2. Renforcer l'accompagnement social des habitants concernés par les projets de rénovation urbaine
Un double reproche est régulièrement adressé à l'ANRU. Celle-ci privilégierait de manière systématique les démolitions, au détriment de la reconstitution de l'offre, et ne prendrait pas suffisamment en compte la dimension humaine des projets.
S'agissant de la question des démolitions, la mission ne peut tout d'abord que rappeler la très forte relance de la construction de logements sociaux depuis quelques années : 77.000 logements sociaux en 2005 et 90 à 100.000 prévus en 2006. Elle relève ensuite que l'acte de démolir peut répondre à certaines nécessités : vacance d'immeubles, vétusté des bâtiments, nécessité de « dédensifier » et de rééquilibrer la répartition des logements, de diversifier les statuts d'occupation et les formes architecturales et de modifier l'image des quartiers. Cette dernière nécessité a été soulignée par de nombreux maires, toutes tendances politiques confondues, en réponse au questionnaire 17 ( * ) . La mission souligne néanmoins que la pertinence de la démolition doit faire l'objet d'un examen rigoureux pour chaque dossier, afin que, comme l'a souligné un membre de la mission, une « véritable politique de requalification urbaine » soit mise en oeuvre 18 ( * ) .
Il est également impératif que soit respectée la règle du « 1 pour 1 », afin de garantir la reconstitution de l'offre. Celle-ci suppose un effort de solidarité au niveau des agglomérations pour rééquilibrer la répartition des logements sociaux et, dans les zones concernées, le respect par les communes de leurs obligations en matière de construction de logements sociaux. Le rapport du comité d'évaluation et de suivi de l'ANRU de février 2005 relève ainsi : « les villes porteuses de projets d'agglomération et non de projets communaux affichent les ambitions les plus élevées en matière de diversification de l'habitat et de mixité. Elles ont généralement « négocié » une répartition harmonieuse des logements sociaux à l'échelle intercommunale ». En outre, lorsqu'il n'existe pas d'agglomération structurée, et qu'interviennent sur le site des organismes HLM de dimension départementale ou interdépartementale, ces derniers devraient pouvoir s'engager, dans le cadre de la convention et sur financement ANRU, à la reconstitution équivalente de l'offre sur leur territoire d'intervention 19 ( * ) .
Concernant, ensuite, l'accompagnement des populations, la mission estime tout d'abord nécessaire que soit réalisée rapidement une enquête nationale sur les conditions de relogement des habitants concernés par des opérations de rénovation, ce qui suppose que l'ANRU perfectionne son système d'information, afin de produire des données exhaustives et précises sur ces conditions . Elle rappelle, à cet égard, que M. Jean-Paul Alduy, président de l'ANRU, a indiqué lors de son audition que l'Agence effectuerait une évaluation sur ce sujet et que, si les engagements n'ont pas été respectés par les différents partenaires, une rétrocession des crédits de l'ANRU serait envisagée.
En outre, les mécanismes de garantie contre une hausse de loyer pour les personnes changeant de logement pourraient être renforcés. Il faut rappeler à ce sujet que, d'ores et déjà, l'ANRU octroie des prêts PLUS conditionnés par l'engagement des maîtres d'ouvrage à proposer des relogements à des loyers compatibles avec les revenus des ménages. Afin de compléter, sur ce point, l'engagement financier des communes et de l'ANRU, il serait opportun de permettre aux départements de participer à cet effort, via le fonds de solidarité logement . Dans certains cas, celui-ci pourrait prendre en charge, sous condition de ressources, le différentiel entre le montant de l'ancien et du nouveau loyer engendré par un relogement prévu dans le cadre d'une convention de rénovation urbaine. Pour cela, il conviendrait sans doute de préciser, dans la loi du 31 mai 1990, qu'il peut le faire 20 ( * ) . Cette mesure pourrait être complétée par une bonification des aides à la pierre pour favoriser la stabilité des loyers dans les opérations de rénovation urbaine.
La mission, consciente de l'attachement très fort des habitants à leur lieu d'habitation, préconise en outre un approfondissement de la concertation, notamment au travers des associations, et souligne que la qualité de celle-ci doit constituer une exigence systématique dans l'examen des dossiers . Elle se félicite, à cet égard, de la création récente, au sein de l'ANRU, d'un centre de ressources spécifique sur la conduite de la concertation, qui pourra être saisi à la demande des préfets afin d'expertiser les démarches locales de concertation, et qui constituera un lieu d'échanges des « bonnes pratiques ». Elle suggère que soit réalisé un « guide des bonnes pratiques » de participation des habitants incluant des exemples étrangers et accessible sur le site Internet de l'ANRU .
Par ailleurs, la mission juge nécessaire d'accompagner la destruction des immeubles d'un travail de mémoire sur le patrimoine , qui représente, pour ses occupants, un élément identitaire important 21 ( * ) . Enfin, elle estime indispensable de coordonner les actions menées sur le bâti et celles visant l'accompagnement social des populations, qui seront menées notamment au travers de l'Agence pour la cohésion sociale et l'égalité des chances 22 ( * ) .
* 17 Voir annexe relative au questionnaire adressé aux élus locaux.
* 18 M. Yves Dauge, sénateur, voir compte-rendu de l'audition de Mme Bernadette Malgorn en annexe.
* 19 Cette proposition a notamment été formulée dans le rapport établi par M. Pierre Pommellet, Pour une relance de l'habitat en Ile-de-France, 2005.
* 20 A l'heure actuelle, le FSL peut financer les frais d'installation dans un logement (caution, premier loyer, garantie) ou prendre en charge d'éventuels impayés de loyers et des frais de procédure.
* 21 On relèvera que l'ANRU met actuellement en oeuvre un chantier consacré à la mémoire des quartiers, qui se traduira par la mise à disposition sur Internet de milliers de clichés indexés.
* 22 Voir partie consacrée à la cohésion sociale.