TRAVAUX DE LA COMMISSION :
AUDITION CONJOINTE DE M. JEAN PICQ,
PRÉSIDENT DE LA 3ÈME CHAMBRE DE LA COUR DES COMPTES,
MME ISABELLE LEMESLE, PRÉSIDENTE DU FONDS DE SOUTIEN À
L'EXPRESSION RADIOPHONIQUE LOCALE (FSER), M. PATRICK RAUDE, DIRECTEUR DU
DÉVELOPPEMENT DES MÉDIAS DES SERVICES DU PREMIER MINISTRE, M.
NICOLAS CALCOEN, CONSEILLER TECHNIQUE AU CABINET DU MINISTRE DE
L'ÉCONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE, ET M. VINCENT MAZAURIC,
CHEF DU SERVICE DE L'APPLICATION À LA DIRECTION GÉNÉRALE
DES IMPÔTS
Présidence de M. Jean Arthuis, Président
Séance du mercredi 1 er mars 2006
Ordre du Jour
- Audition de M. Jean Picq, président de la 3 ème chambre de la Cour des comptes, Mme Isabelle Lemesle, présidente du fonds de soutien à l'expression radiophonique locale (FSER), M. Patrick Raude, directeur du développement des médias des services du Premier ministre, M. Nicolas Calcoen , conseiller technique au cabinet du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, et M. Vincent Mazauric , chef du service de l'application à la direction générale des impôts.
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La séance est ouverte à 9 heures 40.
M. le président - Madame et Monsieur les présidents, Mesdames et Messieurs les directeurs, mes chers collègues, Mesdames et Messieurs, nous voici à nouveau réunis pour une « audition pour suite à donner » à une enquête réalisée par la Cour des comptes, en application des dispositions de l'article 58-2° de la LOLF.
Il s'agit aujourd'hui d'une enquête sur le Fonds de soutien à l'expression radiophonique locale, le FSER, créé en 1982 pour aider au développement des radios locales associatives alors en pleine croissance.
Près de 600 radios locales associatives à faibles ressources publicitaires bénéficient aujourd'hui d'un dispositif d'aides complet mais complexe, essentiellement constitué, outre des subventions d'installation et des aides à l'équipement, par des subventions de fonctionnement attribuées quasi-forfaitairement en fonction des produits d'exploitation normale et courante des chaînes.
La subvention de fonctionnement peut toutefois être majorée, dans la limite de 60 %, selon les efforts accomplis en matière de formation professionnelle, d'éducation, de culture, de projet radiophonique local, de diversification des ressources, de communication sociale de proximité et d'intégration.
Ces aides sont attribuées par le ministère de la culture et de la communication, sur proposition d'une commission de onze membres, présidée par un magistrat, et constituée de quatre représentants de l'Etat, de quatre représentants des radios associatives et de deux représentants des financeurs, à savoir les régies publicitaires des télévisions et des radios.
Ces régies doivent s'acquitter d'une taxe assise sur la diffusion de leurs messages publicitaires selon un barème progressif, laquelle constitue la principale ressource du fonds dont les dépenses ont atteint 24,2 millions d'euros en 2004.
La demande d'enquête à la Cour des comptes par votre commission des finances, début 2005 avait été motivée par les difficultés apparemment structurelles du fonds, dont les dépenses avaient augmenté en moyenne de plus de 5 % chaque année entre 1994 et 2004 -et même de 8,1 % par an sur la période 1997-2004.
Pour compenser un déséquilibre entre les ressources et les dépenses alors évalué à près de 2,5 millions d'euros, un amendement au projet de loi de finances pour 2005 avait créé de nouvelles tranches d'imposition dans la partie supérieure du barème de la taxe sur la publicité.
Une telle solution d'ajustement des ressources fiscales aux besoins à financer n'est évidemment pas pleinement satisfaisante du point de vue de l'orthodoxie budgétaire, dont votre commission des finances est le gardien vigilant.
Ne fallait-il pas examiner plus précisément la dynamique de la dépense et les procédures d'attribution de subventions ? Certains redevables ne s'acquittaient-ils pas de la taxe, comme nous l'avions bien souvent entendu ?
Telles sont quelques-unes des interrogations qui ont motivé la volonté de la commission des finances d'examiner plus en détail un fonds de soutien, dont l'activité est désormais retracée dans la troisième section du compte d'affectation spéciale « Cinéma, audiovisuel et expression radiophonique locale », et qui a fortement contribué à l'essor d'un secteur très dynamique : les radios locales associatives emploient plus de 2.850 salariés et recourent aux services de plus de 14.000 bénévoles. Les aides du FSER représentent plus du tiers des ressources de ces radios.
La présente audition, conduite selon une procédure désormais bien rodée après réception des rapports de la Cour des comptes, vise à s'assurer des suites concrètes apportées à ces travaux de contrôle. Sans doute le décret en préparation sur la réforme du FSER, sur lequel les différents intervenants pourront-ils nous apporter des éclaircissements, trouve-t-il notamment son origine dans la demande d'enquête formulée l'an dernier par la commission des finances à la Cour des comptes.
Notre collègue Jacques Valade, président de la commission des affaires culturelles, conformément à l'usage d'une étroite association avec nos collègues des affaires culturelles sur l'ensemble de nos sujets d'intérêt commun ayant un impact budgétaire, nous rejoindra peut-être en cours d'audition.
Nous recevons, pour la Cour des comptes, M. Jean Picq, président de la 3 ème chambre et MM. Philippe Rousselot et Fabrice Bakhouche, respectivement conseiller référendaire et auditeur à la Cour des comptes, qui ont instruit l'enquête.
Le FSER est représentée par sa présidente, Mme Isabelle Lemesle, tandis que la Direction du développement des médias, qui assure le secrétariat de la commission du FSER, est représentée par son directeur, M. Patrick Raude, ainsi que par Mme Emmanuelle Bensimon, sous-directeur.
Il nous a paru aussi utile de bénéficier de la participation des services du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie, car la gestion du FSER a suscité de nombreuses questions, qu'il s'agisse de l'évasion fiscale supposée à la taxe sur la publicité de la part de certains contribuables, ou encore de la gestion quotidienne du fonds qui implique nécessairement des décalages entre la perception des ressources et l'engagement des dépenses. Je tiens ainsi à saluer la présence parmi nous de M. Nicolas Calcoen, conseiller technique au cabinet du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, de M. Vincent Mazauric, chef du service de l'application à la direction générale des impôts, ainsi que de M. Gilles Roche, chef de bureau au service de l'application.
Pour encourager le plus large débat en cette enceinte, je demande que les interventions liminaires de la Cour des comptes et de la présidente du FSER, puis, s'ils le souhaitent, de la direction du développement des médias des services du Premier ministre et du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie, se limitent aux observations principales.
Ensuite, je donnerai la parole à notre rapporteur spécial Claude Belot.
Enfin, chaque commissaire, des finances comme des affaires culturelles, qui le souhaitera, pourra librement poser ses questions.
Afin d'inscrire ce débat dans des délais raisonnables, il nous faut donc des interventions liminaires réduites à quelques observations, sachant que l'enquête de la Cour des comptes a déjà été diffusée aux commissaires des finances et des affaires culturelles.
Je rappelle aux membres de la commission des finances que nous aurons ensuite à prendre une décision sur la publication de l'enquête de la Cour des comptes au sein d'un rapport d'information.
Pour commencer, je donne la parole à M. Jean Picq, président de la 3 ème chambre de la Cour des comptes pour présenter les principales conclusions de l'enquête réalisée par la Cour des comptes sur le fonds de soutien à l'expression radiophonique locale.
M. Jean Picq - Merci.
Comme vous en avez exprimé le souhait, je vais concentrer mon intervention sur les principales observations de la Cour.
Ce travail s'inscrit dans le cadre de la loi organique relative aux lois de finances qui prescrit un délai très serré à la juridiction pour répondre à la demande de la Haute Assemblée.
Ce délai a été tenu, mais je tiens à dire qu'il est très court, quand on ajoute au délai d'instruction, la contradiction avec les administrations ici représentées, puis la délibération définitive.
Je rappelle que ce contrôle a conduit la Cour à concentrer ses investigations sur la gestion du fonds de soutien et sur le mécanisme de collecte et de distribution des fonds.
Par conséquent, le contrôle de l'usage des fonds par les radios locales bénéficiaires n'entrait pas dans le mandat de la Cour et aurait d'ailleurs posé un problème de compétences et de disponibilité.
Ce rapport étant destiné à être rendu public, je crois nécessaire d'insister sur les principales observations de la Cour.
La Cour a adopté une démarche classique s'agissant d'un travail d'audit, s'intéressant à la régularité des opérations et des procédures, à l'efficience et à l'efficacité de la gestion du fonds.
D'entrée, je voudrais souligner qu'il n'est pas douteux que le fonds est un succès, si l'on en juge par la couverture géographique et territoriale. Voilà un fonds qui, pour un montant de 23 millions d'euros en 2005, a permis à 600 radios locales de fonctionner sur le territoire national.
J'en viens aux observations de la Cour.
Au titre de la régularité, l'appréciation portée par la Cour est positive. L'examen sur pièces et sur place n'a fait ressortir aucune irrégularité majeure. Les observations figurant dans le rapport sont secondaires.
Il existait toutefois un problème de terminologie, le décret régissant le FSER prévoyant que les comptes des radios font l'objet d'une certification conforme par un expert-comptable, alors qu'un expert-comptable établit les comptes mais ne les certifie en aucune manière.
Je serai plus long sur l'efficience et l'efficacité.
Au titre de l'efficience et de l'efficacité de la gestion du fonds, le rapport relève des difficultés de prévision de la recette. La DGI a fait valoir le secret fiscal, dans le passé, pour ne pas communiquer de données prévisionnelles sur les contributions des régies publicitaires aux services chargés de la prévision de recette.
Toutefois, à la suite du rapport provisoire, la DGI a fait connaître à la Cour qu'elle n'était pas opposée à la transmission de données agrégées et anonymes, pourvu qu'on lui en fasse la demande.
De manière plus conjoncturelle, la Cour a relevé des « trous d'air » dans les encaissements trimestriels, qui peuvent venir d'erreurs dans la manière dont les déclaratifs sont remplis par les régies.
C'est ainsi qu'une régie avait fait figurer les sommes correspondant dans la ligne consacrée à la taxe d'abattage. Cela concernait plus de 500.000 euros.
La DGI procède à un contrôle a posteriori et externe des encaissements, mais ne peut vérifier systématiquement les déclarations des régies contributrices et ne dispose par ailleurs pas d'outils pour garantir qu'aucune régie n'échappe depuis l'origine à la taxe.
Quant aux dépenses, si on laisse de côté les subventions d'installation et d'équipement versées au départ et concernant les projets, elles relèvent à plus de 80 % de la subvention de fonctionnement. Si l'on prend en compte les majorations dont vous avez parlé, il s'agit de 95 %.
Cette subvention est de droit pour les radios associatives et fonction de leurs produits d'exploitation. Le barème est conçu de telle sorte qu'il permet une augmentation continue de la subvention de fonctionnement jusqu'à 199.000 euros de produits d'exploitation, seuil au-delà duquel la subvention diminue fortement.
Ce système a pu conduire les radios à chercher une augmentation de leurs produits de fonctionnement jusqu'au point d'inflexion, afin d'optimiser la subvention qui leur est versée.
La Cour a d'ailleurs relevé deux cas - exceptionnels sans doute - de radios qui ont pu développer à cet effet des activités dont le lien avec l'activité radiophonique est lointaine -salle de sport ou prestations immobilières entre radios.
De surcroît, la subvention de fonctionnement peut être majorée pour des critères précisés dans le rapport -diversification des ressources, formation professionnelle du personnel, actions éducatives et culturelles, efforts dans les domaines de la communication sociale de proximité et de l'intégration, actions collectives en matière de programmes.
Mais, alors que cette majoration pourrait être un instrument de sélectivité, elle ne représente que 13% des dépenses et touche les deux-tiers des radios.
Par ailleurs, elle favorise les radios les plus importantes, puisqu'elle est proportionnelle à la subvention de fonctionnement - entre 10 et 60 % de celle-ci - elle-même calculée en fonction des produits d'exploitation des radios.
Concernant le pilotage du fonds, la Cour a observé que le seul levier sur lequel le FSER peut jouer est le barème de la subvention de fonctionnement ; c'est lui qui permet d'agir sur l'ampleur des tranches et sur le montant des subventions qui correspond à chacune de ces tranches.
Or, les tableaux des pages 60 à 62 montrent qu'on est passé, entre 1997 et 2004, d'un barème « en cloche » à un barème en « marches d'escalier » qui redescend brutalement pour la dernière tranche.
Parallèlement, l'ampleur de la tranche qui correspond à la subvention maximale s'est sans cesse élargie.
Cela explique que le système ait un caractère inflationniste. En 2004, 362 radios, soit 62% du total, percevaient la subvention maximale, contre 112, c'est-à-dire trois fois moins, dix ans plus tôt, soit 23 %.
Une fois ce barème arrêté, une fois par an, le fonds n'a d'autre choix que de verser les subventions aux radios éligibles. Ceci peut conduire à des situations tendues en matière budgétaire.
En 2005 par exemple, alors même que le barème de la taxe a été relevé, la DDM a dû compter sur les encaissements de taxe du dernier trimestre, intervenues fin janvier 2006, pour pouvoir assurer le paiement des subventions de fonctionnement, ainsi que la totalité des majorations.
Cette situation a conduit le FSER à verser une part significative des subventions dues au titre de l'année « n » à la fin du premier trimestre de l'année « n + l », ce qui ne manque évidemment pas d'être critiqué par les radios associatives.
La même difficulté conduit à ce que les majorations tendent à devenir une variable d'ajustement en fonction des crédits disponibles.
Enfin, le système est assez lourd : une commission de onze membres, qui se réunit deux fois par mois, donne un avis au ministre, qui délibère sur l'ensemble des subventions, y compris celles qui sont de droit ; le circuit administratif de dépenses peut générer des délais assez longs -entre 5 et 16 semaines.
Je terminerai cette présentation par deux commentaires.
Ce système est contesté et critiqué. Il l'est d'abord par les régies publicitaires, en particulier celles des télévisions, qui contribuent à près de 81 % du total des recettes et qui acceptent de moins en moins un prélèvement qui a doublé depuis 1993 - on est passé de 11 à 22 millions d'euros aujourd'hui.
Très attentives au fondement juridique de leur contribution, elles n'hésitent pas à engager des contentieux quand elles le peuvent. Elles obtiennent parfois gain de cause quand un arrêté a été oublié.
D'autre part, nous sommes sous l'égide du droit européen de la concurrence ; la Commission européenne exerce donc un contrôle sur le régime de la taxe qui lui est notifiée à l'occasion de chaque modification. Les dernières ont eu lieu en 1997 et 2002.
De leur côté, les radios contestent fréquemment les décisions d'attribution des aides prises par la commission, par la voie d'un recours gracieux ou contentieux.
En 2004, nous avons relevé 27 recours gracieux et 9 recours contentieux. Ceci peut s'expliquer par le fait que les critères de majoration sont d'une interprétation large et que les propositions faites par la commission au titre de la majoration - je pense que la présidente le confirmera - ne sont pas motivées. Ce point est évidemment source de discussions ou de contestations.
C'est, d'autre part, un système difficile à évaluer du fait de l'absence de lien entre les modalités d'attribution des aides et de majoration d'une part, et les résultats quantitatifs obtenus par les radios d'autre part.
L'audience des radios associatives est stabilisée à un niveau parfois très bas, ce qui renforce la mauvaise acceptabilité de la taxe alimentant le fonds de la part des régies publicitaires.
Il n'existe pas de vérification systématique ou régulière de l'emploi des fonds publics par les radios aidées, ni d'évaluation des résultats obtenus par ces dernières.
Le système serait de toute façon, en l'état actuel, difficilement évaluable. Les mesures d'audience sont coûteuses et seraient peu significatives compte tenu du volume de l'audience.
Dans le cadre de la mise en oeuvre de la loi organique relative aux lois de finances, s'agissant de l'action du fonds de soutien, il n'existe pas d'indicateur associé aux crédits du fonds.
En conclusion, je ferai trois remarques.
Tout d'abord, ce dispositif renvoie à un contexte politique très précis et symboliquement fort. Le fonds a été créé en 1982 pour assurer la survie des radios locales récemment libres, tout en interdisant et en limitant, à partir de 1989, leur accès au marché publicitaire. Le 25 ème anniversaire de ces radios sera d'ailleurs fêté au printemps prochain.
C'est un dispositif qui a indiscutablement contribué au maintien et au développement du tissu radiophonique local, même s'il est difficile d'établir un lien de causalité directe.
Le fonds représente plus du tiers des ressources des 600 radios locales. Sa suppression mettrait en grande difficulté la plupart d'entre elles, à l'exception sans doute de celles bénéficiant de ressources propres importantes ou adossées à une collectivité locale.
Enfin, sans que la Cour doive, à ce stade, émettre un avis sur la nature des aides, les observations dont je viens de faire part montrent que des progrès sont sans doute possibles dans la gestion du fonds et pour une meilleure sélectivité.
D'ailleurs, la direction du développement des médias, dans sa réponse à la Cour, a fait connaître qu'elle réfléchissait à une réforme du décret régissant ce fonds.
Je vous remercie.
M. le président - Merci pour cet exposé éclairant.
La parole est à Mme Lemesle.
Mme Isabelle Lemesle - Le constat de la Cour est extrêmement clair et rejoint pour une grande part les constats que la direction du développement des médias et moi-même avons pu faire sur le fonctionnement du fonds, ses mérites et ses imperfections.
Le souhait de réforme du fonds est ancien, mes deux prédécesseurs ayant déjà reçu une lettre de mission du ministre chargé de la communication leur demandant de réfléchir à une réforme règlementaire.
Cette réforme réglementaire est nécessaire, à la fois pour pérenniser le fonds qui, comme l'a relevé la Cour, a permis de structurer le secteur des radios associatives et pour en améliorer l'efficacité.
Pour ce qui me concerne, ces deux dernières années, je me suis attachée, avec la collaboration de la DDM, dans le cadre du texte existant, à améliorer le fonctionnement de la commission et la régularité juridique des décisions prises par le ministère sur sa proposition.
L'amélioration du fonctionnement de la commission a porté notamment sur la part que prennent les suppléants au débat par rapport aux titulaires et surtout sur une clarification de la doctrine de la commission, celle-ci étant extrêmement abondante et indispensable pour comprendre comment procède la commission, notamment en matière de recevabilité des demandes d'aide et d'attribution des majorations de la subvention de fonctionnement.
S'agissant de la sécurité juridique des décisions, relevant qu'un certain nombre de contentieux étaient régulièrement formés par les associations, nous nous sommes efforcés collectivement d'en réduire le nombre. Je crois que nous y sommes parvenus.
Une décision du Conseil d'Etat rendue l'année dernière a apporté des précisions quant aux règles de motivation au regard de la loi de 1979 concernant les majorations de la subvention de fonctionnement.
Jusqu'à présent, ces décisions n'étaient pas motivées et nous avons mis en place, dans le respect du cadre réglementaire existant, un système permettant, de valoriser à hauteur de un ou deux points chacun des cinq critères prévus par le décret, de manière à en déduire une motivation précise éclairant les radios.
En effet, le Conseil d'Etat considère que, dès lors que le ministre n'attribue pas le taux de la majoration maximum prévu par le texte, sa décision doit être motivée.
Nous avons fait un certain nombre de progrès, à textes constants, et nous espérons que le Gouvernement, compte tenu de tout ce qui a été mené en concertation, sera à même de procéder à cette réforme qui reprend certains objectifs exposés par le président Picq.
M. le président - La parole est au ministère du budget.
M. Nicolas Calcoen - Nous partageons largement les conclusions de la Cour des Comptes, notamment le souci d'une bonne gestion du fonds et d'un équilibre dépenses-recettes.
Aujourd'hui, la difficulté réside dans le caractère automatique des dépenses. Une réflexion est en cours pour permettre plus de souplesse et de dynamisme.
C'est sur les barèmes et les types d'aides que l'on peut apporter une réponse et s'assurer que le montant des engagements juridiques sur une année est bien limité à la recette.
C'est dans cet esprit que l'on travaille, dans la perspective d'une réforme du décret.
Concernant le traitement du compte au regard des obligations de la LOLF et notamment de l'absence d'indicateur, le caractère très contraint des dépenses automatiques et les difficultés lors des échanges entre services pour définir des objectifs et des indicateurs pertinents a fait qu'il a été décidé de ne rien retenir pour cette année. Nous avons pour objectif de pouvoir le faire dès le PLF 2007.
M. le président - La parole est à la DGI.
M. Vincent Mazauric - L'obligation de secret fiscal ne permet pas une transparence totale dans le suivi des recettes encaissées, ni dans la prévision des recettes futures entre la DGI et les différents services qui ont la charge de prévoir ces recettes et, dans le cas du fonds, de les employer.
Toutefois, cela n'est pas une impasse et, comme nous l'indiquions à la Cour, nous sommes résolus à le faire. Il est possible, sans difficulté ni entrave au secret fiscal, de donner des indications anonymisées sur la population bien connue des principaux redevables de cette taxe pour en tirer une prévision.
Il reste une limite non juridique mais qui tient à la taille réduite et à l'extrême concentration de la population d'une part et de la taxe d'autre part, sur des échantillons aussi faibles - au total environ 100 redevables. Une douzaine, gérés à la direction des grandes entreprises, concentrent à eux seuls près de 95 % du produit de la taxe.
Sur de tels ordres de grandeur, la prévision n'est jamais assurée. Toutefois, la dynamique de la taxe, sans compter les effets naturels des augmentations du barème qui ont été décidées, ne nous placent pas dans une situation inquiétante. Les recettes de l'exercice 2005 sont d'ailleurs très bonnes et supérieures à la prévision et au vote de la loi de finances initiale.
S'agissant de la surveillance exercée par la DGI, pour 11 redevables actifs dans le secteur de la télévision et de la radio, la gestion se fait en un seul lieu dans notre service qui gère les grandes entreprises.
Nous sommes vigilants. Il est normal, lorsqu'un redevable respecte les obligations fiscales et produit sa déclaration - bien entendu dématérialisée - qu'il n'y ait ni systématiquement ni immédiatement de contrôles, sauf interruption anormale et visible d'une contribution, comme dans le cas, rappelé par le président Picq, d'une entreprise qui s'était trompée de ligne et avait payé la taxe d'abattage pour 539.000 euros à la place de la redevance publicitaire.
Le constat est rassurant. Il n'y a pas d'évasion fiscale de la part des redevables de cette taxe mais il y a - la Cour l'indique - une mauvaise acceptation de la taxe par ses redevables qui, comme c'est normal, tirent argument de toute fragilité ou incertitude juridique susceptible d'affecter la taxe.
Elle a connu plusieurs transformations : un statut parafiscal avant 2003, puis le statut d'une imposition de toute nature, avec une petits hésitation en 2003, avant et après l'avis rendu pas la Commission européenne. Nous avons d'importants contentieux au titre de ces deux états successif de la taxe, dont le total s'élève à 18 millions d'euros.
Cela me semble le signe, sur une population très concentrée - et sans m'avancer à des commentaires au fond - d'une mauvaise acceptation et d'un climat qui n'est pas habituel.
M. le président - Qu'est-ce qui fonde ces contentieux ?
M. Vincent Mazauric - Ceux portant sur la période de parafiscalité remettent en cause la conformité de la taxe parafiscale d'alors au regard notamment des dispositions de l'ordonnance de 1959 portant loi organique relative aux finances publiques. Nous pensons ces contestations peu fondées
S'agissant des contentieux sur la période suivante, en particulier le premier semestre de l'année 2003, il s'agit d'une critique sur la première version de la taxe rénovée par la loi de finances initiale pour 2003, qui est un objet de contestation en droit communautaire. Le dispositif a en effet dû varier s'agissant de son champ territorial entre la première formulation de la taxe et l'avis donné par la Commission européenne.
M. Patrick Raude - Suite au rapport de la Cour et comme nous avions eu l'occasion de l'indiquer, un décret est en cours. Les derniers ajustements interministériels viennent d'avoir lieu et on est sur le point de consulter formellement les parties prenantes sur un avant-projet de texte, avec l'objectif de saisir le Conseil d'Etat d'ici fin mars.
Ce projet prendra en compte les remarques, suggestions ou critiques contenues dans le rapport de la Cour des comptes. Il établira, de manière à apporter une solution juridique et en termes de logique économique, une nouvelle aide sélective qui se substituera à l'actuelle majoration qui faisait l'objet de contentieux sur lesquels les décisions étaient parfois difficiles à défendre.
Dans le cadre de la LOLF, nous avons bien l'intention, avec nos collègues du budget, de prévoir des objectifs et des indicateurs. En fait, on s'est mis en situation de le faire.
S'agissant du fonctionnement et de l'organisation de la DDM sur ces questions, et dans le cadre d'une politique transversale, on est en train de faire des développements pour recourir largement aux télédéclarations et à l'administration électronique pour la gestion du secrétariat de la commission, comme pour offrir aux radios associatives qui le souhaiteront la faculté de télédéclarer leur demande de subvention.
J'espère que les choses seront opérationnelles au cours de l'année 2006.
M. le président - La parole est au rapporteur spécial.
M. Claude Belot, rapporteur spécial - Je voudrais d'abord préciser dans quel esprit ce travail a été demandé. Il ne s'agissait pas bien évidemment, pour commémorer le 25 ème anniversaire de la création des radios libres, de mettre leur existence en cause.
Je voudrais rappeler qu'il y a eu un mouvement de création spontanée dans tous les lieux, puis la création de grands réseaux de radio qui sont devenus des puissances financières considérables, les radios associatives qui n'arriveraient pas à trouver leur équilibre ayant pu être très contentes de se marier avec un réseau qui leur a parfois permis de sortir des difficultés.
Il y a donc en réalité beaucoup plus de radios qui diffusent de l'information locale que les 600 que l'on cite. On peut vraisemblablement multiplier ce chiffre par trois, quatre ou cinq.
La commission a bien conscience que, pour leur part, les radios locales ont voulu conserver une indépendance financière vis-à-vis des forces du mal que représente la publicité. Tout cela couvre un petit créneau de l'expression radiophonique locale.
Notre demande est née de deux constatations. La première réside dans le fait qu'il y a contestation. Les plus grandes régies publicitaires des télévisions se plaignent de devoir contribuer à quelque chose qui ne leur semble pas utile. Ils ne font pas tous le même métier et ont en travers de la gorge une taxation très importante pour certains.
Je suppose que la télévision alimente une grande partie du contentieux, lequel représente 18 millions d'euros. Le fonds étant de 23 millions d'euros, cela représente presque une année complète et l'on pourrait se demander ce qui se passerait si tous ces contentieux étaient perdus pour la puissance publique.
M. le président - Le contentieux ne porte pas sur une seule année.
M. Claude Belot - Bien sûr, mais cela pourrait poser quelques problèmes. Je crois donc qu'il faut essayer de sortir de cette situation contentieuse à la base, où les quelque acteurs, qui se connaissent bien, ne comprennent pas pourquoi les uns sont traités mieux que les autres -à la vérité, moi non plus d'ailleurs ! Or, tout le monde pense bien faire.
C'est une situation qu'il faut clarifier. Je sais qu'une réforme est en préparation et l'on pourra faire quelques suggestions.
Chaque année, la demande étant importante, le fonds a augmenté en moyenne, sur plusieurs années, de 5,1 %, mais la recette, elle, n'aurait cru au fil des ans que de l'ordre de 2 %, en contradiction avec l'esprit de la LOLF.
Il s'agit donc de respecter la nouvelle donne financière et budgétaire du pays et d'essayer de répondre aux contestations qui peuvent exister de la part des contributeurs ou des bénéficiaires.
On trouve dans les déclarations des uns et des autres confirmations de ce que l'on pouvait plus ou moins ressentir.
La base a le sentiment que le fonds est géré d'une manière lointaine, sans critères objectifs.
Ne serait-il pas possible d'avoir une instruction plus locale, de façon à connaître l'audience ? Je sais que c'est difficile, mais il existe des méthodes de sondage. Ne pourrait-on consacrer 1 % du fonds à une estimation de l'audience ?
En second lieu, ne peut-on augmenter le plafond de publicité pour bénéficier des aides ?
M. le président - Il y aurait là un moyen de mesurer l'audience.
M. Claude Belot - Cela donnerait un peu d'aisance et je suis convaincu que cela ne choquerait personne, à commencer par la plupart des bénéficiaires.
Ne pourrait-on pas également favoriser l'aide au projet plutôt que d'attribuer seulement des aides automatiques ? Il y a là un certains nombre de pistes susceptibles de simplifier la gestion du fonds et de calmer les contributeurs, qui se plaignent d'être soumis à des mesures permanentes de médiamétrie.
L'esprit est de mieux assurer les contributeurs et de mettre un peu d'ordre dans tout cela.
M. le président - Ces observations suscitent-elles des réactions ?
Mme Isabelle Lemesle - Une mesure générale avait été faite il y a quelque temps, établissant l'audience moyenne à 2,2 %.
Mettre en place un modèle spécifique pour les radios coûte cher ; le rapport que nous pourrions en tirer me semble disproportionné par rapport au coût.
En revanche, si l'audience devait devenir un critère, elle devrait être mesurée de manière générale.
Après deux ans de présidence du fonds, j'ai un doute sur la pertinence de ce seul critère. Par exemple, eu égard à la mission de communication sociale de proximité conférée à ces radios par la loi de 1986, l'Etat peut trouver pertinent d'aider une radio qui n'a que peu d'auditeurs, mais qui diffuse sur une zone géographique ou sociale difficile. Le critère de l'audience ne peut être appliqué dans l'absolu.
L'intérêt pour l'Etat de venir appuyer financièrement l'action d'une radio locale doit être pondéré par la situation géographique et par la mission sociale de communication de proximité qui est dans la loi.
Quant à l'éventualité d'une appréciation de ces éventuelles subventions par le biais d'autorités déconcentrées, en tant que présidente de la commission, il me paraît important que l'ensemble des propositions de subvention résulte d'un organisme consultatif, associant les financeurs et les bénéficiaires du système d'aide, qui a une vue globale du secteur. Déconcentrer la décision pourrait aboutir à un traitement différent des demandes selon les régions. Le rôle principal de la commission est, en toute transparence, de porter une appréciation sur la qualité du travail effectué par les radios au regard des critères retenus au niveau réglementaire. Nos débats se concentrent donc naturellement aujourd'hui sur la majoration, fondée sur des critères sélectifs - diversification des ressources, action éducative et culturelle, action collective en matière de programme, formation professionnelle et communication sociale de proximité.
La décision relative à la limite du seuil de publicité de 20 % relève de la loi et non du décret. Elle correspond à la vision du paysage radiophonique qui était celle du législateur en 1986.
L'aide aux projets est une des pistes de réflexion sur lesquelles nous avons travaillé dans le cadre du projet de réforme. Aujourd'hui, comme la subvention de fonctionnement, la majoration finance des actions passées et non à venir. J'attire votre attention sur le fait que la commission, comme le ministre, se prononcent exclusivement sur la base des pièces d'un dossier, ce qui me paraît éminemment souhaitable pour un traitement équitable des demandes et préférable à une appréciation « sur le terrain ».
Passer à une logique de projet veut dire que l'on se projette sur ce que les radios feront et non sur ce qu'elles ont fait. Ceci nécessite de nouveaux modes d'appréciation qui restent à élaborer. En tout état de cause, l'Etat, s'il s'orientait dans cette voie, devrait avoir des critères objectifs pour en apprécier la pertinence et mesurer le niveau de son aide, et mettre en place, ce qui est assez lourd, une étape de vérification des engagements pris avant attribution de cette aide.
Ceci est très différent du système actuel. C'est une révolution culturelle pour l'Etat, mais aussi pour les radios, qui se demandent toujours pourquoi elles n'ont pas obtenu la tranche la plus élevée de majoration.
M. Patrick Raude - S'agissant de l'audience, je partage totalement ce que vient de dire la présidente du FSER.
Je voudrais revenir sur les 20 % définis par le législateur. Les radios associatives ne sont pas présentes sur le marché publicitaire - ou très marginalement. Si, demain, après un assouplissement du seuil, elles représentaient une part plus importante, la taxe serait encore moins légitime du point de vue des contribuables actuels.
M. le président - Cela va de soi, mais on aurait un instrument de mesure de l'audience.
M. Patrick Raude - Certes, mais les radios qui payent la taxe en faveur des radios associatives n'ont pas celles-ci comme concurrentes sur le marché publicitaire. Si, demain, les radios associatives peuvent faire davantage de publicité, elles seront concurrentes.
M. le président - C'est une forme d'entente, une mutualisation en quelque sorte.
La parole est au rapporteur général.
M. Philippe Marini, rapporteur général - Sur le plan des principes, ce dispositif est éminemment sympathique : il s'agit de prendre au gros pour donner au plus maigre, au fort pour donner au faible. C'est un dispositif de nature vertueuse.
S'agissant des contentieux communautaire, il existe sans doute des étapes de procédure plus récentes ; j'aurais été heureux que l'on nous en informe et que l'on puisse nous dire, au moins au plan des principes juridiques ou des concepts, les principaux arguments invoqués de part et d'autre.
En ce qui concerne la répartition des aides, les tableaux qui figurent en annexe au rapport de la Cour sont-ils actualisables ?
S'agissant de la typologie quelle est la différence entre la rubrique « radio communautaire » et la rubrique « radio confessionnelle » ?
Dans les critères d'appréciation de la commission ou du fonds, j'ai bien compris qu'une partie relève d'une logique de guichet automatique. Tous ceux qui déposent un dossier ont droit, s'ils sont dans les critères, à une aide au fonctionnement. C'est peut-être là l'aspect le moins vertueux du système.
Une aide complémentaire repose sur une autre série de critères. Vous nous avez dit que l'audience ne pouvait être prise en compte, le processus étant centralisé.
J'ai tendance à penser que l'audience s'apprécie localement, sur le bassin de vie concernée, en tenant compte, bien sûr, de la diversité sociale, géographique, des différents obstacles à la diffusion, etc.
Je ne suis donc pas très réceptif aux arguments indiqués pour ne pas tenir compte de l'audience.
En ce qui concerne la finalité des aides, on serait heureux de connaître - si elle existe - la doctrine de la commission.
Existe-t-il des finalités qui vous semblent plus dignes d'intérêt que d'autres ? De ce point de vue, avez-vous une approche particulière pour les radios communautaires et confessionnelles ?
Enfin, dans la logique de la LOLF, en ce qui concerne le contrôle de l'effectivité de l'aide, la commission reprend-elle systématiquement ou par sondage la liste des attributaires, d'une année sur l'autre, pour poser des questions, savoir si les projets proclamés ont bien été réalisés, si les budgets sont déposés, si tout cela est géré sérieusement ?
Par ailleurs, si l'on imagine que des médias puissent diffuser des messages de nature à troubler l'ordre public, en tient-on compte ex ante ou ex post ?
La logique d'un guichet administratif centralisé cède-t-il le pas à la logique d'une aide plus ciblée, plus réaliste et plus attentive à la réalité quotidienne ?
Mme Isabelle Lemesle - S'agissant de la répartition des aides, je ne connais pas la subtilité sémantique entre « communautaires » et « confessionnelles ». Ce point devra être vérifié. Il me semble que les radios « communautaires » sont, par exemple, les radios « basques » ou « bretonnes ».
M. Patrick Raude - « Communautaires » vise les radios qui s'adressent à une population issue d'un pays donné.
Mme Isabelle Lemesle - Par ailleurs, le caractère automatique procède directement de l'article 80 de la loi de 1986 qui, dans sa rédaction, dispose que les radios ont droit automatiquement à une aide dès lors qu'elles ont été autorisées à émettre par le CSA. Ce n'est ni le travail de la commission, ni même le texte réglementaire, qui ont conduit à cet état de fait et de droit : il résulte directement de la loi. On peut y réfléchir, les choses ayant peut être évolué depuis les années 80, mais c'est une contrainte législative.
Il est exact que cette aide automatique, qui résulte d'un simple calcul fondé sur le montant des produits d'exploitation normale et courante représente 80 % de l'aide de 25 millions d'euros attribuée en 2005. Il est vrai qu'on est un peu là dans une logique de guichet mais, encore une fois, telle a été la volonté du législateur et c'est ce qui a permis de structurer le secteur des radios associatives.
S'agissant du contrôle de l'effectivité de l'aide, on n'est pas dans une logique où une radio présente un projet et reçoit une aide dont on vérifiera ultérieurement l'utilisation. Les subventions sont attribuées au vu des documents relatifs à l'année n-1.
La radio montre ce qu'elle a fait à travers des pièces comptables ou des justificatifs - conventions de partenariat avec une collectivité locale, articles de presse. Les radios revenant année après année, on a une vision de l'évolution de leur travail, sachant que l'appréciation d'une subvention, au regard des textes, doit se faire en fonction des seules pièces justificatives pour l'année considérée.
L'attitude de la commission en cas de message contraire à l'ordre public sur l'antenne est une vraie question que nous nous posons. La commission n'est pas l'autorité de régulation, ni le juge administratif. Elle ne peut se substituer ni à l'un, ni à l'autre.
Lorsque, à partir des pièces du dossier, objectivement, la commission, dans sa majorité, a le sentiment qu'il existe un fonctionnement répréhensible au regard de la loi, nous saisissons, selon la nature de l'action en cause, soit le directeur général du CSA pour l'informer de ce qui ressort des pièces du dossier - à charge pour lui de voir si la faculté de prendre des mesures entre dans la compétence du CSA - soit, plus rarement, le procureur de la République, à qui l'on fait un signalement en cas de manipulation de fonds qui ne nous semble pas conforme à la loi.
M. Philippe Marini - Pourra-t-on avoir des statistiques de ces signalements ?
Mme Isabelle Lemesle - Bien sûr. Les saisines du CSA sont très fréquentes, à peu près trois ou quatre par commission, à charge pour le CSA qui siège d'ailleurs à la commission avec voix consultative, de nous apporter ensuite une réponse. Sur cette base, ou sur celle de mesures juridiques effectives prises par le CSA, la commission peut prendre ou proposer au ministre telle ou telle décision. Les signalements au procureur de la République - Dieu merci - sont moins fréquents, de l'ordre de un à deux par an.
M. Patrick Raude - Les subventions, tout comme la partie recettes, ont fait l'objet d'une notification à la Commission européenne au titre des aides d'Etat. La France a vu ce dispositif approuvé par une décision de la Commission de juillet 2003.
En 2003, il a été proposé une modification de l'assiette de la taxe pour répondre sur le champ de la taxe des régies établies hors de France, condition posée par la Commission pour l'approbation du dispositif.
Il paraît légitime de connaître l'audience des radios associatives qui bénéficient de subventions. La DDM n'y trouve aucune objection, mais il existe un réel souci de coût, les radios associatives n'ayant pas de budget très élevé et les mesures d'audience coûtant cher. Il y a en ce moment dans la presse un débat sur les mesures d'audience des nouvelles chaînes de la TNT ; beaucoup n'y ont pas souscrit, trouvant le coût de celles-ci trop élevé.
Si ces financements étaient pris sur le FSER, on en disposerait d'autant moins pour les projets concrets des radios.
En second lieu, certaines radios associatives n'ont pas pour objectif de faire de l'audience. C'est une question politique.
M. Claude Belot - A quoi servent-elles ?
M. Philippe Marini - A contenter leurs membres !
M. le président - La loi fondatrice fait que chaque radio est un sanctuaire.
Mme Isabelle Lemesle - Le coeur du sujet, c'est la liberté de communication. On la touche très vite du doigt juridiquement. Si le législateur a institué cette aide automatique en 1986, ce n'est pas par hasard. On est dans l'esprit de liberté de communication issu des radios libres des années 1980. On a conservé cet esprit ; il faut l'assumer juridiquement et dans la gestion de l'aide financière.
M. Philippe Marini - La Cour n'a pas répondu sur la classification communautaire-confessionnelle.
M. Jean Picq - Je comprends la question, mais les tableaux de la Cour sont ceux produits par la DDM, qui s'est expliquée sur ces catégories. La Cour a simplement souhaité faire état de la typologie utilisée par le service de régulation.
M. Patrick Raude - Je vous propose de vous préciser par écrit ce qu'il y a derrière cette typologie.
M. le président - Et s'agissant des contentieux ?
M. Vincent Mazauric - Il n'y a pas de contentieux communautaire engagé par la Commission européenne, ni pendant devant la Cour de justice.
Il existe en revanche des contentieux internes basés sur des motifs tirés du droit communautaire. La version de la taxe fiscale votée en 2003, avant d'être réformée par la loi du 1 er août 2003, après intervention de l'avis de la Commission européenne, est-elle tenable ? Avions-nous le droit, même en réduisant le champ en août 2003, de recouvrer les sommes ? C'est le fond du contentieux qui, d'ailleurs, est à nos yeux tout à fait plaidable et défendable pour la puissance publique.
M. le président - La parole est aux commissaires.
M. François Trucy - La question que je voudrais poser à la Cour est peut-être hors du champ de ses préoccupations mais, puisque vous avez analysé le fonctionnement et l'utilisation des fonds par ces radios, quel sentiment éprouvez-vous sur le professionnalisme global de ces institutions nombreuses et très diverses ?
Nous avons connu l'époque des créations et la décantation qui a suivi ; il serait intéressant de porter maintenant une appréciation, si générale soit-elle, sur le degré de professionnalisme et le niveau de qualité.
M. Jean Picq - La Cour s'est intéressée à la gestion du fonds ; elle n'a pas souhaité s'intéresser à la gestion des radios elles-mêmes. Elle n'était d'ailleurs pas compétente pour le faire.
La présidente de la commission a probablement un regard plus précis sur ce dossier.
Au-delà de ce que la Cour a dit, il faut certainement s'interroger sur la façon d'aider ceux qui créent et développent les radios. Or, nous sommes devant un large panel.
Dans la perspective de cette audition, nous avons demandé à un expert de regarder ce qui se passe à l'étranger. On s'aperçoit qu'il n'y a pas de système unique en Europe. Je livre ces informations avec prudence, celles-ci n'ayant pas été soumises à un examen contradictoire au titre du rapport. On nous dit que le système le plus proche du nôtre est le danois ; d'autres pays, comme l'Autriche, l'Italie, l'Espagne, les Pays-Bas, n'ont pas de dispositif de soutien national et considèrent que c'est aux collectivités locales de financer les radios qui se trouvent sur leur territoire.
Il existe d'autres systèmes - en Angleterre, en Irlande, en Allemagne - où on est plutôt orienté vers une aide aux projets, soit par financement, soit par mise à disposition de moyens.
L'enquête que vous avez commandée a déjà initié un certain nombre de travaux permettant de s'assurer qu'il n'y a pas d'évasion fiscale ; le résultat est plutôt encourageant. On nous dit que la DGI, dans le respect de ses obligations fiscales, est disposée à contribuer à une meilleure appréhension des recettes. Les représentants des administrations directement concernées font valoir qu'ils sont attentifs à améliorer le fonctionnement du système et sa sélectivité. Nous sommes donc dans un processus itératif.
La question délicate est en effet de savoir sur quel levier on peut jouer, qui tienne compte à la fois du souci d'égalité, du souci de ne pas changer radicalement de système (au risque sinon d'aboutir à des disparitions de radios) tout en incitant les plus actifs, ceux qui font de la communication sociale de proximité, à se développer.
Une des interrogations que nous avons exprimée, sans pouvoir apporter de réponse parce que notre rôle s'arrêtait là, est de savoir comment le barème peut avoir un effet de levier. Peut-on articuler une réforme qui viserait à inciter, comme cela a été le cas à une époque, ceux qui sont au moment du décollage, et considérer qu'on peut changer de système à un moment de maturité ?
Je n'ai pas de solutions, mais il est dans la logique d'un système qui connaît une certaine réussite d'évoluer à la mesure de ce qu'il a créé.
M. le président - La loi fondatrice n'est pas contemporaine de la LOLF. Il n'est pas sûr qu'au début des années 1980, une tentative de réforme de l'ordonnance organique de 1959 eût été couronnée de succès. Ce sont là deux ambiances, deux contextes différents.
Je souhaiterais connaître la conséquence que vous tirez de cette distinction entre radio libre et radio associative. Qu'est-ce que cela entraîne ?
Mme Isabelle Lemesle - Ce sont deux appellations qui ne sont pas de même nature. Historiquement, le nom de radio libre est le nom qui été donné initialement à des radios qui émettaient sans aucune autorisation. Ceci est resté dans le vocabulaire. Cette notion de liberté qui a été rattachée à la liberté de communication perdure.
Le statut de radio associative est une appréciation juridique. Les radios autorisées en catégorie A par le CSA sont toutes supportées par une structure dont la forme juridique est une association de type loi de 1901. Ce sont deux appellations qui coexistent dans des registres différents.
M. Patrick Raude - Les radios libres de l'époque sont soit devenues des radios associatives, soit des radios indépendantes locales qui se financent sur les ressources du marché, par la publicité, soit, pour certaines, des radios qui ont été intégrées par étapes successives au sein des réseaux radiophoniques nationaux qui se sont constitués au cours des 25 dernières années.
M. le président - Je comprends que la mesure de l'audience est coûteuse et difficile et qu'on aurait probablement du mal à en tirer les conséquences, mais une bonne mesure de l'audience locale ne serait-elle pas une élévation du plafond de publicité et un encouragement au recours au mécénat public ou privé, plutôt que de passer par une solidarité nationale qui oblige à mettre en place un mécanisme assez compliqué et administré ?
M. Patrick Raude - Aujourd'hui, le seuil de 20 % n'est pas saturé. La plupart des radios associatives ont des recettes publicitaires de l'ordre de 5 % de leurs recettes.
M. le président - Ce serait sinon vendre son âme en quelque sorte.
Mme Isabelle Lemesle - C'est une approche politique très particulière. Elles sont financées à un tiers de leur budget par la publicité, mais ne veulent pas avoir de rapports directs avec le monde publicitaire.
M. le président - C'est une hypocrisie insupportable ! Qu'elles puissent à la fois proclamer leur totale indépendance, leur mépris de la publicité et en attendre des ressources avec une médiation suffisante que vous prenez en charge a quelque chose de très hypocrite !
Mme Isabelle Lemesle - Dans le principe, je ne pense pas qu'elles seraient défavorables à une budgétisation de la recette, mais aujourd'hui ce sont les régies publicitaires qui financent le système d'aide et la création d'un compte d'affectation spéciale est pour elle l'assurance que la totalité des fonds perçus leur reviendra.
M. Philippe Marini - Elles seraient favorables à financer cela sur le déficit national, comme tout le monde, dans tout domaine !
Mme Isabelle Lemesle - On est en effet frappé de cette « schizophrénie » dans leurs rapports à la publicité, mais elles ne sont pas particulièrement attachées à un mode de financement qui a fait ses preuves.
Du fait qu'il n'existe aucune obligation sur le minimum de recettes publicitaires, assez peu de radios de catégorie A ont des recettes publicitaires qui représentent plus de 5 % de leur chiffre d'affaires.
M. Claude Belot - Ils vivent dans une solution de facilité. Il suffit de vous écrire pour voir tomber 40.000 euros, qu'on ait ou non une audience !
Je comprends la position des contributeurs qui prétendent que cela ne sert à rien, même si ce n'est heureusement pas souvent vrai. Il faut avoir le courage de dire qu'il existe des choses qui peuvent être changées !
Si on leur donne moins de 40.000 euros, ils seront peut-être obligés de vendre leur âme à la publicité !
M. le président - Je comprends qu'on a là autant de petits sanctuaires auxquels on ne peut toucher et qui ont vocation à percevoir des fonds publics, mais ne peut-on pas faire peut évoluer cette organisation ?
Mme Isabelle Lemesle - C'est l'objet de la réforme sur laquelle nous travaillons, en tenant compte notamment de toutes les remarques faites par la Cour, en concertation avec les représentants des régies et des radios.
Je ne pense pas que l'on puisse dire qu'il suffit de ne rien faire pour avoir 40.000 euros de subventions. En tant que présidente de la commission, je rappelle que les subventions sont assises sur les produits d'exploitation normale et courante, ce qui est le signe incontestable d'une activité réelle.
80 % des radios sont dans les deux dernières tranches les plus élevées du barème. Pour cela, il faut qu'elles aient des recettes importantes constituées, non seulement de la subvention du FSER, mais aussi de toutes les subventions des collectivités territoriales, des recettes communautaires et d'autres recettes publiques, outre les dons, le mécénat et des recettes diverses, la plupart fondées sur des conventions qui constituent de véritables engagements.
Tous ces fonds publics ne sont pas distribués comme autant de « chèques en blanc ». Il existe des engagements contractuels qui contraignent les radios, pour disposer de ces fonds, à réaliser des actions précises.
M. le président - Il existe des radios ultras marines. Sont-elles bien dotées ?
Mme Isabelle Lemesle - Elles sont intervenues dans le dispositif plus récemment. C'est en 2002 qu'on a ouvert le système aux TOM. Le niveau de subvention est donc généralement moins élevé. Beaucoup de dossiers sont irrecevables parce que les DOM-TOM n'ont pas encore de très bons monteurs de dossiers, mais elles ne bénéficient pas d'un traitement différencié par rapport aux radios métropolitaines.
M. le président - Dans les DOM-TOM, on monte plutôt des dossiers de défiscalisation, généralement bien faits.
J'ai beaucoup appris sur ce fonds de soutien aux radios. J'ignorais la manière dont il fonctionnait, et ce en dépit de l'excellent rapport que nous présente chaque année Claude Belot. Je n'étais pas vraiment entré dans ce dispositif et je remercie Claude Belot d'avoir insisté pour que nous demandions à la Cour de diligenter une enquête.
Merci à chacun d'entre vous.
Nous allons devoir nous prononcer sur l'opportunité de publier un rapport, qui reprendra le rapport de la Cour et l'échange de ce matin. La transcription de vos propos vous sera soumise avant d'être publiée.
Je pense que les commissaires seront d'accord à l'unanimité... Il en est donc ainsi décidé.
La séance est suspendue.
La séance est suspendue à 11 heures 20.