C. LES RAISONS DU RETARD
1. Des services débordés
La mise en oeuvre de la loi du 6 août 2004, comme celle des lois de juillet 1994, s'est trouvée contrariée par plusieurs obstacles, et d'abord par l'engorgement des services chargés de la rédaction des textes réglementaires d'application.
En effet, avant de procéder à la publication de plusieurs de ces textes, les services du ministère chargé de la santé ont souhaité recueillir l'avis des acteurs concernés , jusqu'à une dizaine d'organismes différents pour la mise en place de l'ABM par exemple, et ont étroitement collaboré, sur certains points, avec les services du ministère de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche.
Après la phase de consultation, le travail de rédaction des textes d'application est rendu complexe par la difficulté technique de nombreuses dispositions et l'évolution de l'environnement juridique, notamment des normes fixées par les institutions européennes et par l'application de nouveaux textes législatifs intervenant dans le domaine sanitaire.
Or, les services du ministère en charge de la santé souffrent d'un manque certain de moyens en personnel , compte tenu des compétences à exercer et de leur extension croissante.
A cet égard, la Cour des Comptes a ainsi un constat sévère de l'organisation de la DGS dans son rapport public pour 2004 7 ( * ) :
« Une part importante de l'activité de la DGS consiste en l'élaboration de règles de droit qu'elle prépare seule ou avec d'autres directions. La profusion de textes engorge la DGS et limite sa capacité à se mobiliser sur d'autres tâches. Début septembre 2004, pour les seuls textes dont la direction est chef de file et qui ne sont pas destinés à transposer des directives européennes, l'encours de décrets à produire représentait au moins quatre années de travail :
« - soixante décrets d'application étaient nécessaires pour la mise en oeuvre de la loi du 9 août 2004 relative à la politique de santé publique ; la loi du 6 août 2004 relative à la bioéthique appelait quant à elle vingt-quatre décrets ; quatre décrets devaient aussi être pris pour l'application de la loi du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales ;
« - la rédaction de huit décrets était encore en cours au titre de la loi du 4 mars 2002 sur les droits des malades et la qualité du système de santé ; pour sept autres, elle n'avait pas encore débuté ;
« - au titre de lois (ou ordonnances) plus anciennes ou de décisions ponctuelles, la rédaction de dix-neuf autres décrets était par ailleurs prévue ;
« Par ailleurs, la DGS participait à la rédaction de dix décrets d'application de la loi du 13 août 2004 relative à l'assurance maladie.
« Les délais de production des textes juridiques fragilisent le cadre juridique de la politique de santé publique et de l'action des acteurs du système de santé. Des instances et dispositifs en principe supprimés sont, de fait, toujours en vigueur, ceux qui devaient les remplacer n'ayant pas encore été mis en place. »
Elle formulait plusieurs propositions pour améliorer la productivité de la DGS : « La gestion des ressources humaines doit être améliorée. (...) Les tâches de gestion doivent être externalisées afin de concentrer les moyens de la direction sur la conception et l'évaluation des politiques. »
Votre commission souhaite que ces recommandations soient effectivement mises en oeuvre. Elle se réjouit, en tout état de cause, des progrès récents réalisés en matière de publication des textes réglementaires relatifs à la loi du 6 août 2004 depuis le constat sans appel dressé par Pierre-Louis Fagniez pour la commission des Affaires culturelles, familiales et sociales de l'Assemblée nationale, il y a un an 8 ( * ) .
Celui-ci constatait alors : « Au 30 novembre 2004, le taux d'exécution de la loi, défini comme la proportion entre le nombre de décrets publiés et le nombre de ceux prévus par la loi, était ainsi de 4 %, selon les informations communiquées par le Secrétariat général du Gouvernement. Ce taux est malheureusement identique au 23 mars 2005, puisque aucun nouveau texte réglementaire n'a depuis lors été publié.
« Sur les seize articles de la loi nécessitant la parution d'un ou plusieurs textes réglementaires pour leur application, un seul article est donc aujourd'hui applicable. En d'autres termes, plus de sept mois après la publication de la loi, la quasi-totalité (93 %) de ces articles sont inapplicables du fait de l'absence de texte réglementaire . La situation est donc très insatisfaisante ».
La DGS a, en effet, renforcé ses efforts sur la rédaction des textes qui lui incombent - plus de cent cinquante sur l'ensemble des textes à appliquer -, puisque le niveau de sa production réglementaire a plus que doublé entre 2004 et 2005 , passant de dix-neuf à quarante-cinq décrets publiés, et que cet effort devrait se poursuivre en 2006 avec un objectif de parution supérieur de 10 % par rapport aux chiffres de 2005.
2. D'autres textes prioritaires ou « La priorité accordée à d'autres lois ? »
En outre, il apparaît clairement qu' une priorité a été donnée à la rédaction et à la publication des textes d'application de la loi du 13 août 2004 relative à l'assurance maladie et, subsidiairement, à ceux de la loi du 9 août 2004 relative à la politique de santé publique. Les services de la direction de la sécurité sociale (DSS) et ceux de la DGS ont donc été principalement mobilisés par cette tâche.
A cet égard, votre commission approuve largement l'esprit des recommandations formulées par Pierre-Louis Fagniez dans son rapport précité : « Il serait très opportun, en amont, que le Gouvernement veille à mieux organiser le travail parlementaire , afin d'éviter, en aval, un effet d'engorgement au stade de la rédaction des décrets. Comment en effet s'étonner de ce retard dans la mise en application de la loi alors que trois textes majeurs dans le domaine de la santé, représentant au total plus de 400 pages au Recueil des lois, ont été promulgués pratiquement la même semaine au Journal officiel ? Dans le même sens, il serait également souhaitable que le travail de rédaction des textes réglementaires soit engagé avant même la promulgation de la loi, au moins pour les articles votés conformes par les deux assemblées.
(...) « Il serait très opportun de définir des niveaux de priorités et des objectifs chiffrés de publication des principaux textes d'application et de suivre très régulièrement leur état d'avancement ou encore de proposer, par exemple sur le site Internet du ministère, une présentation didactique de la loi destinée au grand public et aux professionnels. Pour certains textes particulièrement complexes, la DGS pourrait par ailleurs utilement s'appuyer sur des missions d'expertise technique, par exemple de l'Igas. »
Votre commission souhaite donc que, à l'occasion de la discussion et de la mise en oeuvre des prochains textes relatifs au secteur sanitaire, le Gouvernement prenne en compte les demandes du Parlement, afin d'assurer une application plus rapide des lois qu'il a votées.
* 7 Cour des Comptes. Rapport public pour l'année 2004. Février 2005.
* 8 Application de la loi relative à la bioéthique. Pierre-Louis Fagniez. Rapport n° 2206 de l'Assemblée nationale. Mars 2005.