2. Les ZEP : une réponse insuffisante, contestée et contestable
a) Les limites d'une action « prioritaire » menée à grande échelle
Après 25 ans de mise en oeuvre, la politique d'éducation prioritaire 55 ( * ) n'a pas contribué à réduire, dans les territoires cumulant les handicaps, les inégalités de réussite scolaire liées au poids de l'origine sociale : si, globalement, il n'y a eu ni dégradation ni rattrapage des conditions de scolarisation, la situation s'est aggravée dans certains établissements.
En raison de l'insuffisance et du saupoudrage des moyens, ce « zonage » a renforcé, aux yeux des familles comme des enseignants, les effets de stigmatisation.
En effet, le supplément de ressources alloué aux établissements est estimé à environ 10 % par le ministère de l'éducation nationale 56 ( * ) , alors qu'il est 1,5 fois plus élevé aux Pays-Bas. Par ailleurs, ces moyens ont été consacrés de façon quasi exclusive à la réduction uniforme du nombre d'élèves par classe, insuffisante pour avoir un impact sur la réussite des élèves.
La mission n'entend pas, pour autant, remettre en cause la pertinence du principe, qui a été largement dévoyé par l'extension non pilotée du dispositif : comme l'a rappelé le ministre de l'éducation nationale, M. Gilles de Robien, en présentant, le 8 février dernier, son plan de relance de l'éducation prioritaire, au lieu de « donner plus à ceux qui ont moins », « nous avons donné trop peu, à trop de monde » .
Les zones et réseaux d'éducation prioritaire, dont le nombre est passé de 363 en 1982 à plus de 900 en 2005, scolarisent aujourd'hui près de 18 % des écoliers et 20 % des collégiens. Leur bilan contrasté révèle de fortes disparités liées à un « effet de cliquet » : or, « une ZEP qui réussit devrait être une ZEP qui disparaît », comme le soulignait déjà la commission d'enquête sur la gestion des personnels éducatifs, présidée par notre collègue M. Adrien Gouteyron 57 ( * ) .
C'est pourquoi la mission partage les récentes orientations visant, notamment, à améliorer l'évaluation et le suivi des ZEP et à mieux cibler les moyens sur les « élèves prioritaires » , dans les 249 collèges et 1 600 écoles des « réseaux ambition réussite » où les difficultés sont les plus lourdes.
Ces établissements bénéficient, depuis la rentrée dernière, du renfort de 1 000 enseignants « chevronnés » et de 3 000 assistants pédagogiques, qui ont notamment pour tâche d'assurer le suivi individualisé ou en petits groupes des élèves repérés en difficultés.
Il s'agit toutefois d'aller jusqu'au bout de la réforme et d'assouplir les modalités d'entrée et de sortie du dispositif, sur la base d'objectifs pluriannuels contractualisés : révisable à intervalles réguliers, le statut de ZEP deviendrait ainsi un véritable vecteur de dynamisme.
* 55 Voir annexe n° 9 (Partie II : « La politique d'éducation prioritaire »).
* 56 Toutefois, comme le révèle une étude citée en annexe n° 9, en prenant en compte les caractéristiques des enseignants (un plus grand nombre de moins de 35 ans et de non titulaires), « les salaires moins élevés de ces professeurs compensent probablement, en partie, le surcoût des ZEP ».
* 57 « Mieux gérer, mieux éduquer, mieux réussir. Redonner sens à l'autorisation budgétaire », rapport de la commission d'enquête sur la situation et la gestion des personnels des écoles et des établissements du second degré, Adrien Gouteyron, président, Francis Grignon, rapporteur, Jean-Claude Carle et André Vallet, rapporteurs adjoints, Sénat, rapport n° 328 (1998-1999).