ANNEXES
ANNEXE 1 :
COMMUNICATION DE LA COUR DES COMPTES À LA COMMISSION DES FINANCES DU
SÉNAT SUR LES FRAIS DE JUSTICE PÉNALE
ANNEXE 2 :
PRINCIPALES OBSERVATIONS DE LA COUR DES COMPTES : COURRIER DE M. PHILIPPE
SÉGUIN,
PREMIER PRÉSIDENT DE LA COUR DES COMPTES
COMMUNICATION AU PRESIDENT DE LA COMMISSION DES FINANCES, DU CONTROLE BUDGETAIRE
ET DES COMPTES ECONOMIQUES DE LA NATION DU SENAT
ARTICLE 58, 2°, DE LA LOI ORGANIQUE DU
1
ER
AOÛT 2001
RELATIVE AUX LOIS DE
FINANCES
ARTICLES L. 132-4 ET L. 135-5 DU CODE DES JURIDICTIONS
FINANCIÈRES
LES FRAIS DE JUSTICE PENALE |
NOVEMBRE 2005
PAR LETTRE DU 1 ER MARS 2005, LE PRÉSIDENT DE LA COMMISSION DES FINANCES DU SÉNAT A DEMANDÉ À LA COUR DES COMPTES, EN APPLICATION DE L'ARTICLE 58, PARAGRAPHE 2°, DE LA LOI ORGANIQUE DU 1 ER AOÛT 2001 RELATIVE AUX LOIS DE FINANCES, UN CONTRÔLE SUR LES FRAIS DE JUSTICE. LE SECRÉTARIAT DE LA COMMISSION DES FINANCES ET LE SECRÉTARIAT GÉNÉRAL DE LA COUR SONT TOUTEFOIS CONVENUS DE LIMITER LE CHAMP DE L'ENQUÊTE AUX FRAIS DE JUSTICE CRIMINELLE, CORRECTIONNELLE ET DE POLICE, PLUS COMMUNÉMENT APPELÉS FRAIS DE JUSTICE CRIMINELLE OU FRAIS DE JUSTICE PÉNALE.
LA PRÉSENTE ENQUÊTE A ÉTÉ CONDUITE PAR DES QUESTIONNAIRES ET ENTRETIENS AUPRÈS DE LA CHANCELLERIE (DIRECTION DES SERVICES JUDICIAIRES, DIRECTION DE L'ADMINISTRATION GÉNÉRALE ET DE L'ÉQUIPEMENT) ET DU DÉPARTEMENT COMPTABLE DU MINISTÈRE DE LA JUSTICE, PAR LA VÉRIFICATION DE PIÈCES JUSTIFICATIVES DE L'ADMINISTRATION CENTRALE ET D'UN ÉCHANTILLON DE JURIDICTIONS (ANNÉES 2003 ET 2004) 12 ( * ) , ENFIN, PAR UN CONTRÔLE SUR PLACE AU SEIN DE LA COUR D'APPEL DE LYON. CERTAINES DES CONSTATATIONS QUI SUIVENT SONT ISSUES DE L'ENQUÊTE RÉCEMMENT CONDUITE PAR LA COUR SUR LA GESTION DES MOYENS DES PARQUETS JUDICIAIRES.
AU TERME DE SON INSTRUCTION, LA COUR A ADRESSÉ UN RELEVÉ DE CONSTATATIONS PROVISOIRES AU MINISTÈRE DE LA JUSTICE (DIRECTEUR DES SERVICES JUDICIAIRES, DIRECTEUR DE L'ADMINISTRATION GÉNÉRALE ET DE L'ÉQUIPEMENT, DIRECTEUR DES AFFAIRES CRIMINELLES ET DES GRÂCES), AU DIRECTEUR GÉNÉRAL DE LA POLICE NATIONALE, AU DIRECTEUR GÉNÉRAL DE LA GENDARMERIE NATIONALE, AU DIRECTEUR DU BUDGET ET AU CONTRÔLEUR FINANCIER. CERTAINES OBSERVATIONS PROVISOIRES ONT ÉGALEMENT ÉTÉ PORTÉES À LA CONNAISSANCE DU PREMIER PRÉSIDENT DE LA COUR D'APPEL DE LYON ET DU PROCUREUR GÉNÉRAL PRÈS LADITE COUR, AU DIRECTEUR DE LA RÉFORME BUDGÉTAIRE ET AU DIRECTEUR DE LA SÉCURITÉ SOCIALE. APRÈS AVOIR EXAMINÉ LES RÉPONSES QU'ELLE A REÇUES DU SECRÉTAIRE GÉNÉRAL DU MINISTÈRE DE LA JUSTICE, DES CHEFS DE LA COUR D'APPEL DE LYON ET DU DIRECTEUR GÉNÉRAL DE LA POLICE NATIONALE, LA COUR A ARRÊTÉ LES OBSERVATIONS DÉFINITIVES SUIVANTES.
*
REPRÉSENTANT, AVEC 320 MILLIONS D'EUROS DE DÉPENSES EN 2004, UN VOLUME SUPÉRIEUR AU BUDGET DE FONCTIONNEMENT DES JURIDICTIONS (225 M€), LES FRAIS DE JUSTICE PÉNALE ONT ÉTÉ FINANCÉS SUR LA BASE DE CRÉDITS ÉVALUATIFS. CETTE DÉROGATION AU PRINCIPE DU CARACTÈRE LIMITATIF DES CRÉDITS PRENDRA FIN AU 1 ER JANVIER 2006 AVEC LA MISE EN oeUVRE DES DISPOSITIONS DE LA LOI ORGANIQUE DU 1 ER AOÛT 2001. DANS LE NOUVEAU DISPOSITIF, LES CRÉDITS AFFÉRENTS AUX FRAIS DE JUSTICE SERONT FONGIBLES AVEC LES CRÉDITS DE FONCTIONNEMENT DES JURIDICTIONS, VOIRE, DANS LE CADRE DE LA FONGIBILITÉ ASYMÉTRIQUE, AVEC LES DÉPENSES DE PERSONNEL AU SEIN DU PROGRAMME JUSTICE JUDICIAIRE DE LA MISSION JUSTICE.
LES INVESTIGATIONS MENÉES DANS LE CADRE DE LA PRÉSENTE ENQUÊTE ONT MIS EN ÉVIDENCE LA FORTE CROISSANCE DES FRAIS DE JUSTICE, AVEC UNE TENDANCE ACCENTUÉE SUR LA PÉRIODE RÉCENTE.
PLUSIEURS FACTEURS CONCOURENT À CETTE ÉVOLUTION : UNE DEMANDE SOCIALE FORTE EN MATIÈRE D'ÉLUCIDATION DES INFRACTIONS, L'ENTRÉE EN VIGUEUR DE NOMBREUX TEXTES LÉGISLATIFS ET RÉGLEMENTAIRES TENDANT À RENDRE LA PROCÉDURE PLUS COMPLEXE ET À INSTITUER DES DÉPENSES OBLIGATOIRES, L'APPARITION DE TECHNIQUES D'INVESTIGATION COÛTEUSES, NOTAMMENT EN MATIÈRE DE TÉLÉPHONIE ET DE POLICE SCIENTIFIQUE. S'Y AJOUTE, DE LA PART DES PERSONNES HABILITÉES À ENGAGER LES FRAIS DE JUSTICE, UNE VIGILANCE INSUFFISANTE À L'ÉGARD DE DÉPENSES JUSQUE LÀ NON CONTINGENTÉES. LE PASSAGE À UN RÉGIME DE CRÉDITS LIMITATIFS INTERVIENT DONC DANS UN CONTEXTE PEU PROPICE À LA STABILITÉ DES COÛTS ET CARACTÉRISÉ PAR DES PRATIQUES PEU RIGOUREUSES.
I. L'ÉVOLUTION GLOBALE DES FRAIS DE JUSTICE PÉNALE : DES FLUX MAL MAÎTRISÉS
1.1 LA DÉRIVE DES DÉPENSES
AVEC PLUS DE 304 MILLIONS D'EUROS INSCRITS EN LOI DE FINANCES INITIALE POUR 2005 13 ( * ) CONTRE 198 MILLIONS D'EUROS EN 2000, LES FRAIS DE JUSTICE PÉNALE REPRÉSENTENT PRÈS DE 80 % DE L'ENSEMBLE DES FRAIS DE JUSTICE CONTRE 69 % EN 2000. CES CRÉDITS SONT TRADITIONNELLEMENT RETRACÉS À L'ARTICLE 10 (FRAIS DE JUSTICE CRIMINELLE, CORRECTIONNELLE ET DE POLICE) DU CHAPITRE 37-11. UN CHAPITRE 37-30, ARTICLE 30, DÉCRIT DEPUIS 2004 LES CRÉDITS FAISANT L'OBJET D'UNE EXPÉRIMENTATION DE LA LOI ORGANIQUE DU 1 ER AOÛT 2001 (LYON EN 2004, HUIT AUTRES COURS D'APPEL EN 2005) ; S'Y AJOUTE, EN 2005, L'ARTICLE 20 DU CHAPITRE 39-01, QUI CONCERNE LES FRAIS DE JUSTICE PÉNALE AU SEIN DE LA COUR D'APPEL DE LYON.
APPRÉCIÉS NON PLUS EN TERMES DE CRÉDITS MAIS DE DÉPENSES, LES VOLUMES FINANCIERS EN CAUSE ONT CONNU, COMME LE MONTRE LE TABLEAU N° 1 CI-DESSOUS, UNE CROISSANCE PARTICULIÈREMENT VIVE, NOTAMMENT AU COURS DE LA PÉRIODE LA PLUS RÉCENTE.
APRÈS UN DOUBLEMENT ENTRE 1988 ET 1995, LES FRAIS DE JUSTICE ONT PROGRESSÉ À UN RYTHME PLUS CONTENU JUSQU'EN 2001, AVEC UNE AUGMENTATION DES FRAIS DE JUSTICE PÉNALE DE L'ORDRE DE 4,5 % PAR AN 14 ( * ) . CETTE RELATIVE STABILISATION RÉSULTAIT, PARMI D'AUTRES FACTEURS, DE LA VOLONTÉ AFFICHÉE PAR LE MINISTÈRE D'UNE MEILLEURE CONNAISSANCE ET D'UNE UTILISATION PLUS RATIONNELLE DE LA DÉPENSE, NOTAMMENT DANS LE CADRE D'UNE CIRCULAIRE DU GARDE DES SCEAUX DU 16 AVRIL 1996 ET D'UN SYSTÈME DE « BONUS » EN CRÉDITS COMPLÉMENTAIRES DE FONCTIONNEMENT ALLOUÉS AUX COURS D'APPEL AYANT OBTENU LES MEILLEURS RÉSULTATS DANS LA MAÎTRISE DES FRAIS DE JUSTICE.
TABLEAU N° 1 : EVOLUTION DES FRAIS DE JUSTICE PÉNALE 1995-2004 (EN M€)
CHAPITRE 37-11, ARTICLE 10 |
1995 |
2000 |
2001 |
2002 |
2003 |
2004 |
Ä 04/00 |
INDEMNITÉS PAYÉES AUX JURÉS |
7,7 |
10,2 |
12,1 |
13,3 |
14 |
15,2 |
+ 49 % |
INDEMNITÉS ET FRAIS PAYÉS AUX MÉDIATEURS DU PROCUREUR CHARGÉS D'UNE MISSION DE MÉDIATION |
2,6 |
8,3 |
8,3 |
8 |
8,1 |
9 |
+ 8 % |
HONORAIRES ET INDEMNITÉS ACCORDÉS AUX INTERPRÈTES |
3 |
5,1 |
5,7 |
7,5 |
9,8 |
11 |
+ 116 % |
EMOLUMENTS ET INDEMNITÉS ALLOUÉS AUX HUISSIERS |
14,7 |
15,1 |
14,2 |
14,4 |
15,8 |
16,9 |
+ 12 % |
FRAIS POSTAUX EN MATIÈRE PÉNALE |
9,8 |
12,3 |
13 |
12,7 |
13,3 |
15,1 |
+ 23 % |
FRAIS DE SAISIE OU DE MISE EN SÉQUESTRE OU EN FOURRIÈRE, SCELLÉS |
7,4 |
15,3 |
12,1 |
12,7 |
14,7 |
19,8 |
+ 29 % |
FRAIS DE RÉQUISITIONS FRANCE TÉLÉCOM |
15,5 |
12,7 |
11,7 |
13,6 |
18,7 |
23,4 |
+ 84 % |
FRAIS DE LOCATION DE MATÉRIELS D'INTERCEPTION |
5,4 |
5,7 |
7,1 |
9,7 |
12,4 |
17,5 |
+ 207 % |
HONORAIRES ET INDEMNITÉS ALLOUÉS POUR DES EXAMENS PSYCHIATRIQUES, MÉDI-CO-PSYCHOLOGIQUES OU PSYCHOLOGIQUES |
8 |
12,3 |
12,9 |
14 |
15,6 |
17,3 |
+ 41 % |
HONORAIRES ET INDEMNITÉS ALLOUÉS POUR DES EXAMENS TOXICOLOGIQUES, BIOLOGIQUES OU RADIOLOGIQUES |
5,2 |
10,8 |
11,8 |
14,5 |
20,2 |
27,8 |
+ 157 % |
HONORAIRES ET INDEMNITÉS ALLOUÉS POUR AUTRES EXAMENS MÉDICAUX |
12,9 |
20,9 |
21 |
21,7 |
26,6 |
32 |
+ 53 % |
EXPERTISES NON TARIFÉES |
13,5 |
16,9 |
18,2 |
19,6 |
23,1 |
25,4 |
+ 50 % |
FRAIS DE RÉQUISITIONS ADRESSÉES AUX OPÉRATEURS DE TÉLÉCOMMUNICATIONS AUTRES QUE FRANCE TÉLÉCOM |
0 |
2,9 |
5 |
12,5 |
22,8 |
42,5 |
+ 1365% |
AUTRES DÉPENSES SANS ORDONNANCEMENT |
26,8 |
25,2 |
26,5 |
28,5 |
31,1 |
40,7 |
+ 62 % |
DÉPENSES AVEC ORDONNANCEMENT MÉTROPOLE |
8,3 |
5,2 |
3,6 |
4,8 |
5,3 |
6,6 |
+ 27 % |
TOTAL ARTICLE 10 |
140,7 |
178,9 |
183,2 |
207,5 |
251,5 |
320,2 |
+ 79 % |
SOURCE : MINISTÈRE DE LA JUSTICE
[ONT ÉTÉ RETENUS LES PARAGRAPHES RETRAÇANT DES DÉPENSES SUPÉRIEURES À 6 M€. LES AUTRES PARAGRAPHES ONT ÉTÉ REGROUPÉS SOUS LA RUBRIQUE « AUTRES DÉPENSES SANS ORDONNANCEMENT », QUI COMPREND NOTAMMENT LES INDEMNITÉS ACCORDÉES AUX TÉMOINS ET PARTIES CIVILES, LES FRAIS DE TRADUCTION, LES ENQUÊTES SOCIALES OU DE PERSONNALITÉ, LES MÉDIATEURS ET LE CONTRÔLE JUDICIAIRE.]
AU CONTRAIRE, UNE FORTE ACCÉLÉRATION A MARQUÉ LES ANNÉES 2002 (+ 13,3 %), 2003 (+ 21,2 %) ET 2004 (+ 27,1 %). DANS CERTAINS RESSORTS, L'AUGMENTATION A DÉPASSÉ 40 %. PARMI LES POSTES SIGNIFICATIFS, LES HAUSSES LES PLUS RAPIDES CONCERNENT LES RÉQUISITIONS DES OPÉRATEURS DE TÉLÉCOMMUNICATIONS (+ 59 % EN 2003 PUIS 2004), LA LOCATION DE MATÉRIELS D'INTERCEPTION TÉLÉPHONIQUE (+ 27 % EN 2003, + 41 % EN 2004) ET LES EXAMENS TOXICOLOGIQUES ET BIOLOGIQUES (+ 39 % EN 2003, + 38 % EN 2004).
LES DÉPENSES LIÉES AUX OPÉRATEURS DE TÉLÉCOMMUNICATIONS CONNAISSENT UNE ÉVOLUTION APPAREMMENT INCONTRÔLÉE : POUR FRANCE TÉLÉCOM, LES AUGMENTATIONS ANNUELLES DÉPASSENT 16 % EN 2002, 37 % EN 2003 ET 26 % EN 2004 ; POUR LES AUTRES OPÉRATEURS, LES HAUSSES SONT DE L'ORDRE DE 150 % EN 2002, 82 % EN 2003 ET 87 % EN 2004. POUR LA LOCATION DES MATÉRIELS D'INTERCEPTION, LES PROGRESSIONS AU COURS DES MÊMES ANNÉES SONT DE 37 %, 27 % ET 41 %. AU TOTAL, LES FRAIS RELATIFS À LA TÉLÉPHONIE REPRÉSENTENT DÉSORMAIS PLUS DE 21 % DES FRAIS DE JUSTICE PÉNALE, CONTRE 11 % EN 1995.
SI, EN SENS INVERSE, L'ÉVOLUTION DE CERTAINS POSTES (MÉDIATIONS, HUISSIERS, FRAIS POSTAUX) EST PLUS CONTENUE, LES FRAIS DE JUSTICE PÉNALE CONNAISSENT GLOBALEMENT UNE HAUSSE TENDANCIELLE QUI DÉPASSE 20 % PAR AN.
1.2 UNE INFORMATION PARTIELLE
DANS SON RÉFÉRÉ AU GARDE DES SCEAUX DU 13 JUILLET 1991 RELATIF AUX FRAIS DE JUSTICE, LA COUR DES COMPTES AVAIT NOTAMMENT CONSTATÉ LE CARACTÈRE « TRÈS EMBRYONNAIRE » DE L'ORGANISATION MISE EN PLACE À LA CHANCELLERIE ET DANS LES TRIBUNAUX POUR SUIVRE LES FRAIS DE JUSTICE, EN PARTICULIER DANS LE DOMAINE STATISTIQUE.
UN RÉEL EFFORT A ÉTÉ CONSENTI DEPUIS CETTE DATE POUR AMÉLIORER L'INFORMATION DU MINISTÈRE ET DES JURIDICTIONS. AUX TERMES DE LA CIRCULAIRE DU 16 AVRIL 1996 PRÉCITÉE, CHAQUE COUR D'APPEL EST TENUE DE PRÉSENTER À LA DIRECTION DES SERVICES JUDICIAIRES UN RAPPORT SEMESTRIEL SUR L'ÉVOLUTION DE LA DÉPENSE PÉNALE DANS SON RESSORT. LA CHANCELLERIE SUIT PAR AILLEURS L'ÉVOLUTION DE LA DÉPENSE AU NIVEAU NATIONAL, PAR NATURE DE FRAIS, SUR LA BASE DES DONNÉES COMMUNIQUÉES MENSUELLEMENT PAR L'AGENCE COMPTABLE CENTRALE DU TRÉSOR (ACCT).
SI LES OBLIGATIONS MISES À LA CHARGE DES COURS D'APPEL SONT DANS L'ENSEMBLE RESPECTÉES, LES PROGRÈS AINSI ENREGISTRÉS DEMEURENT INSUFFISANTS.
EN PREMIER LIEU, L'INFORMATION EN PROVENANCE DES JURIDICTIONS EST PARFOIS TARDIVE, COMPTE TENU DES LONGS DÉLAIS DE TRANSMISSION DES RAPPORTS ÉMANANT DE CERTAINES COURS D'APPEL.
ELLE EST, EN DEUXIÈME LIEU, SOUVENT APPROXIMATIVE, LES CHIFFRES ÉMANANT DES COURS D'APPEL POUVANT DIFFÉRER SENSIBLEMENT DES DONNÉES DE LA DIRECTION GÉNÉRALE DE LA COMPTABILITÉ PUBLIQUE. POUR LES FRAIS DE JUSTICE CRIMINELLE, DES ÉCARTS DE PLUS DE 20 % ONT AINSI ÉTÉ ENREGISTRÉS ENTRE LES CHIFFRES DE CERTAINES COURS D'APPEL ET LES CHIFFRES DE L'ACCT.
EN TROISIÈME LIEU, LE DOUBLE SYSTÈME DE RECUEIL PAR LA CHANCELLERIE DES DONNÉES DES COURS D'APPEL ET DE L'ACCT REPOSE SUR LA CONSOLIDATION SEMESTRIELLE DES PAYEMENTS EFFECTUÉS PAR LES RÉGIES ET DES ORDONNANCES DE PAYEMENT DE L'ADMINISTRATION CENTRALE. IL S'AGIT DONC D'UN SUIVI DES DÉCAISSEMENTS, QUI NE PERMET EN RIEN D'APPRÉHENDER LE MONTANT DES DÉPENSES ENGAGÉES NI MÊME DES CHARGES ÉCHUES.
EN QUATRIÈME LIEU, LA NOMENCLATURE DES FRAIS DE JUSTICE CRIMINELLE EST PEU ADAPTÉE AU PILOTAGE ET AU SUIVI STATISTIQUE DE CES DÉPENSES. LES TABLEAUX DE BORD SEMESTRIELS SONT PARTICULIÈREMENT LOURDS À ALIMENTER, AVEC UNE NOMENCLATURE COMPORTANT VINGT-CINQ PARAGRAPHES (PLUS UNE RUBRIQUE « AUTRES FRAIS »), DONT ONZE ONT REPRÉSENTÉ EN 2004 UNE DÉPENSE INFÉRIEURE, POUR LA FRANCE ENTIÈRE, À 4 M€. EN SENS INVERSE, CERTAINES RUBRIQUES APPARAISSENT TROP GLOBALES (« EXAMENS PSYCHIATRIQUES, MÉDICO-PSYCHOLOGIQUES OU PSYCHOLOGIQUES », « EXAMENS TOXICOLOGIQUES, BIOLOGIQUES OU RADIOLOGIQUES ») OU IMPRÉCISES (« AUTRES EXAMENS MÉDICAUX », « AUTRES FRAIS ») ET NE SE PRÊTENT PAS, FAUTE D'UNE APPROCHE PLUS FINE, AUX ÉTUDES D'IMPACT ET AUX SIMULATIONS QU'APPELLERAIENT LES PROJETS DE RÉFORME DU DROIT PÉNAL OU DE LA PROCÉDURE PÉNALE.
DANS CES CONDITIONS, LES STATISTIQUES DE DÉPENSES N'ONT AU MIEUX QU'UNE VALEUR INDICATIVE. LES VARIATIONS ERRATIQUES ENREGISTRÉES D'UN SEMESTRE À L'AUTRE, VOIRE D'UNE ANNÉE À L'AUTRE, SONT PRIVÉES DE SIGNIFICATION 15 ( * ) . AU SURPLUS, IL EST REGRETTABLE QUE LA CHANCELLERIE AIT LIMITÉ LES STATISTIQUES À L'INDICATION DE LA DÉPENSE GLOBALE, SANS QUE SOIENT DISTINGUÉES LA VOLUMÉTRIE ET L'ÉVOLUTION DU COÛT UNITAIRE DES PRESTATIONS. SELON LE MINISTÈRE DE LA JUSTICE, L'ABSENCE DE DONNÉES SUR LES VOLUMES D'ACTES S'EXPLIQUERAIT, OUTRE LES IMPERFECTIONS DE LA NOMENCLATURE BUDGÉTAIRE DÉJÀ ÉVOQUÉES, PAR L'HÉTÉROGÉNÉITÉ DES LOGICIELS INFORMATIQUES QUI ÉQUIPENT LES RÉGIES DES JURIDICTIONS. CETTE SITUATION EST D'AUTANT PLUS REGRETTABLE QUE DE TELLES INDICATIONS SERAIENT PRÉCIEUSES EN MATIÈRE D'ANALYSE, D'ANTICIPATION DE LA DÉPENSE ET DANS LA RECHERCHE D'ÉCONOMIES À OBTENIR SUR CERTAINS ACTES. UN RENFORCEMENT DES MOYENS STATISTIQUES, NOTAMMENT INFORMATIQUES, DONT SONT DOTÉES LES RÉGIES DES JURIDICTIONS, APPARAÎT COMME LE PRÉALABLE NÉCESSAIRE À UNE POLITIQUE DE MAÎTRISE DES COÛTS.
1.3 L'INSINCÉRITÉ DES DOTATIONS BUDGÉTAIRES
QUOIQUE CES CRÉDITS AIENT JUSQU'À PRÉSENT REVÊTU UN CARACTÈRE ÉVALUATIF, LE MONTANT DES DOTATIONS AFFÉRENTES AUX FRAIS DE JUSTICE EST INSCRIT DANS LA LOI DE FINANCES INITIALE. POUR LA SINCÉRITÉ DE LA PRÉSENTATION BUDGÉTAIRE, IL EST IMPORTANT QU'IL SOIT ESTIMÉ AUSSI PRÉCISÉMENT QUE POSSIBLE. L'ESTIMATION DES CRÉDITS REPOSE ACTUELLEMENT SUR DEUX ÉLÉMENTS : LA PRISE EN COMPTE DE L'ÉVOLUTION TENDANCIELLE DE LA DÉPENSE ET LA MESURE DE L'IMPACT DE RÉFORMES LÉGISLATIVES OU RÉGLEMENTAIRES INTERVENUES OU ENVISAGÉES.
OR, CES DEUX PARAMÈTRES SONT RELATIVEMENT MAL MESURÉS PAR LES SERVICES DE LA CHANCELLERIE : L'ANALYSE TENDANCIELLE REVÊT UN CARACTÈRE LARGEMENT EMPIRIQUE EN L'ABSENCE DE DONNÉES VOLUMÉTRIQUES SUR LE NOMBRE DES AFFAIRES PAR TYPE DE PRESCRIPTION (VOIR CI-DESSUS) ; L'AMPLEUR ET LA FRÉQUENCE DES RÉFORMES DU DROIT PÉNAL ET DE LA PROCÉDURE PÉNALE AU COURS DE LA PÉRIODE RÉCENTE, AINSI QUE LES LIMITES DES STATISTIQUES EXPLOITABLES ONT RENDU TRÈS ALÉATOIRE LA MESURE DE L'INCIDENCE DE CES TEXTES, D'AUTANT QUE, COMME IL A ÉTÉ EXPOSÉ CI-DESSUS, LA NOMENCLATURE DES FRAIS DE JUSTICE S'Y PRÊTAIT MAL.
EN CONSÉQUENCE, IL A ÉTÉ CONSTATÉ SUR LA PÉRIODE RÉCENTE, COMME LE MONTRE LE TABLEAU N° 2, UNE DISTORSION CROISSANTE ENTRE LES CRÉDITS INSCRITS EN LOI DE FINANCES INITIALE, LES DOTATIONS FINALES ET LES DÉPENSES DE L'EXERCICE. SI, JUSQU'EN 2002, LES CRÉDITS OUVERTS EN LOI DE FINANCES INITIALE PERMETTAIENT DE FINANCER LA TOTALITÉ DES DÉPENSES DE L'EXERCICE, CE N'EST PLUS LE CAS DEPUIS 2003.
CETTE DIFFÉRENCE RÉSULTE, À L'ÉVIDENCE, D'UNE SOUS-ESTIMATION IMPORTANTE DES DÉPENSES EN LOI DE FINANCES INITIALE, LES CRÉDITS AYANT ÉTÉ INSCRITS EN 2004 ET 2005 À UN NIVEAU SENSIBLEMENT INFÉRIEUR À CELUI QUE L'ON POUVAIT RAISONNABLEMENT ATTENDRE COMPTE TENU DE LA DYNAMIQUE DES DÉPENSES. L'INSINCÉRITÉ DU BUDGET EST ENCORE PLUS MARQUÉE POUR LES SEULS FRAIS DE JUSTICE PÉNALE : AINSI, EN 2004, LES CRÉDITS INITIAUX ONT ÉTÉ FIXÉS AU NIVEAU DES CRÉDITS DE L'EXERCICE 2003, ALORS MÊME QUE LE MINISTÈRE ANTICIPAIT UNE HAUSSE DE 56 M€, QUI A D'AILLEURS ÉTÉ DÉPASSÉE EN EXÉCUTION PUISQUE L'AUGMENTATION DES DÉPENSES A ÉTÉ FINALEMENT DE PRÈS DE 90 M€ SUR L'ANNÉE.
IL EN RÉSULTE, DEPUIS TROIS ANS, UN ÉCART CROISSANT ET PRÉOCCUPANT ENTRE LES CRÉDITS OUVERTS AU CHAPITRE 37-11 ET LES DÉPENSES DE L'EXERCICE : 3,4 M€ EN 2003, 61 M€ EN 2004 (DONT 56 MILLIONS AU SEUL TITRE DES FRAIS DE JUSTICE CRIMINELLE) ET UNE ESTIMATION DE L'ORDRE DE 140 M€ EN 2005, SOIT PLUS DU 40 % DE LA DOTATION INITIALE.
TABLEAU N° 2 : EVOLUTION DES CRÉDITS ET DES DÉPENSES 2003-2005 (EN M€)
CHAPITRE 37-11 |
2003 |
2004 |
2005 |
DOTATION N-1 |
293,2 |
314,4 |
327,1 |
DOTATION DEMANDÉE |
311,2 |
373,5 |
524 |
LOI DE FINANCES INITIALE |
310,1 |
338,1 |
358,1 |
DOTATION FINALE (CRÉDITS OUVERTS) |
338,1 |
357,8 |
378 (1) |
DÉPENSES |
341,5 |
419 |
DÉPASSEMENT ESTIMÉ À 140 M€ (1) |
(1) DONNÉES PROVISOIRES AU 1 ER OCTOBRE 2005.
SOURCE : MINISTÈRE DE LA JUSTICE ET ACCT.
ON RELÈVERA QUE LA DIRECTION DU BUDGET N'A PAS CONTESTÉ L'ANALYSE DE LA COUR CONCERNANT L'INSINCÉRITÉ DU BUDGET DES FRAIS DE JUSTICE.
S'IL A EU JUSQUE LÀ PEU D'INCIDENCE EN RÉGIME DE CRÉDITS ÉVALUATIFS, LE CARACTÈRE INSINCÈRE DES PRÉVISIONS BUDGÉTAIRES POURRAIT EMPORTER DES CONSÉQUENCES TRÈS PRÉOCCUPANTES AVEC LE CARACTÈRE DÉSORMAIS LIMITATIF, POUR LE PROGRAMME JUSTICE JUDICIAIRE, DES CRÉDITS OUVERTS PAR LA LOI DE FINANCES INITIALE, SURTOUT DANS UN CONTEXTE DE FORTE HAUSSE DES DÉPENSES : LES FRAIS DE JUSTICE PÉNALE ONT REPRÉSENTÉ EN 2004 PLUS DE 14 % DU BUDGET DES SERVICES JUDICIAIRES. COMPTE TENU DE SON AMPLEUR, LA SOUS-DOTATION QUI AFFECTE LE BUDGET CONSACRÉ AUX FRAIS DE JUSTICE POUR 2005 POURRAIT ENTRAÎNER DES DÉPASSEMENTS DE CRÉDITS QUI, POUR AUTANT QU'ILS PUISSENT ÊTRE FINANCÉS PAR SIMPLE REDÉPLOIEMENT, ABSORBERAIENT L'ESSENTIEL DES MARGES DE MANoeUVRE DU PROGRAMME ET POURRAIENT COMPROMETTRE LE FONCTIONNEMENT DES JURIDICTIONS.
* 12 Tribunaux de grande instance de Bar-le-Duc, Bourg-en-Bresse, Libourne, Toulon et Tours, cours d'appel de Douai et Rennes, déjà inclus dans le cadre d'une enquête récente de la Cour sur les moyens des parquets judiciaires.
* 13 173,8 M€ au chapitre 37-11, article 10 (frais de justice criminelle), 89,8 M€ au chapitre 37-30, article 30 (expérimentations locales, frais de justice, qui englobe l'ensemble de ces dépenses au sein de sept cours d'appel concernées et non les seuls frais de justice pénale), 40,9 M€ au chapitre 39-01, article 20 (cour d'appel de Lyon).
* 14 Hausse de 30 % sur six ans, avec + 2 % en 1996, + 11,6 % en 1997, + 7,2 % en 1998, - 1,7 % en 1999, + 6 % en 2000 et + 2,4 % en 2001.
* 15 Bien souvent, les tribunaux n'exigent pas de leurs prestataires, pour les réquisitions à exécution successive, l'envoi périodique de mémoires. Aucune dépense n'est alors constatée jusqu'au terme de la prestation. Ainsi une juridiction de l'importance du tribunal de grande instance de Tours n'a réglé, en 2002, que 0,3 M€ de frais de gardiennage, contre plus de 22 M€ l'année précédente, non à la suite d'une politique énergique de réduction des mises en fourrière ou sous scellés mais du fait de l'absence de toute facture, aucun véhicule n'ayant été restitué au cours de l'année.