B- Le crédit logement en Europe : disparités marquées selon les pays
Les marchés
Une étude menée en 2003, pour la Fédération Européenne Hypothécaire 76 ( * ) , révèle des différences non négligeables entre les marchés hypothécaires européens. Ainsi, le Danemark, les Pays-Bas et le Royaume-Uni semblent avoir les marchés hypothécaires les plus complets pour ce qui est de la gamme des produits proposés, tels que les deuxièmes hypothèques et les produits permettant de tirer parti de l'augmentation de la valeur du bien, ainsi que de la possibilité de choisir entre différents barèmes de remboursement et d'ajustement des taux d'intérêt. Surtout, les marchés de ces pays sont également en mesure de servir un plus large éventail d'emprunteurs potentiels, notamment par exemple les ménages jeunes ou âgés, ou encore les emprunteurs qui ne sont pas en mesure de certifier leurs revenus.
S'agissant de la nature de l'hypothèque (taux fixes ou taux variables), des hypothèques à taux fixes sont généralement proposées en France pour une durée de quinze ans, mais les pénalités en cas de refinancement peuvent représenter jusqu'à six mois d'intérêt ou trois pour cent du solde remboursé par anticipation. En Allemagne, les taux des hypothèques sont habituellement fixes pendant dix ans, et il est très difficile d'obtenir un refinancement. Le marché italien est hybride, comportant à la fois des taux fixes et des taux variables. En revanche, au Danemark et aux États-Unis, où la plupart des prêts sont également à taux fixes, la possibilité d'un remboursement anticipé sans pénalités est fréquemment prévue, dans la mesure où les prêts hypothécaires sont largement financés par des titres adossés à des créances hypothécaires et remboursables par anticipation au gré de l'émetteur. Au Royaume-Uni, les taux hypothécaires sont généralement variables, et les variations des taux d'intérêt se traduisent rapidement par des variations des paiements mensuels au titre du service de la dette.
En revanche, les différences internationales des marges de taux hypothécaires par rapport aux taux de marché pour l'échéance concernée, qui sont des indicateurs rapprochés de l'efficience, ne sont pas très importantes et se sont sensiblement réduites au cours des dix dernières années.
Deux principaux indicateurs de l'aptitude des marchés hypothécaires à fournir un accès à des moyens de financement sont les ratios moyens ou maximums « prêt / valeur du bien » et les conditions hypothécaires. Il existe aux Pays-Bas et au Royaume-Uni des ratios maximums « prêt / valeur » supérieurs à cent pour cent, même si la moyenne est habituellement plus faible. Les ratios classiques « prêt / valeur » sont en revanche particulièrement bas en Italie.
Les extractions de richesse immobilière sont encore plus faciles lorsque des produits hypothécaires spécifiquement conçus à cet effet sont largement proposés sur le marché, comme c'est le cas notamment en Australie, aux Pays-Bas, au Royaume-Uni et aux États-Unis, mais aussi dans la plupart des pays nordiques.
En revanche de tels produits ne sont ni proposés ni largement utilisés en France, en Belgique, et dans les pays d'Europe méridionale.
Les différences évoquées ci-dessus tiennent souvent à des facteurs réglementaires. Un élément important à cet égard est la protection légale de la garantie . Les frais administratifs et les délais nécessaires pour réaliser la valeur de la garantie en cas de défaillance diffèrent très largement selon les pays. En Belgique, en France et au Portugal, et plus encore en Italie, la longueur des procédures légales est probablement l'un des principaux facteurs qui découragent les banques de consentir des prêts plus importants par rapport à la valeur du bien et de prêter à des emprunteurs présentant des risques relativement élevés. Dans un certain nombre de pays de l'OCDE, les ratios « prêt / valeur du bien » sont également plafonnés par la réglementation , et dans la plupart d'entre eux, le ratio « prêt / valeur du bien » influence la pondération qu'on lui attribue pour vérifier le respect des normes de fonds propres, de sorte que les prêts, dont ce ratio est élevé, sont plus coûteux à financer. Les limitations réglementaires sont particulièrement contraignantes en Allemagne, dans la mesure où elles se combinent à une méthode obligatoire d'évaluation du prêt qui implique une augmentation supplémentaire de 20 à 25 % par rapport au prix du marché.
Au total, il semble possible de faire la distinction entre un groupe de pays où les marchés hypothécaires offrent un large accès aux liquidités (Australie, Canada, Pays-Bas, Royaume-Uni, États-Unis et pays nordiques) et d'autres où cet accès est encore limité (notamment l'Italie et la France). La situation est plus complexe en Allemagne - où des hypothèques de base assorties de longue périodes de remboursement sont très abordables mais où la gamme de produits est limitée et où les ratios « prêt / valeur du bien » sont faibles - et en Espagne, où le marché semble s'être développé très rapidement.
Enfin, l'OCDE (2004) 77 ( * ) met en évidence une relation étroite (positive) entre l'indicateur de complétude des marchés et la corrélation prix réels des logements / consommation, ainsi qu'entre cet indicateur et les extractions de richesse immobilière.
Tableau 34 : Facteurs caractérisant le marché hypothécaire
Critères étudiées |
Incluant |
|
Concurrence et structure du marché |
Degré de concentration, barrières à l'entrée, rendement des établissements prêteurs, rôle du gouvernement. |
|
Complétude du marché |
Éventail des prêteurs, gamme des produits, canaux de distribution présents. |
|
Prix |
Prix moyen ajusté, coûts de transaction et barrières aux changements, niveau de services et protection des consommateurs. |
|
Coûts et procédure |
Coûts de délivrance des prêts hypothécaires, temps des procédures. |
Source : Mercer Oliver Wyman (2003)
Tableau 35 : « Complétude » des marchés hypothécaires : gamme de produits disponibles et éventail d'emprunteurs servis dans huit pays européens
Dane-
|
France |
Alle-
|
Italie |
Pays-
|
Portugal |
Espagne |
RU |
||
a) Ratios prêt / valeur du bien Moyen Maximum |
80 80 |
67 100 |
67 80 |
55 80 |
90 115 |
83 90 |
70 100 |
69 110 |
|
b)
Variété des
produits
Taux Variables Variables (avec référence) Variables (avec taux initial réduit) Variables plafonnées Durée 2-5 5-10 10-20 20+ Remboursement Paiement capital et intérêt Paiement intérêts uniquement Flexible Remboursement sans pénalité 1 Pénalité intégrale |
** ** - ** ** ** ** ** ** * * ** ** |
** ** ** ** ** ** ** * ** ** ** - * |
** - - * ** ** ** * ** ** - - ** |
** ** * * ** ** * * ** * * - * |
** ** - ** ** ** ** * ** ** ** - ** |
** ** - - * * - - ** - - - * |
** ** ** * * * * * ** - * - * |
** ** ** ** ** * * - ** ** ** * * |
|
c)
Type d'emprunteurs
Type d'emprunteurs Ménage jeune (< 30) Ménage âgé (> 50) Faible apport initial Revenu auto-certifié Ex-failli Mauvais antécédents Travailleur indépendant Aide de l'Etat Objet du prêt Hypothèque 2 e rang Résidence de vacances à l'étranger Location Prélèvement sur la valeur du bien Accession partielle à la propriété |
** ** - - * * ** * ** ** ** ** ** |
* * ** - - * * ** * ** ** - * |
** * * - - - ** * ** * ** * * |
* * - - - * ** * ** ** ** ** * |
* ** * * - * * * ** * ** ** * |
** * * - - - ** ** ** - ** - ** |
** * * * - * ** * ** - ** * - |
** ** ** * * ** ** * ** ** ** ** ** |
|
Indice de « complétude »
|
75 |
72 |
58 |
57 |
79 |
47 |
66 |
86 |
1 Uniquement sur les produits à taux fixes.
** Grande disponibilité, * faible disponibilité, - pas disponible.
Cet indice de « complétude » repose sur la méthodologie développée par Mercer Oliver Wyman, combinant dans son approche éléments quantitatifs et qualitatifs.
Source : Mercer Oliver Wyman (2003)
Tableau 36 : Indicateurs du marché hypothécaire et du marché du logement
Dette hypothécaire résidentielle (% PIB) en 2002 |
Ratio prêt/valeur du bien (%) |
Durée du prêt moyen (années) |
% des logements occupés par leurs propriétaires en 2002 |
|||
Moyen |
Maximum |
|||||
Australie |
50.8 |
65 |
- |
25 |
70 |
|
Belgique |
27.9 |
83 |
100 |
20 |
71 |
|
Canada |
43.1 |
75 |
- |
25 |
66 |
|
Danemark |
74.3 |
80 |
80 |
30 |
51 |
|
Finlande |
31.8 |
75 |
80 |
15-18 |
58 |
|
France |
22.8 |
67 |
100 |
15 |
55 |
|
Allemagne |
54.0 |
67 |
80 |
25-30 |
42 |
|
Irlande |
36.5 |
66 |
90 |
20 |
77 |
|
Italie |
11.4 |
55 |
80 |
15 |
80 |
|
Japon |
36.8 |
80 |
- |
25-30 |
60 |
|
Pays-Bas |
78.8 |
90 |
115 |
30 |
53 |
|
Norvège |
50.2 |
- |
80 |
15-20 |
77 |
|
Portugal |
49.3 |
83 |
90 |
15 |
64 |
|
Espagne |
32.3 |
70 |
100 |
15 |
85 |
|
Suède |
40.4 |
77 |
80 |
< 30 |
61 |
|
Royaume-Uni |
64.3 |
69 |
110 |
25 |
69 |
|
États-Unis |
58.0 |
78 |
- |
30 |
68 |
Source : OCDE (2004)
Figure 53 : Les divers ratios européens (prêts sur valeur du bien)
* 76 « Study on the financial integration of European mortgage markets », Mercer Oliver Wyman, octobre 2003. A noter que dans cette étude seuls huit pays européens sont examines à savoir le Danemark, la France, l'Allemagne, l'Italie, les Pays-Bas, le Portugal, l'Espagne et le Royaume-Uni.
* 77 « Marché du logement, patrimoine et cycle économique », 2004, Perspectives économiques de l'OCDE, no. 75, juin.