2. Le dessin des pouvoirs ajustés aux missions
8.2.0. Les tableaux accessibles sur le CD fourni avec le rapport permettent d'avoir une description Autorité par Autorité de tous les pouvoirs dont chacune dispose, mais aussi d'avoir une description pouvoir par pouvoir de sa présence et de ses mobilités dans l'ensemble des autorités étudiées. Interrogées sur le point de déterminer quels pouvoirs seraient plus importants pour elles que d'autres, les Autorités répondent fréquemment qu'ils sont corrélés les uns aux autres et que l'utilité de l'un dépend de la titularité et du bon fonctionnement des autres 209 ( * ) .
8.1.4. Le pouvoir réglementaire. Le pouvoir réglementaire vise l'aptitude des Autorités administratives indépendantes à adopter des règles de droit générales et abstraites. Le conflit que cela engendre à l'égard du Gouvernement et la difficulté d'ordre constitutionnel qui en résulte seront examinés plus loin 210 ( * ) . En toutes hypothèses, seul le législateur peut le conférer à une Autorité administrative indépendante 211 ( * ) . La question est de principe mais il s'avère que relativement peu d'Autorités sont dotées par la loi d'un pouvoir réglementaire. Il s'agit de : la CNIL, la Commission des sondages, l'AMF, l'ARCEP et la CRE (sous réserve d'homologation par arrêté du ministre compétent). Peut-on considérer qu'indépendamment de la question juridique qu'une telle attribution pose, ce pouvoir est nécessaire aux Autorités administratives indépendantes ? Il convient ici de distinguer le fait et le droit. En effet, si l'Autorité concernée a suffisamment d'autorité, c'est-à-dire ce mixte de compétence et de prestige, alors toute formulation de sa part d'un principe général sera prise en considération, c'est-à-dire reçu avec la même force que s'il était doté en droit d'un effet obligatoire. Cela relativise l'exclusif pouvoir d'attribution détenu par le législateur, puisque si l'Autorité a suffisamment d'ascendant, elle se l'attribue elle-même. On peut prendre comme exemple le Comité National Consultatif Éthique, que le rapport du Conseil d'Etat n'avait pas visé parmi les Autorités administratives indépendantes, parce que dénué de pouvoirs. Cela est juridiquement exact, mais l'ascendant exercé par cet organisme n'est plus à démontrer, et ses avis, techniquement très travaillés, sont suivis, de fait. Ainsi, lorsque la loi du 6 août 2004 (art. L. 1412-1 CSP) lui a attribué la qualité d'Autorité administrative indépendante, il s'est plus agi d'un rattrapage que d'une attribution de plano .
8.1.5. Le pouvoir d'expertise : conseil, avis, amicus curiae. Les Autorités administratives indépendantes construisent chaque jour leur légitimité sur leur expertise. Il est donc naturel qu'elles possèdent assez systématiquement un pouvoir de conseil ou d'avis, soit que le Gouvernement puisse les consulter sur une question sociale ou technique qui concerne ou interfère avec leur propre domaine d'action 212 ( * ) , soit que les Autorités administratives aient le pouvoir de proposer des modifications de réforme 213 ( * ) , soit même que leur avis soit requis pour qu'un texte soit adopté 214 ( * ) . Cette qualité d'expertise peut paraître une confusion dans le temps puisqu'on sollicite l'avis de celui qui appliquera la norme dont l'adoption est envisagée, mais c'est la structure même des fonctions du Conseil d'Etat qui en donne l'exemple. Il faut encore mentionner le cas particulier des avis que les Autorités de régulation sectorielle doivent donner au Conseil de la concurrence 215 ( * ) , lorsque celui-ci analyse des pratiques dans leur secteur, prix de la solution française ne donnant pas aux autorités sectorielles le pouvoir de sanctionner elles-mêmes les pratiques anticoncurrentielles. En outre, les Autorités administratives indépendantes sont souvent amenées à formuler des avis à l'occasion de procédures juridictionnelles 216 ( * ) , sur saisine de la juridiction elle-même 217 ( * ) , soit qu'ils répondent à une sollicitation dans ce sens. Cela correspond alors non pas à la technique de l'expertise, qui déforme par trop la nature des Autorités administratives indépendantes, mais soit de celle de témoin, soit de celle de l' amicus curiae 218 ( * ) que toute juridiction peut utiliser largement à l'égard de n'importe quelle personne ou organisme dont l'avis lui paraît éclairant.
8.1.6. Le pouvoir de régulation au sens strict par l'attribution de droits d'exercer une activité. Dans certains cas, des Autorités administratives indépendantes exercent ce qui est désigné au sens strict comme un pouvoir de « régulation », c'est-à-dire d'organiser ex ante un secteur ou une organisation, soit d'une façon générale (à travers le pouvoir réglementaire), soit d'une façon particulière à travers des droits d'accès à une activité, soit au bénéfice de personnes (par l'agrément ou l'autorisation), soit au bénéfice de biens ou d'activités (par la certification, ou l'accréditation). C'est ainsi que l'AMF déclare recevables les offres publiques, que le CECI délivre les agréments notamment pour les établissements de crédit, ou que le CSA délivre les autorisations d'usage de fréquences aux chaînes de télévision et stations de radio publiques et privées diffusées par voie hertzienne terrestre. Ces pouvoirs ont parfois tendance à disparaître, lorsque la régulation tend à passer de l' ex ante à l 'ex post , comme en matière de protection des données personnelles, ou à se renforcer et à se concentrer, quand en matière de risque systémique bancaire 219 ( * ) . Ce pouvoir de régulation ex ante est surtout attribué aux Autorités administratives indépendantes qui ont en charge la gestion des risques, par exemple en matière bancaire ou en matière énergétique car ce contrôle à l'entrée est la façon la plus efficace de juguler les risques, au prix d'une conception plus concurrentielle récusant ces barrières à l'entrée que construit l'Autorité administrative indépendante elle-même. Plus l'on utilisera les Autorités administratives indépendantes dans la gestion des risques, et plus ce pouvoir sera répandu et exercé.
8.1.7. Le pouvoir de contrainte et de sanction. Le pouvoir que les Autorités administratives indépendantes exercent ex post est celui de contraindre les parties prenantes à respecter des ordres, généraux ou particuliers, qu'elles leur adressent. Il en est ainsi du pouvoir d'injonction du Médiateur de la République, ou de l'obligation pour les compagnies d'assurance d'obéir aux décisions du Bureau Central de Tarification 220 ( * ) . D'une façon plus particulière, il s'agit aussi du pouvoir direct de sanctionner ceux qui n'ont pas obéi aux prescriptions, soit généralement issues du système juridique, soit des prescriptions de l'Autorité elle-même. Il y a alors cumul des pouvoirs. Il est frappant de constater que tout à la fois le pouvoir de sanction est très contesté aux Autorités administratives indépendantes, en soi et dans l'exercice procédural qu'elles en font 221 ( * ) , et ce que le législateur distribue le plus largement. Il est souvent estimé comme le plus important pour les Autorités, notamment celles qui sont en charge de régulation économique 222 ( * ) . Les Autorités en sont de plus en plus largement dotées. Elles l'utilisent soit en soi, soit pour amener plus aisément à un accord ou une médiation, obtenu plus aisément de services administratifs ou d'entreprises qui connaissent la perspective alternative d'une sanction. C'est notamment le cas pour le Médiateur de la République, dans son maniement du pouvoir d'injonction 223 ( * ) . En effet, non seulement les Autorités administratives indépendantes créées récemment sont dotées d'un tel pouvoir, mais encore les Autorités plus anciennes obtiennent l'attribution de ce nouveau pouvoir. Cela ne pose pas en soi de problème constitutionnel puisque le Conseil constitutionnel a simplement affirmé l'unique compétence du pouvoir législatif pour le conférer, le pouvoir réglementaire ne pouvant empiéter sur ce domaine exclusif visé par l'article 34 de la Constitution 224 ( * ) . Ainsi, la CNIL estime que l'attribution d'un tel pouvoir va modifier son action, liée au fait que la régulation qu'elle exerce passe ainsi de l' ex ante à l' ex post 225 ( * ) , et accroître son autorité. De la même façon, la HALDE sitôt créée sans une telle attribution, bien que la Haute Autorité soit déjà dotée du pouvoir de stigmatiser des comportements de discrimination, obtient la perspective de l'attribution d'un tel pouvoir. On notera cependant que la Commission Nationale de Déontologie de la Sécurité souhaite expressément ne pas en disposer, pour ne pas saper son rôle de médiation 226 ( * ) .
8.1.7.1. Le pouvoir de sanction comme outil de régulation. L'objection est souvent faite comme quoi les Autorités administratives indépendantes ne devraient pas être dotées d'un tel pouvoir et ne sont pas légitimes à en être titulaires, car la sanction est au coeur du pouvoir régalien et les tribunaux judiciaires, garants des libertés individuelles, devraient en avoir le monopole. Si par contraste les Autorités administratives indépendantes en sont largement dotées, cela tient au fait que la sanction est elle aussi un outil efficace de régulation. Pour mémoire, la COB n'est devenue puissante que lorsque la loi du 2 août 1989 lui a permis de prononcer des sanctions. C'est là-dessus aussi que compte la HALDE pour participer effectivement à la lutte contre les discriminations. Cela tient au fait que la sanction n'est pas tellement un mécanisme ex post de rétribution des fautes, mais plutôt un mécanisme d'information et d'incitation. Ainsi, les prescriptions des Autorités administratives indépendantes ne sont crédibles que si elles disposent du pouvoir de les sanctionner. C'est pourquoi le législateur pourrait attribuer systématiquement un tel pouvoir aux Autorités administratives indépendantes.
8.1.7.2. L'efficacité régulatoire d'un mariage entre pouvoir de répression et accord des parties. Cette fonction de sanction peut se marier avec les mécanismes de type contractuel (qui appartiennent plutôt à des outils ex ante ), à travers des procédures de clémence ou de transaction 227 ( * ) . Il est possible que la perspective juridique traditionnelle en France soit perturbée par cette contractualisation de la répression, mais c'est la meilleure façon d'obtenir des comportements futurs adéquats. Ces mécanismes, dont on a vu l'efficacité en matière de contrôle des concentrations à travers la technique des engagements, en matière de régulation de l'audiovisuel avec de véritables conventions passées entre le Conseil Supérieur de l'Audiovisuel et les entreprises du secteur, et en matière de concurrence à travers les mécanismes de clémence, a montré son efficacité. Il est question d'accorder à l'Autorité des Marchés Financiers un tel pouvoir de transaction. Quelles que soient ses modalités et en veillant à ne pas empiéter sur l'exercice d'autres pouvoirs, par exemple ceux tenus par le Ministère public, cette articulation entre sanction et négociation permet aux Autorités administratives indépendantes d'exécuter plus efficacement leur mission.
8.1.7.3. Le déplacement de la discussion autour du principe de pouvoir de répression vers les modalités de la répression. Si le pouvoir de sanction demeure très contesté, c'est davantage au regard des garanties procédurales des personnes inquiétées, notamment au regard des droits de la défense, etc. 228 ( * ) . Le Conseil constitutionnel a précisé un certain nombre de conditions pour que l'attribution d'un tel pouvoir de sanction aux Autorités administratives indépendantes soit constitutionnellement admissible. Il faut ensuite qu'une loi l'établisse, que les droits de la défense soient respectés, qu'un recours devant une juridiction contre la décision de l'Autorité soit ménagé, qu'une possibilité de faire suspendre par le juge une décision dotée d'un pouvoir d'exécution immédiate soit offerte aux parties 229 ( * ) , que les sanctions prononcées soient proportionnées et que le jeu de leur cumul avec des sanctions strictement pénales n'excède pas le maximum encouru pour la plus forte des sanctions encourues. Le cumul de la sanction administrative et de la sanction pénale, à première vue contraire à la règle non bis in idem , mais justifié un temps par le Conseil constitutionnel du fait que la sanction administrative est d'une autre nature que la sanction pénale 230 ( * ) , semble aujourd'hui remis en cause par une jurisprudence ultérieure du Conseil 231 ( * ) . Le droit positif est donc assez flexible quant à la possibilité de doter les Autorités administratives indépendantes d'un pouvoir de sanction, mais est au contraire strict quant aux modalités d'exercice de celui-ci. Ce contraste se comprend dans la mesure où le système juridique français, par ailleurs tenu par la Convention européenne des droits de l'Homme et l'interprétation faite de son article 6 232 ( * ) , se montre vigilant, dans ses lois et dans ses jurisprudences, sur le respect des garanties de procédure, en confortant les droits des personnes objet d'un pouvoir de répression exercé par une Autorité administrative indépendante, il contribuera à ce que ce pouvoir soit mieux accepté dans son principe.
8.1.8. Le pouvoir de négociation. L'observation particulière faite à propos du pouvoir de sanction, à travers une contractualisation que certains estiment contre-nature, doit être étendu. Les Autorités administratives indépendantes, parce qu'elles ne peuvent être réduites à des juridictions, parce qu'elles ne sont pas seulement le bras détaché de l'exécutif, doivent pouvoir négocier avec les parties prenantes, entreprises 233 ( * ) ou associations de citoyens ou de consommateurs, notamment 234 ( * ) . L'attribution de la personnalité morale 235 ( * ) leur en faciliterait l'exercice. En outre, lorsque les Autorités administratives indépendantes ont plus particulièrement en charge de préserver ou de restaurer la confiance, ce qui est commun à des Autorités aussi dissemblables que les Autorités financières ou bancaires et les Autorités de lutte contre les discriminations qui cherchent à rétablir des liens sociaux et à inciter les parties prenantes à s'engager les unes par rapport aux autres, le pouvoir de négocier et de s'engager devient alors déterminant.
8.1.9. Le pouvoir de s'engager au terme d'une négociation, possible pouvoir alternatif au pouvoir réglementaire. La négociation aboutit alors à un engagement réciproque de l'Autorité et de la partie prenante, ce qui est une forme de co-régulation, oblige l'Autorité à s'engager, ce qui accroît la prévisibilité et la confiance, le caractère bilatéral de l'engagement (par rapport à l'unilatéralisme d'une décision générale ou particulière) permettant en outre de « civiliser » l'action des Autorités administratives indépendantes. Par une formule analogue à celle caractérisant le juge : « pour un juge qui toujours décide », on pourrait dire pour les Autorités administratives indépendantes : « pour une Autorité qui toujours s'engage ». Dans le mouvement général de la contractualisation de l'action publique 236 ( * ) , cet engagement sur un mode bilatéral peut s'avérer supérieur à un engagement sur un mode unilatéral, par utilisation directe de l' imperium . Ainsi, si le pouvoir de négociation et le pouvoir de s'engager sont davantage conférés aux Autorités administratives indépendantes, sur le modèle notamment du Conseil Supérieur de l'Audiovisuel, cela pourrait constituer une alternative au pouvoir réglementaire, si l'attribution de celui-ci se heurte à des conceptions politiques.
8.1.10. Le pouvoir de mettre fin aux différends. A l'inverse du pouvoir de sanction, le pouvoir de mettre fin aux différends entre les parties prenantes, qu'il s'agisse d'y mettre fin en le tranchant ou d'y mettre fin en réconciliant les parties prenantes en dispute.
8.1.11. Le pouvoir de règlement des différends. Actuellement, peu d'autorités administratives indépendantes sont formellement dotées d'un « pouvoir de règlement des différents », essentiellement l'ARCEP, la CRE, et plus récemment le CSA. Ce pouvoir revient à trancher le litige en désignant un gagnant et un perdant, comme le fait classiquement la juridiction civile. Il apparaît que pour l'instant le règlement des différends est exercé par les Autorités administratives indépendantes en charge de l'accès des opérateurs à une infrastructure essentielle, tel un réseau de transports, comme en matière de communications électroniques ou d'énergie. On peut se demander s'il ne conviendrait pas d'étendre un tel pouvoir à d'autres autorités, comme par exemple la HALDE (ce qui pourrait être une alternative à un pouvoir de sanction), ou l'AMF, dans la mesure où cela « civiliserait » leur action, en présentant une alternative au pouvoir de sanction 237 ( * ) . En outre, c'est par le biais du règlement des différends que l'Autorité indépendante peut palier une insuffisance de pouvoirs par ailleurs 238 ( * ) , ou bien interférer dans ce qui est l'instrument juridique ordinaire d'un système libéral, à savoir les contrats 239 ( * ) . Enfin, on peut mettre fin à un différent autrement qu'en le tranchant, ce qui permet la voie d'aggravation du rapport entre les parties, mais en cherchant à les concilier.
8.1.11.1. Le pouvoir de conciliation ou de médiation. Ce pouvoir d'amener les parties à se concilier peut être considéré comme un pouvoir que devraient avoir toutes les Autorités administratives indépendantes 240 ( * ) . En effet, lorsque les Autorités ont en charge la régulation d'un secteur économique, réconcilier les parties peut permettre de diminuer les chocs de transformation du secteur, notamment lorsqu'il s'agit de transformer une organisation monopolistique en une économie de compétition. On relèvera que le Conseil de la concurrence, qui s'estime suffisamment doté en pouvoirs, regrette de n'avoir pas davantage de moyens en cette matière 241 ( * ) . Le pouvoir de médiation tient d'ailleurs largement du fait et, par nature, ne donne guère lieu à publicité. Il peut constituer une alternative à l'absence de pouvoir de règlement des différends 242 ( * ) . Ce pouvoir s'impose plus encore pour les régulateurs en charge d'une médiation sociale, puisqu'il s'agit d'instaurer ou de restaurer un lien entre des personnes ou des groupes de personnes. C'est pourquoi, notamment si l'on envisage l'adoption d'une loi-cadre, l'attribution de ce pouvoir aurait été prévue pour chaque Autorité administrative indépendante.
8.1.12. Le pouvoir de faire savoir. Cette formulation ne correspond pas à une catégorie juridique reçue mais correspond au fait que les Autorités administratives indépendantes doivent avoir le pouvoir de désigner les problèmes et d'organiser la publicité de leur décision. Par exemple, le Conseil de la concurrence accroît l'effet dissuasif et éducatif de ces décisions. Les pratiques de communication ont d'ailleurs une forme factuelle de ce pouvoir et il est remarquable que de nombreuses Autorités administratives indépendantes comprennent un service spécifique de communication ou confient à une personne en particulier cette tâche particulière. . La pratique courante de l'organisation par les Autorités administratives indépendantes de rencontres sur un modèle qui oscille entre le colloque universitaire et la réunion diplomatique conforte l'importance de l'exercice du pouvoir. De la même façon, la pratique des « forums » européens ou internationaux exprime ce même pouvoir de faire savoir. Pourquoi alors l'organiser plus juridiquement ? Cela dépend si le législateur préfère laisser jouer la discrétion de l'Autorité pour décider ce qui doit demeurer secret, ce qui doit être publié, ce qui doit être activement diffusé. Pour l'instant, notamment en ce qui concerne les Autorités administratives indépendantes ayant en charge une profession, et l'on peut songer à la Commission Bancaire, le secret est souvent choisi, alors que pour les Autorités administratives indépendantes qui ont besoin de s'appuyer sur une opinion large, la diffusion vient exacerber la publicité. Il en est ainsi aussi bien du Médiateur de la République que du Défenseur des enfants. Le législateur pourrait vouloir donner des règles plus fixes en la matière, à moins qu'il estime que ces marges de discrétion permettent pour chacune des Autorités concernées en fonction des missions et des cas de mieux exercer leur office. Dans ce cas, il convient d'en rester là.
SECTION 9 : L'EXERCICE ADEQUAT DES MISSIONS
9.0. Dans une conception procédurale des pouvoirs, dans un contexte de démocratie procédurale, les exigences juridiques portent davantage sur les façons de faire que sur le « faire » directement, sur le processus de prise de décision que sur la décision elle-même. La procédure est devenue la matière première du droit. Les Autorités administratives indépendantes, parce qu'elles doivent toujours démontrer leur légitimité, légitimité logée dans l'usage qu'elles font de leurs pouvoirs, y sont exposées plus que tout autre organisme. Cela justifiera qu'elles rendent des comptes sur l'usage efficace de leur pouvoir, c'est-à-dire sur la corrélation entre l'utilisation de leurs pouvoirs et de leurs moyens au regard de la concrétisation de la finalité pour laquelle l'Etat les leur a donnés 243 ( * ) . Cela justifie qu'elles respectent les garanties offertes à ceux dont la situation est affectée par l'usage fait par les Autorités administratives indépendantes des pouvoirs considérables et cumulés que l'efficacité de leur action justifie.
* 209 Par exemple, l'ARCEP, dans sa réponse au questionnaire, précise que « s'agissant de la régulation au sens strict (« régulation concurrentielle des marchés »), l'Autorité privilégie les modalités d'intervention propres (par exemple la faculté de demander la modification d'une offre de référence) mais l'efficacité de ce mode d'intervention est renforcée par l'existence d'un pouvoir de règlement de différends et celle d'un pouvoir de sanction. ».
* 210 V. infra.
* 211 V. infra.
* 212 Par exemple, le Conseil de la concurrence peut être consulté sur des projets de texte concernant le droit de la concurrence (articles L. 462-2 et L. 462-4 du Code de commerce). On peut encore citer le pouvoir d'avis de l'ARCEP et de la CRE dans cette manière décisive qu'est l'adoption de tarification. De la même façon, l'ARCEP relève, dans sa réponse au questionnaire, que « Depuis sa création, une coopération constructive et fructueuse s'est développée entre l'Autorité et les services du Gouvernement (SGCI, DGE) ; les avis donnés par l'Autorité sont la plupart du temps pris en compte. Enfin, la CNIL ou le CSA exercent aussi une fonction consultative très développée. Concernant ce dernier, il relève, dans sa réponse au questionnaire, que son avis est systématiquement sollicité par le Gouvernement, que cette sollicitation soit exigée par les textes ou non.
* 213 C'est par exemple le cas du Haut Conseil à l'Intégration ou du Défenseur des enfants. En pratique, il peut même arriver que les propositions de réforme émanent de deux Autorités, par exemple par une proposition commune du Médiateur de la République et du Défenseur des enfants. On peut prendre le cas récent de la proposition concernant la lutte contre les mariages forcés.
* 214 Alain Bazot, président de l'UFC - Que Choisir, estime lors d'un entretien que « C'est une bonne chose qu'une AAI donne son avis sur une réglementation, et que le Ministre doive motiver dans le cas où il prend une décision contraire à l'avis de l'AAI. L'AAI peut permettre de renforcer la transparence du pouvoir politique. Mais c'est toujours le Ministère qui assume politiquement ».
* 215 En application du décret du 30 avril 2002, le Conseil de la concurrence recueille ainsi les avis de l'AMF, ARCEP, la CNIL, la Commission Bancaire, la CRE, le CSA et le Médiateur du cinéma.
* 216 Par exemple, l'Autorité des Marchés Financiers doit formuler un avis lors de procédures correctionnelles reprochant au prévenu un délit boursier.
* 217 On peut prendre l'exemple de l'arrêt du Conseil d'Etat du 26 mars 1999, Société EDA, à propos des atteintes possibles à la concurrence causées par les autorisations d'occupation du domaine public.
* 218 Ainsi, le Conseil de la concurrence, à la question posée de ses relations avec les juridictions, répond : « Des relations juridictionnelles dans le cadre des recours ou des interventions en tant qu' « amicus curiae ».
* 219 En la matière, la loi de Modernisation des Activités Financières de 1996 a rapatrié sur le CECEI des activité d'agrément, notamment sur toutes les entreprises de service d'investissement, qu'exerçait auparavant le Conseil des Marchés Financiers, tandis que la loi de Sécurité Financière de 2003 lui a confié l'habilitation des activités de compensation et de tenue de compte/conservation.
* 220 Faute de quoi, l'entreprise d'assurance est réputée ne plus se conformer à la réglementation et encourt à ce titre un retrait d'agrément.
* 221 V. infra.
* 222 Par exemple, le Conseil de la concurrence, dans sa réponse au questionnaire, estime que « Le pouvoir de sanction reste le plus important à la fois du point de vue quantitatif que du point de vue de l'originalité de l'institution puisqu'il est la seule autorité en France à user largement de ce pouvoir. ».
* 223 Jean-Paul Delevoye, Médiateur de la République, souligne, dans un entretien,que que ce pouvoir est utilisé « comme un moyen de pression, pour parvenir à un accord... il faut aller jusqu'au bout du combat pour parvenir à un accord, il faut donc montrer que nous pouvons utiliser les pouvoirs à notre disposition. Le refus de la compromission, le fait d'amener l'administration à reconnaître l'existence d'un débat, cela renforce notre crédibilité. ».
* 224 Le Conseil constitutionnel l'a affirmé aussi bien pour le Conseil de la concurrence en 1987 que pour la COB, dans sa décision du 28 juillet 1989.
* 225 La CNIL, dans sa réponse au questionnaire, estime que « Le pouvoir d'autoriser ou, en ce qui concerne l'Etat, de donner un avis préalable à la mise en oeuvre des applications informatiques présentant le plus de risques pour la protection des données personnelles reste le pouvoir le plus important pour l'exercice des missions de la CNIL. Mais celui d'infliger des sanctions en cas de violation de la loi pourrait, dans les années à venir, devenir de plus en plus déterminant. ».
* 226 La Commission souligne en effet dans sa réponse au questionnaire que « La Commission n'a aucun pouvoir pénal ou disciplinaire ce qui est heureux. Elle s'efforce de préciser sa fonction à tous ses interlocuteurs pour aboutir à une réflexion -commune si possible- sur les exigences de la déontologie. ».
* 227 L'attribution d'un tel pouvoir de transaction est envisagée au profit de l'Autorité des Marchés Financiers, perspective souhaitée par l'Autorité qui le justifie, dans sa réponse au questionnaire, de cette façon : « De manière générale, et cela n'est pas propre à l'AMF mais sans doute commun à l'ensemble de la matière répressive, la discipline de marché se heurte à l'hypertrophie de la procédure et à l'échelle des sanctions susceptibles d'être appliquées, de même que le délai global de traitement des affaires n'est pas toujours en phase avec la réalité du marché. L'introduction dans notre système ... d'une procédure transparente de transaction, combinée avec un relèvement significatif du quantum de certaines sanctions, constituerait une réforme de nature à accroître l'efficacité du dispositif ».
* 228 V. infra n°9.3.2. et s.
* 229 Lacune qui entraîna la censure que le Conseil constitutionnel opéra concernant la loi qui transféra le contentieux sur les décisions du Conseil de la concurrence du Conseil d'Etat à la Cour d'appel de Paris.
* 230 Décision du 28 juillet 1989, COB .
* 231 Décision du 23 juillet 1996, ART.
* 232 V. infra.
* 233 Les Autorités peuvent ainsi se mêler de l'élaboration de règles professionnelles. Cela est expressément prévu par la loi pour l'Autorité des marchés financiers, concernant notamment les règles touchant les commissaires aux comptes, ou les analystes financiers. Cela peut prendre des voies à la fois formelles et informelles. Ainsi, la CNIL, dans sa réponse au questionnaire, précise que «... le canal des syndicats professionnels en direction des entreprises permet-il de décupler l'action d'explication de la loi et de sensibilisation que mène la CNIL. Ainsi a-t-elle collaboré à la rédaction de projets de règles professionnelles tendant à la protection des données et approuvé deux codes de l'e-mailing en mars 2005 présentés par l'Union française du marketing direct et le syndicat national de la communication à distance, conformément aux nouvelles missions découlant de la loi d'août 2004 ».
* 234 Par exemple, la CNIL, dans sa réponse au questionnaire, souligne que « S'agissant des associations de consommateurs, elles sont régulièrement consultées au même titre que les professionnels dans le cadre des missions de réglementation et régulation de la CNIL (exemple: Internet et les jeunes, élaboration d'un module pédagogique destiné aux internautes afin de lutter contre le spam, enjeux de la mise en oeuvre d'une centrale positive regroupant les encours de crédit ...). Elles se font également le relais des plaintes des consommateurs. Ainsi, les rencontres régionales que la CNIL mène depuis un an, au rythme d'une région tous les 2 mois, afin d'engager le dialogue avec tous les acteurs concernés (élus locaux, administrations, entreprises, associations, citoyens) ont été l'occasion pour les associations de consommateurs et le grand public de saisir la CNIL de réclamations. ».
* 235 V. supra.
* 236 V. supra.
* 237 Ainsi, Paul Champsaur, président de l'Arcep, précise dans un entretien que « le rôle de l'ARCEP concerne plus le règlement des différends et donne lieu à peu de sanction. ».
* 238 L'ARCEP, dans sa réponse au questionnaire, souligne ainsi que « la procédure de règlement de différend, initialement conçue pour permettre le règlement de conflit spécifiques, a été, au moins dans le contexte réglementaire précédent, assez souvent utilisée pour palier l'insuffisance relative des pouvoirs d'intervention de l'Autorité. ».
* 239 La Commission de Régulation de l'Energie insiste, dans sa réponse au questionnaire, sur cet effet heureux : « La CRE a également oeuvré pour que les contrats d'accès aux réseaux soient harmonisés autant que cela était possible et prennent en considération les attentes des consommateurs et des fournisseurs. Ayant statué à ce jour sur 42 demandes de règlement de différend, elle a rappelé un certain nombre de règles qui s'imposent aux gestionnaires de réseaux. Elle a même parfois été amenée à les préciser, lorsque la réglementation n'était pas suffisamment claire. ».
* 240 Pour que le pouvoir de médiation opère, il faut que les parties prenante en fassent crédit à l'Autorité administrative indépendante, puisque le consentement à se rapprocher doit être formulé de part et d'autre. Cela n'est pas forcément le cas. Ainsi, , Julien Dourgnon, directeur des études et de la communication à l'UFC - Que Choisir, affirme : « Nous ne croyons pas à la médiation, mais plutôt à un système comme celui d' « Energy Watch » au Royaume-Uni, qui est rattaché à l'autorité de régulation de l'énergie et s'occupe des questions contractuelles, en mobilisant 70 personnes.
* 241 Il précise dans sa réponse au questionnaire que « Les améliorations souhaitables aujourd'hui seraient plutôt d'ordre procédural afin de rendre encore plus efficace l'intervention du Conseil dans les modes de règlement négociés des conflits.. »
* 242 Ainsi, l'Autorité des Marchés Financiers, qui ne dispose pas de pouvoir de règlement des différends, utilise très largement son pouvoir de médiation entre les opérateurs et les consommateurs de produits d'épargne. L'Autorité rattache cela, dans sa réponse au questionnaire, à sa mission pédagogique, en ces termes : « L'AMF ... assure un rôle de pédagogue et de médiateur auprès des particuliers ... Le rôle pédagogique s'accompagne d'un service de médiation en cas de litige ». Ce rôle de médiation est relativement peu commenté en doctrine, alors que l'Autorité dispose d'un « service de la médiation », qui emploie six personnes.
La HALDE pour sa part souligne dans sa réponse au questionnaire que « La possibilité de conduire des médiations est aussi un aspect essentiel de son action. ».
* 243 Sur les conséquences en matière budgétaire, v. infra, et sur la notion et les mécanismes de reddition des comptes (accountability), v. infra.