b) Les mesures de responsabilisation des prescripteurs
Les modes actuels de rémunération des prescripteurs ne s'inscrivent qu'à la marge dans des politiques explicites de responsabilisation financière des prescripteurs et de promotion de l'efficience des prescriptions de soins.
A cet égard, le rapport de l'inspection générale des finances de mars 2003 relatif aux expériences étrangères en matière de régulation et d'organisation de la médecine 47 ( * ) fait apparaître plusieurs pistes intéressantes dont l'étude mériterait d'être approfondie.
S'agissant tout d'abord de l'efficience des prescriptions, le rapport précité relève que les incitations financières peuvent avoir un impact significatif sur les pratiques individuelles des professionnels et l'amélioration du rapport qualité/prix de celles-ci. Il indique notamment que les incitations financières peuvent porter sur les performances sanitaires comme sur les performances financières, en intéressant les praticiens au résultat financier du processus de production de soins. Cette hypothèse devrait être examinée en lien avec l'action de la CNAMTS, qui s'oriente de plus en plus vers un suivi individualisé des médecins (cf. infra), et pourrait être envisagée sous la forme d'un bonus/malus. L'efficacité des incitations financières se constate aujourd'hui, de manière concrète, dans les pratiques des pharmaciens, dont les marges sont accrues en cas de substitution d'un médicament générique à un princeps.
En tout état de cause, il conviendrait que ce type d'incitations financières soit apprécié au cas par cas, et non sous la forme d'un accord global aux effets souvent limités ou contrastés , comme l'a rappelé le rapport de la Cour des comptes sur la sécurité sociale de septembre 2005 s'agissant de la revalorisation des honoraires des médecins généralistes à 20 euros en contrepartie d'un engagement de la profession de diminuer le nombre de visites à domicile d'au moins 5 % la première année et de rédiger au moins 25 % des lignes de prescriptions de médicaments en dénomination commune internationale (DCI) ou en génériques. La mise en place d'indicateurs de performance des prescripteurs pourrait également être mise à l'étude, même si l'on convient de la difficulté de cet exercice.
Une autre solution, qui impliquerait un changement de nature plus radical, consisterait à attribuer à un médecin des « droits de tirage » de paiement, système mis en place en Allemagne sous la dénomination de praxisbudget , qui diffère dans ses effets d'un système de rémunération par capitation - qui ne serait pas acceptable - et constitue une incitation importante pour améliorer le rapport qualité/prix des pratiques. Le rapport de l'inspection générale des finances précité recommandait d'ailleurs la mise en oeuvre en France d'un système de type praxisbudget , tout en soulignant que l'adoption d'une nomenclature neutre et détaillée était un préalable à l'accomplissement d'une telle réforme et que l'instauration d'un système de tiers-payant en faciliterait la gestion.
Le dispositif du praxisbudget Le praxisbudget consiste à attribuer à un médecin un « droit de tirage », exprimé en points de nomenclature, pour tout patient vu au moins une fois au cours d'un trimestre. Toute personne qui consulte pour la première fois un médecin au cours d'un trimestre est considérée comme un « cas » pour ce médecin. Il est indifférent que la personne ait ou non déjà consulté le médecin au cours de trimestres précédents. Par ailleurs, si la même personne consulte plusieurs fois son médecin au cours du trimestre, elle ne représente qu'un seul cas. Le droit de tirage attribué au médecin correspond au coût moyen de traitement d'un patient sur une période de trois mois. Les droits de tirage acquis par le médecin pour chaque patient sont fongibles : un médecin qui aurait 100 patients ouvrant droit chacun à 800 points de nomenclature disposerait ainsi d'un droit de tirage global de 80.000 points sur le trimestre considéré. Concrètement, le tiers-payeur - en Allemagne il s'agit de l'union régionale de médecins, gestionnaire d'une enveloppe d'honoraires déléguée par les caisses d'assurance-maladie - paye les factures présentées par le médecin jusqu'au point où le montant remboursé, exprimé en points de nomenclature, atteint le total des droits de tirage correspondant à la clientèle du médecin. Dans l'exemple choisi, le médecin sera donc remboursé pour toutes les factures émises au cours du trimestre jusqu'à un plafond de 80.000 points. Le point est affecté d'une valeur monétaire. La multiplication du nombre de points par le facteur de conversion monétaire permet d'obtenir la rémunération du médecin exprimée en euros. Pour les actes réalisés au-delà de ce plafond, le médecin n'est pas rémunéré . Inversement, si le total de facturation du médecin est inférieur 80.000 points, le praticien ne percevra que le montant correspondant à son volume d'activité effectif. |
De son côté, la Cour des comptes, dans son rapport sur la sécurité sociale de septembre 2005, s'est interrogée sur les modes de rémunération des médecins. Elle relevait que « les mesures touchant la valeur monétaire des actes ont mis en avant des contreparties attendues en matière de pratiques médicales mais ont éludé la question d'une réforme structurelle de la rémunération des professions de santé. Des éléments partiels de forfaitisation ont certes été introduits dans la rémunération de certains professionnels de santé (option référent, patients en ALD et contrats de bonne pratique) mais, combinés au maintien du paiement à l'acte, ils se sont traduits par un surcoût, souvent injustifié et sans conséquence sur l'évolution de l'activité rémunérée à l'acte. Ce cumul de rémunérations à l'acte et forfaitaire se reproduit aujourd'hui avec la mise en place de la consultation forfaitaire d'ALD. La mise en place d'un système mixte cohérent alliant forfaitisation (ou capitation) et rémunération à l'acte implique d'opérer de manière rationnelle le partage du revenu médical entre ce qui doit relever de la rémunération à l'acte et ce qui doit relever du forfait ».
Votre rapporteur général estime que, en parallèle du renforcement des mesures de responsabilisation des assurés, les modalités de rémunération des professionnels de santé devront être revues de manière structurelles à l'avenir, afin d'accroître les rapports qualité/prix et la performance des pratiques.
* 47 Inspection générale des finances, rapport d'enquête n° 2002-M-023-02 sur la régulation et l'organisation de la médecine : les enseignements des expériences étrangères, établi par MM. Bertrand Cozzarolo, Eric Jalon et Guillaume Sarlat sous la supervision de M. Bruno Durieux, mars 2003.