les lenteurs et lourdeurs rencontrées dans le traitement des dossiers » . Processus de décision trop longs, actions « éclatées », lourdeur des procédures, difficulté d'articuler les différents dispositifs, carence des procédures d'évaluation, les élus sont nombreux à insister sur ces points, soulignant que « la lourdeur des démarches administratives a freiné les possibilités de réactivité face aux besoins et aux réalités du terrain en évolution constante ».
Viennent ensuite la mention de thématiques plus spécifiques sur lesquelles cette politique aurait particulièrement échoué. En première place figurent l'emploi et le développement économique (« peu de soutien à la revitalisation économique »), les élus estimant qu'on n'a pas « agi à la racine du mal ». Ils pointent ensuite le déficit d'intégration des populations (« mixité mal pensée », « les ghettos existent toujours », « Echec des politiques sociales, éducatives et d'intégration des populations d'origine étrangère notamment »).
Enfin, sont évoqués, dans une moindre proportion, l'école , le cadre de vie et la délinquance (« Sous estimation des problèmes liés aux trafics en phénomènes de bandes ou de marchés parallèles. Cessons de "victimiser" les voyous. »). Comme on le verra plus loin, les maires considèrent pourtant qu'il s'agit là de thèmes prioritaires, mais ils estiment que ce n'est pas à la politique de la ville à elle seule qu'il revient de régler ces problèmes, et qu'on ne peut donc lui imputer les échecs en la matière.
B. LES ASPECTS POSITIFS
Parmi les éléments positifs du bilan de cette politique sont cités, à une écrasante majorité, d'une part le partenariat entre les différents acteurs et, d'autre part, le maintien du lien social et le développement du tissu associatif .
Plus de la moitié des réponses insistent ainsi sur la « capacité pour l'administration d'Etat et les collectivités locales à mettre en place des politiques partenariales et transversales » et la « création de liens entre les différents partenaires de la ville : mairie, justice, éducation, bailleurs sociaux ».
Une importante proportion d'élus évoquent ensuite le lien social : « revalorisation de l'image de certains quartiers et de leurs habitants », « activités d'insertion », « les dispositifs Politique de la Ville ont permis notamment une présence humaine renforcée sur site : médiateurs, associations, services publics de proximité, commerces et mise en place d'actions continues en matière de prévention, éducation et sécurité », « les réseaux mis en place ont fonctionné : les associations de proximité ou communautaires, les centres sociaux et les contrats locaux de sécurité ont communiqué et ont été réactifs ». Certains relèvent même que « cette coordination particulièrement efficace a permis d'être réactif au quotidien et plus particulièrement lors des événements de l'automne et d'éviter l'envenimement de la situation », et même d'« éviter une explosion sociale généralisée dans des territoires de plus en plus en difficulté ».
En conclusion de ce bilan, on peut donc relever que les maires jugent, globalement, que la politique de la ville a été impuissante, à elle seule, à agir à la racine des maux des quartiers en difficulté. Elle apparaît également avoir échoué dans l'un de ses objectifs initiaux, qui était de mobiliser les politiques de droit commun de manière prioritaire sur les quartiers en difficulté, et d'influer sur celles-ci afin qu'elles s'adaptent à la spécificité de ces quartiers . En revanche, une relative unanimité se dégage pour souligner que cette politique, considérée comme palliative, a permis de « limiter les dégâts » engendrés par les carences des politiques de droit commun, et d'améliorer l'accompagnement social des populations.
C. LA MISE EN OEUVRE DE LA POLITIQUE DE LA VILLE
S'agissant des zonages de la politique de la ville, on relèvera que 53 % des maires ont répondu positivement à la question : « vous paraît-il opportun, dans votre commune, de modifier le découpage des zones urbaines sensibles ou des zones de redynamisation urbaine, en faisant "sortir" certains quartiers de ce découpage, ou en y incluant des quartiers qui n'y sont pas ? ».
Le découpage est jugé « trop ancien », pour répondre à une situation caractérisée par le « glissement des problèmes sociaux des quartiers ZUS vers d'autres secteurs ». Quelques maires considèrent comme nécessaire de classer « l'ensemble de la commune » car le découpage est « inefficace », et un autre souligne : « c'est le principe même d'une liste de territoires arrêtée par décret qui est problématique ».
Concernant la gouvernance , les communes répondent, majoritairement, que l'échelon le plus pertinent pour mener une politique de la ville est la commune (à 43 %). Toutefois, les maires soulignent assez nettement le rôle des agglomérations, puisque 32 % estiment que l'échelon le plus pertinent est l'agglomération, et 23 % répondent que les deux niveaux doivent jouer un rôle. Du côté des intercommunalités, sur 25 réponses, 15 penchent pour l'intercommunalité, et 7 mettent en avant le rôle des deux échelons. Enfin, 75 % des maires indiquent qu'ils ont une action concertée avec le département et la région en matière de politique de la ville.
II. L'ANALYSE DES EVENEMENTS DE NOVEMBRE 2005
A. LES CAUSES
Interrogés sur les causes déterminantes ayant conduit aux événements du mois de novembre 2005, les élus insistent, majoritairement, sur l'aspect identitaire de la crise et sur le sentiment « d'exclusion », « d'abandon », « d'injustice, d'inégalités des chances », de « perte d'espoir » perceptible chez les jeunes. Pour la majorité des maires, ce sentiment est alimenté par « les différences de traitement entre les citoyens (fonction des origines) et l'absence de reconnaissance des qualités de notre jeunesse » , le « manque de perspectives », un « discours stigmatisant », un « ascenseur social bloqué », la « relégation de ces quartiers », situation qui conduit à un « manque de repères dans la République », et à une « vision très négative du monde politique ».
D'autres, moins nombreux, insistent davantage sur l'effet de « victimisation », sur « l'écart grandissant entre la réalité à laquelle se trouvent confrontés les habitants de ces quartiers en difficulté et la société de consommation au travers des images qu'elle projette » et sur « la faiblesse et l'angélisme face aux dispositifs qui nuisent à l'image du travail et de l'effort au profit de l'assistanat et de la déresponsabilisation des familles ».
Le problème du chômage des jeunes est ensuite cité à de nombreuses reprises, associé à celui de la discrimination. On retrouve mention de l'« oisiveté », de la « précarité », du « désoeuvrement des jeunes qui « zonent ». Un élu souligne que « les mesures en faveur de l'emploi ne leur bénéficient pas ou par des réponses qui ne les satisfont pas (emplois aidés, travail précaire) », un autre évoquant les « exclusions du travail (origine géographique, ethnique, manque de qualification ou qualification non adaptée au marché de l'emploi). Face à cette situation, plusieurs élus relèvent « la mise en place d'une économie souterraine basée sur les trafics de drogue ».
Viennent ensuite, dans l'ordre :
- l'évocation du rôle des medias (« effet boule de neige », « un traitement médiatique complaisant » , « phénomène de contagion médiatique : quelques jeunes ont voulu participer au téléthon des incendies », « il est très facile de faire parler de soi et de son quartier par de tels actes alors que les actions positives et constructives menées par les acteurs de ces quartiers sont rarement mises en valeur ») ;
- la crise de l'autorité parentale (« les carences en matière d'autorité parentale et le manque de repères sont des facteurs importants » « Image d'adultes n'ayant jamais travaillé ») ;
- la concentration des populations dans les mêmes quartiers (« Territoires relégués », « ghettoïsation des quartiers », « la création d'un urbanisme dans lequel la diversité et la mixité sociales ne sont pas suffisamment intégrées ») ;
- le repli communautaire (« fonctionnement identitaire ou communautaire de certains quartiers », « phénomènes de bandes », « refus de l'intégration proposée »).
Si certains mettent l'accent sur le climat d'impunité régnant dans certains quartiers (« Le fait que depuis trop longtemps, on répond plus à ceux qui crient et cassent qu'à ceux qui font de véritables efforts d'insertion. L'achat de la paix sociale, les animateurs et médiateurs de complaisance ont là encore démontré leurs limites »), d'autres estiment que c'est avant tout l'insuffisance des dispositifs de prévention le principal responsable (« Sur Macon, le quartier qui a connu le plus de tensions (véhicules incendiés) est un secteur qui ne dispose pas encore de dispositif "politique de la ville" »).
B. LES ACTIONS MISES EN OEUVRE AU NIVEAU LOCAL APRÈS LES EVENEMENTS
Interrogés sur les dispositifs qu'ils ont modifiés ou institués à la suite des émeutes, les maires évoquent, tout d'abord, le renforcement des actions d'insertion , l'embauche d'animateurs de quartiers, le développement des associations et la création de lieux de dialogues avec les jeunes. Ils citent ensuite des actions concernant la sécurité : institution ou renforcement du CLSPD 161 ( * ) , mise en place d'une cellule de veille élus/police/responsables associatifs, hausse des effectifs sur le terrain voire, dans quelques cas, mise en place d'un système de vidéosurveillance. Nombre d'entre eux insistent enfin sur la création d'une équipe de réussite éducative , la mise en place de « maisons de la parentalité » et l'amélioration du soutien scolaire.
C. LES PRIORITES À TRAITER POUR EVITER LA REPETITION DE TELS EVENEMENTS
L' emploi et l'éducation sont les deux priorités les plus fréquemment citées pour éviter que les événements de novembre 2005 ne se reproduisent. Un élu résume ainsi : « la priorité des priorités est le triptyque : éducation - formation - emploi. Et pour cela, il faut des moyens et des actions pérennes (donc venant du droit commun et non de la politique de la ville). »
Le thème le plus évoqué concerne l'emploi (64 réponses sur 131 l'évoquent, soit presque la moitié, dans la plupart des cas en première position). Parmi ces réponses, la nécessité d'améliorer la formation , notamment aux métiers manuels , revient souvent, les élus évoquant la nécessité d'« éviter les parcours sans issue, de redonner ses lettres de noblesse à l'apprentissage, de revaloriser les métiers manuels » et d'« offrir des formations manuelles rémunérées en apprentissage ». Est également évoquée à plusieurs reprises la lutte contre les discriminations .
La question de l'éducation et la nécessité d'un « plan éducatif d'envergure pour l'école et le péri scolaire » sont évoquées dans une trentaine de réponses. L'accent est mis sur l'amélioration des parcours scolaires (« un meilleur accès à toutes les formes d'enseignement », « formations diplômantes effectives en adéquation avec les besoins économiques »), souvent en lien avec celle de la formation et, dans un nombre important de réponses, la restauration de l'autorité parentale (« légitimer les parents dans leur fonction éducative »).
La sécurité et l'amélioration du cadre de vie sont ensuite évoquées dans des proportions sensiblement identiques. S'agissant du premier sujet, l'accent est mis, majoritairement, sur la prévention de la délinquance et sur la présence des forces de police sur le terrain (« répartition des forces de police : effectif insuffisant dans les banlieues, comparées à Paris intra-muros, organisation de la police nationale : trop de tâches administratives ou de conduites des détenus, pas assez de présence préventive sur le terrain », le « rétablissement de la police de proximité »), d'autres insistant davantage sur le rétablissement de l'ordre républicain (« Restaurer l'ordre républicain dans les quartiers sensibles, lutter contre les économies parallèles ») et sur l'amélioration de la réponse judiciaire (« Réactivité de la justice : les peines ou condamnations sont trop tardives »).
Quant à l'amélioration du cadre de vie , les élus insistent sur la nécessité de « casser les cités et ne pas renouveler les erreurs du passé », d'« accélérer le renouvellement urbain, accentuer la mixité sociale et favoriser le relogement des familles concernées dans des ensembles à taille humaine » et appellent à la « construction de logements sociaux dans les villes non pourvues ». L'un deux résume ainsi les actions prioritaires à mener : « Amélioration du cadre de vie : logements, espaces publics, dé-densification. Intégration des quartiers en difficulté à la ville : accès voiries, transports urbains, traitement voirie ».
Enfin, le dernier thème abordé, quantitativement, est celui de l'amélioration de l'accompagnement social des populations et le renforcement du tissu associatif : « Développer les actions éducatives, augmenter les moyens en matière de prévention de la délinquance, éducation au civisme, renforcer la présence de proximité, renforcer le soutien à la parentalité et l'aide aux associations de quartier . »
Est également évoquée, à quelques reprises, le rôle des collectivités territoriales, les élus soulignant la nécessité d'« équilibrer les recettes locales entre villes "riches" et "pauvres" » et d'« écouter les maires ».
III. LES POLITIQUES SECTORIELLES
A. LA RENOVATION URBAINE : UNE APPRECIATION GLOBALEMENT POSITIVE
Seule une soixantaine de communes, sur les 126 communes ayant répondu au questionnaire, sont concernées par la mise en oeuvre d'un projet ANRU. Un certain nombre de celles qui ne sont pas concernées le déplorent.
Les aspects positifs de l'ANRU sont majoritairement mis en avant par les maires, qui soulignent : « l'importance des moyens financiers accordés », « les habitants ont l'espoir que leur quartier évolue dans le bon sens » , « Démarche intéressante car vise à une transformation importante dans un délai relativement court », « Effets de démultiplication et d'entraînement des initiatives de quartier, dispositif fédérateur des potentialités locales », « très positif cela nous a permis de mettre sur pied un programme global et cohérent ».
Un nombre conséquent de communes (une vingtaine) déplorent la lenteur, la complexité et la lourdeur des procédures : « Les pesanteurs techniques ne facilitent pas l'action des élus locaux » « Trop lente : longueur administrative, lenteur pour le versement des avances et trop éloignée du terrain : vision centrale des quartiers et politique unique ». Un maire estime à cet égard que ce dispositif « favorise trop les villes qui disposent de moyens d'ingénierie importants ».
Si très peu de maires critiquent l'aspect « démolition » (cinq), d'autres, plus nombreux, soulignent la nécessité d'investir, de manière complémentaire, sur le volet « humain » et disent compter à cet égard sur la mise en oeuvre des contrats urbains de cohésion sociale. L'un deux résume ainsi : « Aspect positif : définition d'un projet urbain d'ensemble et cohérent. Points à améliorer : la priorité accordée aux investissements doit s'accompagner d'un effort supplémentaire pour les actions de fonctionnement, gage du succès du projet urbain mais aussi social ».
B. LES ZONES FRANCHES URBAINES : DES BENEFICIAIRES SATISFAITS
Seuls les maires ayant une ZFU ont répondu à la question portant sur ce sujet, soit une quinzaine. A une exception près, tous jugent positif l'effet de la zone sur le quartier, mettant en avant la « participation active des entreprises à la vie du quartier » et la « redynamisation économique ». L'un d'entre eux estime à 431 le nombre d'établissements créés sur la ville depuis sa création, un autre précisant : « avant la mise en place du dispositif de la zone franche urbaine en 1997, le quartier concerné présentait toutes les caractéristiques d'un secteur en crise économique, expliquant en grande partie les conséquences sociales observées. L'effet de la ZFU est très positif en termes d'attractivité économique puisque le nombre d'entreprises a été multiplié par 4,5 et le nombre d'emplois par 3,4 en 9 ans . »
Les « bémols » à cette tonalité globalement positive concernent le recrutement (« l'accès à l'emploi de certaines populations reste une difficulté majeure »), le manque de foncier et la nécessité de conforter, dans le temps, les effets de la zone.
C. UN PLEBISCITE POUR LA POLICE DE PROXIMITE
Une majorité écrasante de maires interrogés estiment « bon » ou « très bon » le bilan de la police de proximité, puisque c'est le cas de 60 d'entre eux, 8 seulement le jugeant « négatif », 4 « moyen » et 1 « nul », les autres ne répondant pas à la question, notamment du fait qu'ils n'ont pas été concernés par le dispositif, certains le regrettant. De nombreux élus regrettent le « tournant » pris en 2002 « sans qu'une évaluation réelle n'ait pu être mise en place ».
Les maires mettent en avant une « meilleure présence sur le terrain », un « dialogue plus facile avec la population », un « recueil d'informations plus ciblées, une occupation plus pertinente du territoire et un meilleur traitement et d'approche des victimes ». Ils soulignent qu'elle « avait le mérite de lutter contre le sentiment d'insécurité » et jouait un « rôle très positif auprès de la population et un rôle éducatif non négligeable auprès des jeunes ». Le maire d'une grande ville résume ainsi : « la police de proximité a permis une plus grande adéquation entre la lutte contre la délinquance et la connaissance de ces phénomènes. Le sentiment des populations a beaucoup évolué durant cette période et s'est mué en un véritable plébiscite de la police de proximité ».
Parmi les éléments négatifs évoqués, un maire estime qu'elle « s'est apparentée à la multiplication des postes de police au sein des différents quartiers de la ville, immobilisant par là même des fonctionnaires de police », un autre jugeant que l'accent mis sur le volet préventif a entraîné « non pas une forme de laxisme ou de complaisance, mais une certaine retenue peu compatible avec la recherche du flagrant délit ».
A mi-chemin des deux positions, un élu souligne que le bilan est satisfaisant « dès lors que les effectifs sont en nombre suffisant pour assurer dans de bonnes conditions les missions respectives d'investigation, de recherche judiciaire ou de proximité ».
Enfin, on relèvera que 90 % des maires jugent positif le rôle des conseils locaux de sécurité et de prévention de la délinquance.
IV. LES ACTIONS PRIORITAIRES À METTRE EN OEUVRE DANS LES QUARTIERS EN DIFFICULTE
Les élus étaient enfin interrogés sur les « actions prioritaires à mener en faveur des quartiers en difficulté », question différente de celle concernant les politiques à mettre en oeuvre pour éviter le renouvellement des émeutes, dans la mesure où elle était moins ciblée sur les problèmes de la « jeunesse ».
Les réponses diffèrent d'ailleurs sensiblement puisque, sur cette question, les maires insistent, majoritairement, sur l'amélioration du cadre de vie . Ils sont en effet 43 % à évoquer cette thématique, en la plaçant, bien souvent, en première position. Beaucoup d'élus insistent ainsi sur la nécessité de « poursuivre dans la durée le travail de rénovation et d'entretien », d'« accélérer » et de « renforcer » la politique de rénovation urbaine, afin de parvenir à une « refonte de l'architecture urbaine » qui, pour un certain nombre, passe par la « destruction des grands ensembles », le « retour à un urbanisme de rue » et la mise en oeuvre d'une « mixité en matière de logement (habitat horizontal, vertical, semi-horizontal) ». Un élu insiste ainsi sur la nécessité de « réduire les densités, ne plus reconstruire avec ce type de logement, résidentialiser et responsabiliser les habitants par entrée ».
Outre l'architecture urbaine, l'accent est mis sur la nécessité de désenclaver les quartiers et de parvenir à une « véritable harmonisation territoriale en matière de logement social », par une « politique de peuplement à l'échelle de l'agglomération », « visant la mixité sociale », un maire demandant à cet égard un « droit de regard sur le contingent Préfecture ».
S'agissant, toujours, du cadre de vie, les élus sont nombreux à insister sur le nécessaire renforcement des services publics dans ces quartiers , sur la mise en oeuvre de conventions de gestion urbaine de proximité, et sur l'amélioration des équipements publics.
On retrouve ensuite les préoccupations déjà exprimées, puisque le thème de l'emploi est cité à de nombreuses reprises (environ 30 % des maires l'évoquent), dans les mêmes proportions que l'éducation . Un élu propose notamment des « bourses aux enfants méritants des quartiers difficiles pour poursuivre des études supérieures », un autre demande « un personnel plus expérimenté et plus qualifié en matière d'enseignement ».
Environ 20 % des maires évoquent le renforcement de la présence sur le terrain d'acteurs associatifs et l'amélioration des actions sociales et culturelles de proximité.
Une moindre proportion cite la prévention de la délinquance et la « restauration de l'état de droit dans les zones sensibles », l'un d'entre eux insistant sur le « renforcement de la sécurité, la rapidité des sanctions pour les petits délits, les actions en profondeur pour faire cesser les trafics diurnes et les groupes qui terrorisent les habitants ».
Des recommandations concernant la politique de la ville sont également émises : « plusieurs conditions à réunir pour réussir : politique globale de territoire et contractuelle sur plusieurs années avec une enveloppe globale qui permet au maire une certaine latitude dans l'attribution des crédits, une évaluation et un retour sur leur utilisation, la garantie des ressources de la commune, à travers les dotations, l'attribution des crédits nécessaires aux actions politique de la ville (en moyenne 70 % du coût pris en charge par les communes) en attendant la réforme de la fiscalité locale ».
On trouve enfin, dans cette partie, des constats d'ordre plus général : « la priorité majeure : changer le regard sur les quartiers en difficulté. La condamnation symbolique des quartiers à n'être que des lieux en sursis conduit à admettre que leurs habitants sont d'une manière ou d'une autre à la marge de la société. Il faut changer d'angle d'approche et trouver comment les valoriser comme des lieux de ressources, utiles, pour les habitants qui y vivent avec leurs projets. Inventer de nouveaux modes de participation aux décisions publiques ».
* 158 « Manque de lisibilité des géographies prioritaires et des champs d'action, limite de la démarche interministérielle, difficulté à entrevoir les objectifs assignés au niveau national »
* 159 « Elle n'a pas permis de bousculer la "hiérarchie" de l'attractivité des quartiers (ou leur non-attractivité) et apparaît comme palliative... »
* 160 « Les engagements pris au départ entre les partenaires signataires n'ont pas été toujours tenus faute de moyens humains. La politique de la ville s'est trop souvent substituée au droit commun. »
* 161 Conseil local de sécurité et de prévention de la délinquance.