C. FAVORISER L'ACTION DES POUVOIRS PUBLICS
Accroître le respect du cadre communautaire nécessite aussi de favoriser l'action de ceux qui veillent à son application.
Il convient ainsi de permettre aux services concernés de poursuivre leurs actions dans les meilleures conditions et avec la plus grande efficacité possibles.
1. Faciliter les contrôles sur le terrain
L'inspection du travail, déjà confrontée à des fraudes au détachement par des entreprises d'Europe du sud, en particulier dans le secteur du BTP, a su très vite se mobiliser face aux phénomènes rencontrés après l'élargissement de 2004. Au vu de l'engagement remarquable des personnels de cette administration, le renforcement de ses moyens, dans le cadre du plan de modernisation lancé par le Gouvernement, apparaît de très bon augure.
Le plan de modernisation et de développement de l'inspection du travail Présenté le 9 mars dernier par M. Gérard Larcher, ministre délégué à l'emploi, au travail et à l'insertion professionnelle des jeunes, ce plan prévoit principalement : - la création de 700 postes supplémentaires d'ici à 2010, qui viendront renforcer les 1.950 inspecteurs et contrôleurs du travail actuels ; - l'orientation nationale des contrôles dans le cadre de plans pluriannuels ; - le renforcement des sanctions administratives imposées par les inspecteurs aux contrevenants. |
Toutefois au-delà de la question des moyens, il semblerait possible d'améliorer encore l'efficacité des contrôles, à la fois en les ciblant et en facilitant la communication avec les travailleurs étrangers.
- s'agissant du ciblage des contrôles , il est primordial de bien s'assurer que les chantiers réalisés le dimanche ou en dehors des heures habituelles de travail puissent recevoir la visite d'inspecteurs. En effet, il n'est pas rare que ces chantiers, destinés à échapper aux contrôles, constituent une seconde activité occupant des salariés intervenant par ailleurs légalement dans le cadre d'un détachement sur un autre chantier. Tout en étant consciente des contraintes d'organisation du service, votre commission des affaires économiques estime qu'il y aurait là un moyen d'augmenter les résultats des contrôles et de décourager des pratiques trop fréquemment observées.
PROPOSITION N° 8 Augmenter les contrôles sur les chantiers le dimanche et hors des heures de travail habituelles. |
- s'agissant des contacts avec les travailleurs étrangers , il convient tout d'abord de souligner les efforts déjà déployés par les services de contrôle. Il est incontestable qu'en abordant généralement les contrôles sous l'angle de la sécurité au travail (c'est-à-dire de la protection de ces travailleurs), l'inspection du travail crée autant que possible les bases d'un dialogue avec les salariés rencontrés. De même, doit être saluée la multiplication des documents rédigés dans la langue des salariés et leur expliquant leurs droits en tant que travailleurs détachés.
Sur ce dernier point, il apparaît toutefois qu'une disposition récemment adoptée dans la loi du 24 juillet 2006 relative à l'immigration 81 ( * ) pourrait être ambiguë. En effet, l'article 20 de ce texte permet aux services de contrôles de solliciter en tant que de besoin des interprètes assermentés auprès des Cours d'appel. Si l'intervention d'un interprète se justifie pour certaines procédures, elle est, compte tenu de son coût 82 ( * ) , inadaptée pour une première approche, lorsqu'il s'agit simplement d'établir un contact avec l'équipe de salariés ou de prendre connaissance des documents immédiatement disponibles.
Aussi, conviendrait-il que les dispositions réglementaires d'application de cette loi, autorisant clairement les services a aussi faire appel à des interprètes ou à des traducteurs non assermentés, au besoin en redéployant des crédits à cette fin.
PROPOSITION N° 9 Favoriser le recours à des interprètes et traducteurs, y compris non assermentés, par les services chargés des contrôles. |
Par ailleurs, l'amélioration de la capacité de communication entre les autorités et les travailleurs détachés suppose l'existence d'un interlocuteur identifié au sein de l'équipe de travailleurs, ce qui n'est pas toujours le cas.
Le système visant à confier cette fonction à un cadre ou un contremaître, telle que suggérée par la Commission européenne, semble être, de ce point de vue, un bon système et il est proposé plus haut de le sécuriser juridiquement.
Dans ce cadre, pourraient aussi être définis clairement en droit français le statut et les attributions de la personne ainsi désignée pour être l'interlocutrice de l'administration.
PROPOSITION N° 10 Prévoir l'obligation pour les entreprises détachées de désigner un représentant officiel, intermédiaire avec les pouvoirs publics français. |
2. Combler les vides de la coopération entre les administrations
a) Une coordination actuellement centrée sur le travail illégal
En matière de travail illégal, les pouvoirs publics français ont favorisé le décloisonnement en mettant en place des structures interministérielles.
Au niveau national , la délégation interministérielle à la lutte contre le travail illégal (DILTI) a été créée le 11 mars 1997. Cette délégation a un rôle pivot de mise en relation, de communication, de formation et d'assistance avec ses interlocuteurs privilégiés que sont les administrations centrales et les organismes compétents en matière de lutte contre le travail illégal : les services de contrôle, les préfectures, les magistrats et les organisations professionnelles. La DILTI est consultée et formule des propositions sur les mesures législatives et réglementaires envisagées par les autorités politiques, ayant une incidence sur le travail illégal.
Au niveau local , l'ensemble des services concernés sont réunis autour du préfet au sein du comité opérationnel de lutte contre le travail illégal (COLTI) qui vise à coordonner l'action des différents services de l'Etat dans le cadre de plans départementaux 83 ( * ) .
Ces structures font montre d'une réelle efficacité. Toutefois, centrées sur les questions de travail illégal, elles ne concernent que très partiellement les fraudes au détachement 84 ( * ) . Ce statut se rattache en effet principalement à la question du respect des conditions de travail, distincte du problème du travail illégal.
C'est ainsi que les avantages tirés de la coordination interministérielle ne bénéficient malheureusement pas au contrôle des salariés européens détachés ni au traitement de la question des « faux indépendants ».
b) Des lacunes à combler
Parmi les avantages de la coopération interministérielle, figure notamment la possibilité offerte à l'inspection du travail de disposer d'information en matière de sécurité sociale, au même titre que les inspecteurs de l'URSSAF, dans le cadre d'une charte nationale de coopération signée en septembre 2005, sous l'égide de la DILTI 85 ( * ) entre le ministère du travail et les organismes sociaux.
Concrètement, ceci signifie qu'en matière de travail illégal, les inspecteurs du travail ont le droit, d'une part, de contrôler la situation des employeurs et des travailleurs au regard de la sécurité sociale et, d'autre part, de consulter les données détenues par les organismes de sécurité sociale.
Limité au travail illégal, ce dispositif ne vaut pas pour le contrôle de détachement des travailleurs, alors que les informations de sécurité sociale seraient souvent très utiles à l'action des inspecteurs du travail. En effet, la régularité des travailleurs vis-à-vis de la sécurité sociale de leur pays est un des éléments clés du respect de la directive 96/71.
A quoi bon renforcer la coopération européenne en matière de sécurité sociale, comme votre commission l'a proposé précédemment 86 ( * ) , si les informations recueillies ne peuvent être exploitées sur le terrain que par les inspecteurs des URSSAF et non par les inspecteurs du travail ? Les effectifs de contrôle étant limités, la mutualisation de l'information sur un tel sujet est une question de bonne administration.
D'ailleurs, la Commission européenne ne s'y trompe pas, qui n'autorise pas le ministère du travail français à demander à d'autres Etats membres des informations sur la sécurité sociale de leurs travailleurs détachés, dans la mesure où des informations ont déjà été transmises à la sécurité sociale française.
PROPOSITION N° 11 Autoriser l'inspection du travail à contrôler la situation des travailleurs détachés au regard de la sécurité sociale et permettre les échanges de données entre les organismes de sécurité sociale et l'inspection du travail dans le cadre de ces contrôles. |
* 81 Loi n° 2006-911 du 24 juillet 2006 relative à l'immigration et à l'intégration.
* 82 Les prix du marché se situent entre 800 et 1.200 euros H.T. pour une journée d'interprétariat et entre 60 et 110 euros pour la traduction d'une page de 250 mots, ces frais étant à la charge de l'administration.
* 83 Environ 30 % des contrôles effectués par les services de l'Etat en matière de lutte contre le travail illégal sont désormais des opérations décidées dans le cadre des COLTI.
* 84 Le principal point de contact entre les deux problématiques est la question du marchandage et du prêt illicite de main d'oeuvre.
* 85 Charte nationale de coopération en matière de lutte en matière de travail illégal.
* 86 Cf. page 41.