b) L'école perméable à la violence et à la misère sociale : une autorité à restaurer
L'école n'est pas étanche aux difficultés qui l'environnent : elle les reflète, les « absorbe » et les amplifie, au point de faire de certains de nos établissements scolaires des zones de violence et de misère sociale, qui portent en germe -ou subissent- les phénomènes de délinquance.
La commission d'enquête du Sénat sur la délinquance des mineurs relevait ainsi l' « entrée en force de la délinquance à l'école » , qui reste sous-estimée par l'Éducation nationale. Or, « si tous les jeunes en échec scolaire ne sont pas des délinquants, une immense majorité de ces derniers n'a pas réussi à l'école » 52 ( * ) .
Notre collègue M. Christian Demuynck avait souligné, dans un récent rapport 53 ( * ) , qu'outre les actes de violence graves, qui sont le fait d'un petit nombre d'élèves, les collèges des quartiers « difficiles » étaient les plus concernés par l'absentéisme régulier et l'accumulation de « petites incivilités au quotidien qui font peser sur l'école un climat d'insécurité perçu et vécu comme une violence » .
Au-delà, la concentration de la misère sociale contribue à ébranler l'autorité de l'institution scolaire. Le recteur de l'académie de Créteil a ainsi fait observer à la mission que l'école n'était plus, aux yeux d'une partie des jeunes, « porteuse d'un projet de vie » : cette « machine scolaire » fonctionne en effet pour eux comme « un piège et un vecteur d'exclusion » 54 ( * ) , soit en conduisant à l'échec et à la perte de l'estime de soi, soit en délivrant un diplôme qui ne permet pas de trouver une place dans la société.
A cet égard, l'exemple du chômage des aînés et des « grands frères diplômés » a un effet démobilisateur de plus en plus précoce sur les élèves : plus de 30 % des enfants d'inactifs quittent le système scolaire sans qualification. Par ailleurs, le manque d'intérêt pour les études de certains collégiens les conduit à un « décrochage » progressif : près de 15 000 jeunes de moins de 16 ans seraient déscolarisés -échappant aux dispositifs de « remédiation » ou autres « classes relais » mises en place depuis 1998-, dans une situation qui les place dans une spirale de marginalisation sociale.
L'« école de la rue » fait alors concurrence à la salle de classe : l'échec scolaire devient un marqueur identitaire pour ces « affranchis » du système -le linguiste Alain Bentolila parle de « tribalisation de l'échec » -, exposés au développement de trafics divers, qui assurent un « statut social » dans la cité, se révélant plus rapidement et aisément lucratifs.
Face à de telles situations qui déstabilisent les établissements et rendent les conditions d'exercice de leur mission délicates, les équipes éducatives doivent être dotées de véritables moyens de réagir et d'agir : cela passe notamment par la poursuite du développement des classes relais, chargées d'accueillir, de façon temporaire, les jeunes dont le comportement contribue à perturber les classes.
Au-delà, la mission suggère de mieux préparer les personnels et les enseignants, dans le cadre de leur formation, à la gestion des conflits et des conduites à risque, et de doter chaque établissement d'un système de sanctions disciplinaires adapté.
* 52 « Délinquance des mineurs. La République en quête de respect », commission d'enquête du Sénat sur la délinquance des mineurs, Jean-Pierre Schosteck, président, Jean-Claude Carle, rapporteur, Sénat, rapport n° 340 (2001-2002).
* 53 « La rue dans l'école ? Connaître, prévenir et maîtriser l'intrusion de la violence dans les établissements scolaires », Christian Demuynck, rapport remis à M. Jean-Pierre Raffarin, Premier ministre, le 15 juin 2004.
* 54 « Pourquoi ils brûlent les écoles », François Dubet, Le Monde de l'éducation, décembre 2005.