II. DES PROGRÈS ENCORE INSUFFISANTS AU REGARD DES DIFFICULTÉS À VENIR
Le bilan dont peut faire état la présente législature est loin d'être négligeable ; mais tout se passe comme si les problèmes s'accumulaient plus vite encore que les solutions et si le stock de difficultés à résoudre « devant nous » non seulement ne diminuait pas mais avait tendance à croître.
Ce qui a été fait, se présente ainsi, avant tout, comme un premier pas, une façon de constituer le socle sur lequel il sera encore possible de passer à une deuxième phase, plus radicale, de la politique de réforme.
En tout état de cause, si l'on veut rompre avec les tendances passées, il convient d'adopter une démarche plus globale faisant une plus large place aux réformes de structures.
A. LES ACQUIS ET LES LIMITES DE LA LÉGISLATURE
1. La stabilisation en volume des dépenses de l'Etat et ses limites
a) L'application d'une norme « zéro volume » sur les dépenses de l'Etat
L'examen du projet de loi de règlement pour 2005 a conduit votre rapporteur général à se féliciter que l'exercice 2005 soit le troisième à afficher une stabilité des dépenses nettes de l'Etat en volume, à périmètre constant. Non seulement la précédente législature avait affiché en loi de finances initiale des objectifs moins ambitieux, mais certains d'entre eux, en 2002 notamment, n'ont pas été tenus.
Norme de dépense nette en volume, pour l'Etat,
à périmètre constant,
en loi de finances initiale et
en loi de règlement
(en %)
LFI |
Loi de règlement |
Ecart |
|
1999 |
1 % |
1,1 % |
+ 0,1 |
2000 |
0 % |
0 % |
- |
2001 |
0,3 % |
0,3 % |
- |
2002 |
0,5 % |
1,9 % |
+ 1,4 |
2003 14 ( * ) |
0,2 % |
0 % |
- 0,2 |
2004 |
0 % |
0 % |
- |
2005 |
0 % |
0 % |
- |
2006 |
0 % |
- |
- |
Source : projets de loi de finances
Si l'application de la règle « zéro volume » se poursuivait jusqu'en 2011, elle permettrait d'aboutir, à cette date, à un niveau de dépenses de l'Etat inférieur de 4 milliards d'euros à ce que donnerait la prolongation de la tendance de plus long terme 1994-2005, où le rythme annuel de la dépense a été légèrement plus soutenu (0,2 %). Ce montant mesure à la fois l'importance des efforts réalisés par le gouvernement et leurs limites .
Les efforts ont été importants : ils ont consisté à tenir la dépense au niveau voté par le Parlement , qui a ainsi constitué un plafond . De nouvelles pratiques en matière de régulation budgétaire ont été introduites, consistant à mettre en réserve des crédits très tôt dans l'année, pour des montants importants. Pour le budget 2006, l'exposé général des motifs du projet de loi de finances a, conformément à l'article 51 modifié de la LOLF, annoncé le taux global de la mise en réserve de 2006 : 2 % sur la totalité des crédits.
Il faut néanmoins, pour dessiner des orientations plus ambitieuses pour l'avenir, relativiser légèrement le mérite , indéniable, du gouvernement en soulignant les aspects suivants :
Premièrement, la période 2002-2006 aura été une période d'aubaine, s'agissant de la charge nette de la dette , dont le niveau a peu progressé en valeur absolue entre 2002 et 2005 (38,9 milliards d'euros en 2005 contre 38,1 milliards d'euros) et dont la part dans les dépenses nettes de l'Etat a diminué , malgré une forte montée de l'endettement de l'Etat. Le montant de la dette négociable est passé durant la même période 2002-2005 de 733,1 milliards d'euros à 893,8 milliards d'euros. Cet effet d'aubaine ne jouera plus à l'avenir, rendant l'exercice de maîtrise des dépenses d'autant plus difficile.
Evolution de la charge nette de la dette en pourcentage des dépenses nettes de l'Etat
(en %)
Source : ministère de l'économie, des finances et de l'industrie
Deuxièmement, il faut souligner que la norme « zéro volume » s'est appliquée à partir d'un volume de dépenses rebasé par la première loi de finances rectificative pour 2002. Elle a donc été assise sur le niveau de dépense particulièrement élevé constaté en 2002.
Troisièmement, il faut souligner l'impact des changements de périmètre , non pour contester systématiquement la sincérité du « zéro volume » appliqué pour le gouvernement, mais pour expliquer que l'exercice a pu être facilité par la sortie de la sphère de l'Etat de dépenses particulièrement dynamiques (RMI par exemple), par la transformation de dépenses budgétaires en prélèvements sur recettes ou par le passage d'une dépense budgétaire à une dépense fiscale (pour le prêt à taux zéro par exemple) .
En loi de finances initiale pour 2006, ont été retranchées des dépenses les compensations des allègements de charges versées aux administrations de sécurité sociale (la compensation s'effectue désormais par un transfert de recettes). Or ces « dépenses », très dynamiques, évoluaient de manière automatique. Les compensations de charges passent de 17,1 milliards d'euros en 2005 à 18,9 milliards d'euros en 2006. Si le traitement budgétaire des compensations de charges n'avait pas été modifié, la progression des dépenses nettes du budget général s'établirait à 2,4 % en valeur (contre 1,8 % affiché, avec une prévision d'inflation équivalente). La norme « zéro volume » n'aurait alors pas été respectée. Pour 2006, la Cour des comptes, dans son rapport sur la situation et les perspectives des finances publiques alerte par ailleurs à juste titre sur le volume des « dépenses fiscales », proposant une vision consolidée des dépenses budgétaires et des « dépenses fiscales ».
Il convient d'ailleurs de rappeler que le programme de stabilité et les règles maastrichtiennes ne tiennent pas compte des dépenses au sens de la comptabilité budgétaire, mais des dépenses au sens de la comptabilité nationale : un effet « d'affichage » en dépenses budgétaires n'a pas d'effet sur la comptabilisation de la dépense par Eurostat.
Quatrièmement, il convient de prendre en compte les efforts accomplis par les pays comparables pour mesure la portée de l'effort réalisé par la France. Selon la Cour des comptes dans son rapport préliminaire pour 2004, la norme « zéro volume » française est apparue moins ambitieuse que la programmation pluriannuelle de l'Allemagne , qui supporte pourtant le poids de la réunification.
Cinquièmement, les dépenses de l'Etat ont poursuivi leur progression , comme le montre le tableau suivant. Le « zéro volume » a eu l'effet paradoxal de laisser penser au citoyen que la dépense de l'Etat n'augmentait plus, aux gestionnaires que leur budget était limité de façon insupportable, alors que, dans le même temps, les dépenses de l'Etat progressaient pourtant de plusieurs milliards d'euros par an.
Variation des dépenses de loi de finances à loi de finances à structure constante
(en milliards d'euros)
LFI 2003/LFI 2002 |
LFI 2004/LFI 2003 |
LFI 2005/LFI 2004 |
LFI 2006/LFI 2005 |
|
LFI 2002 |
LFI 2002 rebasée |
|||
+ 7,1 |
+ 4,6 |
+ 4,1 |
+ 5,1 |
+ 5,0 |
Source : projet de loi de finances pour 2006
Enfin, sixièmement, la norme « zéro volume » n'a pas eu pour effet de réduire dans des proportions suffisantes le déficit de l'Etat pour que l'endettement de celui-ci exprimé en pourcentage du PIB soit stabilisé. La dette de l'Etat entre 2002 et 2005 est ainsi passée de 47,4 % du PIB à 52 % du PIB en 2005.
Evolution de la dette de l'Etat depuis 1995
(en points du PIB)
Source : INSEE
Comme le souligne la Cour des comptes dans son rapport sur la situation et les perspectives des finances publiques, préliminaire au débat d'orientation budgétaire, « une stabilisation en pourcentage du PIB aurait exigé, en supposant négligeables les variations liées aux opérations non budgétaires, que le déficit de l'Etat soit inférieur au « déficit stabilisant » (de l'ordre de 1,5 % du PIB pour l'Etat), alors qu'il a atteint 3 % du PIB en 2005 ».
Conscient des limites du « zéro volume », le gouvernement a annoncé lors de la conférence nationale des finances publiques du 11 janvier 2006 que la progression des dépenses de l'Etat serait en 2007 de 1 point inférieure à l'inflation prévisionnelle, soit une augmentation de 0,8 % en valeur . L'effort réalisé par rapport à la norme de « zéro volume » appliquée sur les quatre années précédentes, serait de l'ordre de 2,6 milliards d'euros. Il dépendra, comme le montre le graphique ci-joint, de la prévision d'inflation qui sera définitivement retenue.
« Marge de manoeuvre » liée à l'inflation dans l'hypothèse d'un « -1 % volume »
(en % et en milliards d'euros)
La progression des dépenses en euros courants de 2,2 milliards d'euros serait absorbée pour les deux tiers par l'évolution :
- des dépenses de charges d'intérêt de la dette, qui augmenteraient en 2007 d'environ 200 millions d'euros, compte tenu de la hausse prévisionnelle des taux d'intérêts ;
- des dépenses de pensions de l'Etat et des subventions aux régimes de retraite, qui augmenteraient en 2007 de 1,2 milliard d'euros sous l'effet de l'augmentation des départs en retraite.
Plafonds de crédits 2007
(en millions d'euros)
Hors dépenses de personnel |
Y compris dépenses de personnel (ventilation indicative**) |
|||
LFI 2006 * |
Plafonds 2007 |
LFI 2006 * |
Plafonds 2007 |
|
Action extérieure de l'État |
1 537 |
1 620 |
2 377 |
2 462 |
Administration générale et territoriale de l'État |
662 |
899 |
2 212 |
2 476 |
Agriculture, pêche, forêt et affaires rurales |
2 225 |
2 245 |
2 944 |
2 926 |
Aide publique au développement |
2 778 |
2 878 |
2 981 |
3 063 |
Anciens combattants, mémoire et liens avec la nation |
3 628 |
3 509 |
3 880 |
3 757 |
Conseil et contrôle de l'État |
70 |
74 |
445 |
465 |
Culture |
2 157 |
2 201 |
2 800 |
2 855 |
Défense |
17 602 |
18 035 |
35 382 |
36 168 |
Développement et régulation économiques |
2 294 |
2 255 |
3 955 |
3 934 |
Direction de l'action du gouvernement |
354 |
346 |
535 |
509 |
Écologie et développement durable |
399 |
414 |
623 |
640 |
Engagements financiers de l'État |
40 750 |
40 888 |
40 750 |
40 888 |
Enseignement scolaire |
4 070 |
4 242 |
59 741 |
60 310 |
Gestion et contrôle des finances publiques |
1 845 |
1 836 |
8 806 |
8 842 |
Justice |
2 435 |
2 615 |
5 980 |
6 280 |
Médias |
344 |
344 |
344 |
344 |
Outre-mer |
1 828 |
1 828 |
1 991 |
1 982 |
Politique des territoires |
496 |
503 |
543 |
550 |
Pouvoirs publics |
872 |
879 |
872 |
879 |
Provisions |
111 |
111 |
111 |
111 |
Recherche et enseignement supérieur |
12 479 |
12 768 |
20 653 |
21 183 |
Régimes sociaux et de retraite |
4 491 |
4 981 |
4 491 |
4 981 |
Relations avec les collectivités territoriales |
3 017 |
2 861 |
3 025 |
2 870 |
Santé |
400 |
422 |
400 |
422 |
Sécurité |
2 534 |
2 600 |
15 284 |
15 707 |
Sécurité civile |
302 |
267 |
463 |
437 |
Sécurité sanitaire |
401 |
423 |
640 |
667 |
Solidarité et intégration |
11 412 |
11 389 |
12 204 |
12 194 |
Sport, jeunesse et vie associative |
394 |
403 |
756 |
768 |
Stratégie économique et pilotage des finances publiques |
382 |
368 |
878 |
874 |
Transports |
5 810 |
5 278 |
9 500 |
8 989 |
Travail et emploi |
12 631 |
12 100 |
13 157 |
12 633 |
Ville et logement |
7 205 |
7 010 |
7 353 |
7 159 |
Total |
147 917 |
148 590 |
266 078 |
268 325 |
* Le programme « Stratégie en matière d'équipement » de la mission « Politique des territoires » sera fusionné en PLF 2007 avec le programme « Conduite et pilotages des politiques de l'équipement » de la mission « Transports ». Par souci de comparabilité, les crédits correspondants ont été reclassés dans la mission « Transports » en LFI 2006. |
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Les crédits du programme « Interventions territoriales de l'Etat » sont réintégrés dans chacun de leurs programmes d'origine en 2006 et 2007. |
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** La ventilation définitive par mission des dépenses de personnel sera arrêtée lors des conférences de répartition. |
Source : ministère de l'économie, des finances et de l'industrie, « rapport sur l'évolution de l'économie nationale et sur les orientations des finances publiques »
* 14 Par rapport à LFI 2002 rebasée.