2. Une contribution indirecte qui aurait été significative mais limitée par l'absence de mécanisme spécifique de mobilisation du patrimoine immobilier
De fait, l'impact indirect de la demande de logement sur la croissance aurait été significatif.
L'augmentation du prix de l'immobilier a favorisé la réalisation « d'effets de richesse immobilière » suivant les enchaînements décrits dans la note transmise à la Commission des Finances par le service des Études économiques du Sénat 21 ( * ) dont l'encadré ci-après s'inspire étroitement.
L'IMPACT D'UNE HAUSSE DES PRIX DE L'IMMOBILIER SUR LA CROISSANCE 22 ( * ) Une hausse des prix de l'immobilier peut avoir un impact sur l'économie réelle à travers deux canaux : - une augmentation de la valeur du patrimoine immobilier des ménages entraîne une hausse de la consommation (« effet de richesse ») ; - une augmentation des prix entraîne un comportement plus expansif des banques en matière de crédit dans la mesure où elle diminue le risque associé à l'octroi d'un crédit par augmentation de la valeur des garanties. Ces deux effets sont couramment mis en avant par les économistes, sans que cependant l'évaluation de cet impact aille plus avant. L'OFCE propose au contraire une évaluation quantitative de la relation entre prix de l'immobilier, endettement, consommation et croissance, qui intègre donc le comportement des banques. Cette analyse est résumée ci-après. 1) Comment simuler l'impact d'une hausse des prix de l'immobilier sur la croissance ? La théorie économique (depuis Friedman) montre que la consommation dépend certes du revenu courant (relation keynésienne) mais aussi du « revenu permanent » : un ménage se fixe un objectif de revenu au cours de son cycle de vie (revenu permanent) qui dépend de son revenu courant mais aussi de son patrimoine. Si la valeur de son patrimoine s'apprécie/se déprécie, il peut désépargner/épargner pour augmenter/diminuer sa consommation : c'est ce que l'on nomme « l'effet de richesse ». L'impact de cet effet de richesse est validé par l'analyse empirique dans beaucoup d'économies développées, en particulier dans les économies anglo-saxonnes. Pour la France, cependant, l'économétrie relative à ce lien entre richesse et consommation est à la fois peu robuste et peu conclusive. Il en résulte que les modèles macroéconomiques relatifs à la France ne parviennent pas à illustrer un impact de l'enrichissement patrimonial des ménages sur leur consommation. Les économistes savent que cet effet existe, mais ne parviennent pas à le « calibrer ». Dès lors, les prévisions de consommation et de taux d'épargne apparaissent fragiles et l'évolution des taux d'épargne (notamment sa baisse en France sur la période 2002-2004) reste assez largement inexpliquée. L'OFCE a cherché à résoudre cette difficulté ce qui constitue l'intérêt de cette étude. L'effet de richesse positif - dans l'hypothèse d'une hausse des prix de l'immobilier - mis en avant par la théorie peut être perturbé par l'impossibilité de certains ménages de consommer plus pour un revenu donné et avec une épargne bloquée (« contrainte de liquidité »). La seule possibilité de consommer plus passe pour ces ménages par l'emprunt. Le secteur bancaire a ainsi un rôle décisif dans la transmission de l'effet de richesse sur la consommation. C'est pourquoi l'OFCE a tenté d'expliquer la consommation des ménages par une variable « taux d'endettement bancaire » qui permet de prendre en compte à la fois l'effet de richesse, la contrainte de liquidité des ménages et le comportement des banques. L'analyse empirique montre pour la France que l'endettement bancaire dépend de trois facteurs : - l'écart entre la croissance du revenu et le taux d'intérêt à long terme : cet écart traduit la capacité des ménages à faire face aux charges d'intérêt futures ; - les prix de l'immobilier : une hausse de la richesse immobilière augmente la capacité des ménages à emprunter ; - le chômage (négativement) : lorsque le taux de chômage augmente, le comportement des banques en matière de crédit est plus restrictif. Par ailleurs, il existe une relation entre endettement pour le logement et consommation. Cette relation n'est pas directe puisque l'endettement immobilier n'est pas censé jouer sur la consommation. En effet, du point de vue de l'analyse macroéconomique, le fait qu'un ménage achète un logement - ou que les ménages achètent des logements de plus en plus chers - n'a pas d'incidence sur la consommation, si cet achat est financé par un crédit 23 ( * ) . Néanmoins , une hausse de l'endettement traduit une augmentation du nombre de transactions immobilières et donc de la liquidité de l'immobilier . Ainsi, lorsque l'endettement augmente, la probabilité que certains ménages vendent leur logement sans en acheter un nouveau, ou pour en acheter un moins cher, augmente. Dans ce processus, de plus en plus de ménages concrétisent une plus-value, et ce supplément de liquidité est utilisé pour augmenter leur consommation. C'est par ce biais de l'endettement que l'OFCE matérialise l'effet de richesse en France. Le « modèle immobilier » de l'OFCE La formalisation de ces différentes relations permet à l'OFCE de construire un « modèle immobilier » qui s'articule autour de deux « boucles » positives : - la première est enclenchée par les mouvements de taux d'intérêt : une baisse des taux (les effets sont symétriques en cas de hausse) entraîne une augmentation de l'endettement , une hausse des prix de l'immobilier , qui entraîne elle-même une hausse de l'endettement et une augmentation de la consommation (id : une baisse des taux d'épargne) ; - la deuxième boucle est déterminée par l'évolution du chômage et du revenu : la baisse du chômage et la progression du revenu entraînent une augmentation de l'endettement, une baisse des taux d'épargne, une accélération de la croissance, une hausse de l'endettement et ainsi de suite. Ce « modèle immobilier », associé à un modèle macroéconomique, permet de simuler l'impact des fluctuations des prix de l'immobilier. Ces travaux sont cohérents et compatibles avec ceux déjà menés par l'OCDE et le FMI : mais ils proposent une avancée dans la mesure où ils permettent un bouclage global de la liaison prix de l'immobilier/croissance et où ils « réconcilient » la théorie et l'analyse empirique. On observe par ailleurs qu'ils expliquent de manière assez robuste une partie des écarts conjoncturels 24 ( * ) entre la France et les États-Unis (où l'endettement hypothécaire a constitué un soutien à la consommation) sur la période récente, d'une part ; entre la France et l'Allemagne où la stagnation du revenu n'a pas permis à la baisse des taux d'intérêt de « mordre » (via le canal de l'endettement) sur la conjoncture. |
* 21 « Évolution des prix de l'immobilier et croissance économique », 13 juin 2005.
* 22 Une analyse économétrique récente de l'OFCE.
* 23 Toutefois, un achat immobilier financé par emprunt permet d'éviter les efforts d'épargne préalable nécessaires quand l'achat est autofinancé par le ménage, ce qui a un impact sur le projet de la consommation.
* 24 La dynamique structurelle et l'orientation de la politique budgétaire expliquent le reste de cet écart.