4. Améliorer la productivité et la compétitivité
a) Alléger les coûts de main d'oeuvre et simplifier le recrutement
Une partie substantielle des coûts d'exploitation résulte, cela a déjà été évoqué, des coûts de main d'oeuvre, dont le recrutement est par ailleurs difficile en raison d'une pénurie d'offre de travail. Dès lors, il convient de poursuivre les efforts réalisés pour fluidifier le marché du travail dans le secteur arboricole, et ce :
- en continuant la politique d'allègement des charges , tant patronales que salariales. La question de la TVA sociale, récemment relancée par l'annonce du Président de la République d'une réflexion sur les modalités de financement des charges sociales, doit être à cet égard discutée : déjà adoptée par des pays de l'Union européenne et défendue par la FNSEA et la FNPF, elle permettrait de réduire le coût du travail, de taxer les produits importés et d'assurer la pérennité du système de protection sociale français. Par ailleurs, il faudrait sans doute, comme cela a été fait en Espagne et aux Pays-Bas, étendre l'exonération totale de charges sociales pour les étudiants, accordée par la loi d'orientation agricole du 5 janvier 2006 ;
- en simplifiant les procédures contractuelles entre l'employeur et les salariés. A cet égard, il serait sans doute utile de réduire la durée du contrat d'insertion revenu minimum d'activité (CIRMA) pour le secteur arboricole : actuellement fixé à six mois, il n'est pas adapté à des besoins de main d'oeuvre essentiellement saisonniers, pour des durées d'un à deux mois en général ;
- en assouplissant les procédures administratives de recrutement de travailleurs provenant de pays de l'Union européenne, voire de pays tiers. 16.000 des 225.000 salariés du secteur arboricole sont recrutés sous contrat « OMI » (Office des migrations internationales) : il faudrait alléger le coût et simplifier la procédure de la constitution de dossiers auprès de cet organisme. A l'instar de ce qu'ont décidé des pays comme l'Espagne ou les Pays-Bas, il conviendrait également de libéraliser davantage la circulation des travailleurs en provenance de pays d'Europe centrale et orientale (PECO).
On notera qu'une proposition de loi de notre collègue Bernard Murat, cosignée par de nombreux Sénateurs, dont votre rapporteur, et récemment déposée sur le bureau de votre Haute assemblée 21 ( * ) , tend à apporter une première réponse au manque de compétitivité de la filière, en préconisant l'institution d'un taux de TVA de 2,1 % aux fruits et légumes. Cette mesure aurait pour effet, en outre, de dynamiser leur consommation en réduisant leur prix de vente final, et ce sans « peser » financièrement sur les producteurs.
b) Poursuivre les efforts d'amélioration de la qualité et d'innovation
Tout d'abord, et même si des progrès conséquents ont été réalisés en ce domaine, il serait sans doute efficient de développer la mécanisation et l'automatisation des techniques d'entretien du verger et de récolte. Cette idée a été évoquée lors des auditions à propos notamment de la culture des cerises, qui requiert une importante quantité de main d'oeuvre. Une telle évolution est aujourd'hui nécessaire tant pour améliorer la productivité que pour faciliter le travail des exploitants et salariés, sa pénibilité étant l'une des raisons principales de son manque d'attrait.
En outre, la productivité provient également de la qualité et du renouvellement du verger. Il convient donc de limiter autant que possible les mesures d'arrachage et de tâcher de replanter, soit sur des surfaces nouvelles, soit à la place d'arbres vétustes dont la production est insatisfaisante d'un point de vue quantitatif comme qualitatif. Certes, parvenir à un renouvellement du verger satisfaisant requiert d'importants investissements dont la rémunération peut n'intervenir qu'à moyen ou long terme. Il semble cependant qu'un rajeunissement du verger français soit une mesure incontournable en vue de lui conserver ses avantages comparatifs.
Enfin, le niveau et la qualité de la production résultant pour une partie notable des actions de recherche et d'innovation réalisées en amont, il convient de ne pas relâcher les efforts consentis en ce domaine, qui ont contribué à distinguer la production nationale en termes de qualité et de variété des espèces. A cet égard, le désengagement de l'INRA en matière de développement variétale, signalé au cours des auditions, doit être résorbé. Il conviendrait, en outre, de renforcer les normes de qualité et parvenir à les faire adopter à l'échelle européenne.
C'est un fait quasi acquis que la France ne sera pas en mesure, à l'avenir, de soutenir la confrontation avec ses principaux concurrents sur les marchés d'entrée et de milieu de gamme, présents respectivement dans le hard discount et la grande distribution. En revanche, notre pays doit être en mesure de l'emporter sur le marché du haut de gamme , achalandés chez les détaillants de proximité et les commerces de centre ville, mais aussi en partie dans la grande distribution ; il possède pour ce faire toutes les compétences matérielles et humaines lui permettant de se démarquer. L'exemple des marchés de la pêche et de l'abricot sont à cet égard illustratifs : si la France n'a pas d'offre concurrentielle sur le marché de masse, avec des produits parfois peu goûteux et plus chers que la concurrence étrangère, elle doit développer des variétés moins productives mais dont le parfum et la teneur en sucre sont supérieures, comme le Bergeron s'agissant des abricots.
Les pôles d'excellence rurale , fédérant partenaires publics et privés autour de projets innovants à vocation internationale sur un territoire donné, doivent être employés à bon escient en vue de fonder cette politique de qualité. Si le pôle de compétitivité « fruits et légumes » des régions Languedoc-Roussillon et Provence-Alpes-Côte d'Azur occupera naturellement une place prééminente à cet égard, d'autres pôles de compétitivité contribueront également à l'innovation au sein de la filière : pôle « végétal spécialisé » de la région Pays de Loire, pôle « goût nutrition santé » en Bourgogne, pôle « industrie et agro ressources » en Champagne Ardenne-Picardie, pôle « aliment de demain » en Bretagne ...
* 21 Proposition de loi de M. Bernard Murat et de plusieurs de ses collègues visant à instituer un taux de TVA de 2,1 % applicable aux fruits et légumes, n° 376 (2005-2006).