CHAPITRE II - LE CRÉDIT AUX PARTICULIERS : UNE CONTRIBUTION À LA CROISSANCE ÉCONOMIQUE TROP FAIBLE EN FRANCE ?

L' accès des ménages au crédit semble un des déterminants de la croissance économique à travers la mise à disposition des ménages de liquidités qui dynamise leur demande.

Cette relation , qui est l'objet d'un vif débat académique qui a marqué l'histoire de la théorie économique, est complexe , ce qui implique de décrire soigneusement ses enchaînements.

Votre rapporteur observe que la demande de crédit n'est pas seulement influencée par les variables réels ou de prix à la consommation mais dépend aussi des caractéristiques de l'offre (taux d'intérêt, variété des produits accessibles...) de crédit .

En outre, tant que la croissance économique ne bute pas sur ses limites naturelles, il lui paraît que la disponibilité du crédit est en mesure de hausser le rythme de la croissance sous les tensions inflationnistes que décrivent les monétaristes. Les risques macroéconomiques d'un excès de crédit apparaissent, sous cet angle, très faibles en France.

Les risques inflationnistes sont quasiment nuls (d'ailleurs, dans les pays où l'essor du crédit a été le plus spectaculaire, ils ne se sont pas manifestés). L'endettement des Français ne les expose pas à des risques de revenu tant du fait de sa nature (un endettement à taux fixe principalement), qu'en raison de son poids qui est très modéré.

Si l'économie française a tiré parti de ces mécanismes, elle en profite moins qu'elle ne le pourrait et que n'en profitent plusieurs économies étrangères.

On ne doit pas ignorer les risques, autres que macroéconomiques, liés au crédit, mais, il ne faut pas non plus les surestimer .

Certains risques , purement individuels , sont douloureux lorsqu'ils se manifestent ; la prévention du surendettement est justifiée. Mais, les cas de surendettement sont moins la conséquence d'un système de crédit anarchique que d'aléas malheureux. Apprécié globalement, l'endettement des Français est soutenable 14 ( * ) . Le traitement du surendettement ne doit pas déboucher sur une raréfaction du crédit qui, elle, représenterait un risque systémique , par les coûts macroéconomiques et sociaux qu'elle comporte.

Quant aux risques sectoriels , ils apparaissent concentrés sur les effets des crédits immobiliers sur le prix des logements. On ne peut nier la responsabilité de l'essor du crédit sur les variations des prix d'actifs immobiliers. Mais, il ne faut pas pour autant ignorer l'impact favorable de cette revalorisation sur la demande des ménages et la part prise dans la hausse des prix immobiliers par l'inertie de l'offre sur ce marché. Le redémarrage de cette offre, qui est en cours, devrait favoriser une accalmie des prix. Le maintien de conditions monétaires favorables est la clef d'une stabilisation en douceur de ce marché.

I. APERÇUS THÉORIQUES

La théorie économique est loin de s'accorder sur les effets du crédit sur l'économie . Dans les approches classiques, le crédit n'a pas de vertu particulière et peut, au contraire, receler des dangers d'inflation. Dans les théories keynésiennes, il peut permettre de hausser le niveau de la demande et ainsi du PIB.

A. L'APPROCHE CLASSIQUE

Dans le camp des grands classiques , la monnaie est un « voile ». Les monétaristes parviennent aux mêmes conclusions et insistent sur les dangers d'une offre excessive de crédits en termes d'inflation.

Les recommandations de politique monétaire de ces deux « écoles » sont marquées par la prudence : la politique monétaire doit être la plus stable possible ; elle doit distiller des liquidités de façon mesurée, en rapport avec le taux de croissance potentiel, voire effectif, de l'économie ; le taux d'intérêt réel ne doit pas s'écarter de ce taux de croissance.

Appliquées à la situation des ménages, ces approches tendent à alerter sur l'inutilité et même, sur les dangers d'une dispensation de crédits qui suivrait un rythme supérieur à celui du revenu des ménages.

La formulation doctrinale fondatrice de Milton Friedman veut que dans le cas contraire :

l'injection monétaire soit au mieux inutile car la consommation des ménages est entièrement déterminée par leur revenu permanent, c'est-à-dire par les anticipations de revenus qu'ils peuvent former du fait de leur situation individuelle et de la situation globale de l'économie dans laquelle ils s'insèrent ;

soit, au pire, inflationniste et récessive si le crédit dispensé est consommé car alors cette consommation provoque une hausse des prix, qui, à son tour, déclenche une spirale inflation-salaire, une perte de compétitivité, avec, à terme, le retour à un revenu prévisible inférieur à la situation ex ante .

Les approches néo-classiques s'appuient sur deux présuppositions , qui ne sont pas admises par les économistes keynésiens :

il ne saurait exister de déséquilibres sur les différents marchés autres que volontaires ou liés à des rigidités des prix, si bien que toute impulsion sur la demande est incapable de les résoudre ;

les comportements économiques sont ancrés dans la seule économie réelle et les stimulations monétaires (du crédit) ne représentent que des illusions auxquelles il convient de rester insensible.

* 14 Le dernier tableau du chapitre précédent le montre abondamment.

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