B. VERS UNE INTERCOMMUNALITÉ RATIONALISÉE
La loi du 12 juillet 1999 remodèle le paysage intercommunal sur la base des objectifs de la loi de 1992, mais en introduisant une hiérarchie démographique. Les grands ensembles urbains d'au moins 500.000 habitants sont appelés à structurer autour de la communauté urbaine , les territoires urbains d'au moins 50.000 habitants autour de la communauté d'agglomération et les autres territoires et plus particulièrement les territoires ruraux peuvent s'unir au sein d'une communauté de communes , structure qui en 1999 avait déjà fait ses preuves et coexistait harmonieusement avec les syndicats de communes traditionnels.
L'autre grande nouveauté introduite par la loi de 1999 est l'incitation financière et fiscale : en effet, pour encourager la création d'EPCI à fiscalité propre et développer le maillage intercommunal, la loi propose des avantages fiscaux et financiers, et plus particulièrement aux EPCI qui adoptent la taxe professionnelle unique (TPU). Relevons que le Sénat, qui a voté la loi du 12 juillet 1999, l'a fait après avoir obtenu un rééquilibrage entre les « communautés d'agglomération », nouvelles structures intercommunales privilégiées par le texte initial et encouragées par une dotation financière élevée, d'une part, et les communautés de communes, destinées au milieu rural que le Sénat a également veillé à doter de garanties financières, d'autre part.
1. Le cadre juridique de l'intercommunalité
Un établissement public de coopération intercommunale (EPCI) est une personne morale de droit public qui est créée par l'Etat et qui tire son pouvoir de l'acte juridique de délégation de compétences par les communes-membres qui le composent : il n'a donc pas la compétence de ses compétences. Cependant, une fois l'EPCI constitué, ses organes administratifs sont indépendants (son assemblée délibérante dispose d'un pouvoir de décision autonome). L'EPCI dispose d'un budget propre et gère un personnel administratif qui dépend de lui.
L'EPCI jouit également de l'indépendance patrimoniale dans le sens où il est propriétaire de biens meubles et immeubles nécessaires à l'exercice de ses compétences ; il peut aussi n'en avoir que l'usage par convention.
L'EPCI obéit au double principe de spécialité fonctionnelle et territoriale et d'exclusivité. L'EPCI obéit au principe de spécialité : à la différence d'une collectivité territoriale, il ne dispose pas d'une vocation générale sur son territoire. Il exerce à la place des communes qui le composent, les compétences qu'elles lui ont transférées, soit de manière obligatoire, conformément à la loi, soit de leur propre gré. Le législateur a donc bien souhaité clairement délimiter le champ d'intervention de l'EPCI. En contrepartie, l'EPCI est assuré du respect par les communes du principe d'exclusivité : la compétence une fois transférée est exclusivement exercée par l'EPCI.
Enfin, son organe délibérant n'est pas élu mais composé de délégués élus par les communes-membres composant l'EPCI. Il faut souligner que la commune conserve un droit de rappel sur l'organe délibérant de l'EPCI, puisque l'article L. 2121-33 permet à un conseil municipal de procéder à tout moment au remplacement de ses délégués.
Jusqu'à la loi de 1999, certains EPCI (syndicats, districts ou communautés de communes) pouvaient élire « tout citoyen réunissant les conditions requises pour faire partie d'un conseil municipal ». Il ne s'agissait donc pas forcément de conseillers municipaux. En revanche, les EPCI plus intégrés : communautés urbaines et communautés de villes, devaient obligatoirement recourir à des conseillers municipaux.
Le débat à l'occasion de la loi de 1999 a montré que la notion de représentation indirecte, encore intangible, était cependant en profonde évolution. En effet, la place prise par l'intercommunalité dans l'exercice des compétences dévolues aux communes, tendant à renforcer l'intégration institutionnelle, joint au rôle de plus en plus intégrateur de la fiscalité, ont ouvert le débat sur la légitimité démocratique de l'organe délibérant des EPCI. L'EPCI gère en effet un budget important et il lève l'impôt.
La discussion parlementaire en 1999, partagée entre les partisans d'une vision à terme supra-communale des EPCI et les partisans d'une intercommunalité devant respecter la légitimité communale, a pris le parti de reporter à plus tard le débat sur l'élection des instances communautaires au suffrage universel direct. Mais si le principe de représentation indirecte est resté intangible, la loi a fait une avancée importante en posant qu'à compter du renouvellement des conseils municipaux de mars 2001, les délégués communautaires d'une commune-membre d'un EPCI autre qu'un syndicat ou un syndicat d'agglomération nouvelle, devaient obligatoirement être élus parmi les conseillers municipaux de ladite commune. C'est une étape symbolique vers une représentation toujours plus exacte des communes dans l'EPCI et une façon de renforcer le lien entre EPCI et les communes.
La question de l'élection au suffrage universel direct des conseillers communautaires, désormais entrée dans une phase publique, fait l'objet d'un débat sur lequel ce rapport reviendra.
2. L'aménagement du principe de la libre association
Il a été déjà dit que 1959 marquait un tournant dans l'histoire de l'intercommunalité puisque la règle de l'unanimité nécessaire pour la création d'un EPCI cédait la place à celle de la majorité qualifiée. Il est intéressant de remarquer à ce propos que la partie du Code général des collectivités territoriales (CGCT) consacrée à la coopération intercommunale s'ouvre avec l'article L. 5210-1 qui est ainsi rédigé :
« Le progrès de la coopération intercommunale se fonde sur la libre volonté des communes d'élaborer des projets communs de développement au sein d'un périmètre de solidarité » .
Ainsi se trouve posé au départ un principe général de libre association, principe auquel il est presque aussitôt dérogé par l'institution de la règle de la majorité qualifiée nécessaire pour la création d'un EPCI.
En effet, pour qu'un EPCI puisse être créé, il n'est pas obligatoire que toutes les communes du périmètre arrêté acceptent d'en être membre, il suffit que deux tiers au moins des conseils municipaux des communes intéressées représentant plus de la moitié de la population totale de celles-ci ou encore la moitié au moins des conseils municipaux des communes représentant les deux tiers de la population y soient favorables. En clair, des communes qui ne le souhaitent pas peuvent cependant se retrouver enrôlées de force dans un EPCI.
On mesure certes que la majorité qualifiée (qui s'assortit aussi, selon les cas, de la nécessité de comprendre la ville-centre ou la commune dont la population compte plus du quart de la population totale du futur EPCI) s'accompagne d'une pondération démographique importante. Cependant le recours à la majorité qualifiée traduit le fait que pour le législateur, le projet intercommunal doit s'appliquer avec volontarisme et une certaine dose de coercition. Il convient en effet d'avancer vers une amélioration de l'organisation territoriale et ce progrès peut donc s'accompagner d'une entorse au principe de la libre association. A la différence d'une collectivité territoriale, le périmètre de l'EPCI n'est pas donné et imposé par la loi, mais il est fortement suggéré, sa délimitation incombant au représentant de l'Etat. La marge de manoeuvre des communes est donc limitée. On en prendra pour preuve que la loi de 1999 s'appuie sur une étude de la DATAR qui détermine 140 « aires urbaines » susceptibles de fournir le périmètre pertinent des futures communautés d'agglomération. Il eut été possible de légiférer pour créer ces 140 communautés avec un périmètre imposé. Le législateur a préféré une liberté surveillée. On remarquera à ce propos que sept ans plus tard, il a été créé 162 communautés d'agglomération et non 140 ; il est permis de s'interroger sur cette curieuse différence entre la prévision et le résultat. On peut conclure provisoirement que la nouvelle intercommunalité s'est développée un peu trop vite sous l'impulsion des préfets et sous l'effet très encourageant des incitations financières et qu'il n'a pas été possible de ne pas tenir compte des particularités locales et notamment de la difficulté parfois à faire accepter un projet commun à deux parties d'une même entité urbaine.
3. Les conséquences des incitations financières
Le législateur, instruit des expériences précédentes, et conscient que le cadre institutionnel de la loi du 12 juillet 1999 ne suffisait pas à créer une rupture véritable avec l'intercommunalité de gestion, a souhaité stimuler le développement de la nouvelle intercommunalité de projet au moyen d'incitations financières généreuses.
Ainsi, la loi du 12 juillet 1999 a fixé au départ à 250 francs (38,12 euros) la dotation par habitant des communautés d'agglomération créées ou issues d'une transformation d'un EPCI ; elle a bonifié, à la demande du Sénat, la DGF des communautés de communes qui acceptaient davantage de compétences et qui adoptaient la taxe professionnelle unique ; enfin, elle a garanti la DGF des communautés urbaines qui bénéficiaient d'une dotation moyenne par habitant de 69,50 euros.
En conséquence, sous l'effet de la création massive d'EPCI nouveaux, l'Etat s'est vu contraint de procéder plusieurs années de suite à des abondements exceptionnels de la dotation d'intercommunalité, destinée aux groupements à fiscalité propre, faute de quoi les collectivités locales auraient dû se résoudre à voir leur dotation s'amenuiser au profit des structures intercommunales. Cependant, malgré les efforts de l'Etat, il n'est pas faux de dire que certaines catégories de collectivités locales ont en partie « financé » le développement spectaculaire de l'intercommunalité issue de la loi de 1999. Ce système de vases communicants pouvait se défendre puisqu'il y a transfert de charges des uns vers les autres, mais il a été jugé que tant que la carte intercommunale ne serait pas satisfaisante, l'organisation territoriale dans son ensemble passait par une phase transitoire et qu'il ne fallait pas ajouter des problèmes financiers au déséquilibre institutionnel.
Cette situation, souvent débattue au sein du Comité des finances locales, se traduit par ce qu'on pourrait appeler l'octroi d'une prime à la création d'EPCI. Le système mis en place encourage la création d'EPCI à fiscalité propre (de préférence à taxe professionnelle unique) si bien que, par un raccourci un peu caricatural (mais les exemples existent), on peut dire, sans se tromper, que plus d'un syndicat de communes ancien et ayant fait ses preuves a accepté de se transformer en un EPCI à fiscalité propre parce qu'il y trouvait un avantage financier et fiscal. Ainsi, mettant en sourdine ses nouvelles compétences, il continue à exercer les mêmes compétences qu'autrefois à la seule différence que désormais, il perçoit une dotation de fonctionnement et il lève l'impôt pour ce faire, alors que jusqu'à présent, il se contentait des contributions de ses communes membres. Devant cet afflux de ressources, cet EPCI sera tenté de procéder à des redistributions au profit de ses communes-membres ou d'être moins vigilant pour ses dépenses de fonctionnement. C'est ce qu'on a appelé « l'intercommunalité d'aubaine » laquelle ne contribue pas à renforcer positivement l'image de l'intercommunalité nouvelle.
Il faut signaler aussi également que de nombreux EPCI ont été créés de manière défensive par des communes qui ne souhaitaient pas être intégrées dans une structure plus importante « dirigée » par la ville centre. Enfin, certains EPCI ont vu le jour pour des raisons politiques au sein d'un territoire partagé entre deux partis : ainsi il pouvait sembler de bonne tactique de faire contrepoids au conseil général en réunissant dans une communauté des communes d'une autre couleur que celle du conseil général. Il existe donc une intercommunalité politique qui, comme l'intercommunalité d'aubaine, s'écarte du projet initial de l'intercommunalité à fiscalité propre. On ne peut donc pas conclure que seules les incitations financières ont influé sur la création d'EPCI dont la raison d'être ne semble pas évidente.
4. Le rôle déterminant du préfet
Le Code général des collectivités territoriales (CGCT) pose le principe que les collectivités territoriales peuvent s'associer pour l'exercice de leurs compétences en créant des établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) et il en énumère les différents types. Parmi ceux-ci se trouvent les syndicats de communes et aussi les EPCI à fiscalité propre. Le CGCT pose également que la coopération intercommunale se fonde sur la libre volonté des communes d'élaborer ensemble des projets de développement au sein de périmètres de solidarité.
Pourtant, ces deux principes ayant été posés, la loi du 12 juillet 1999 dite de renforcement et de simplification de la coopération intercommunale a souhaité que le préfet conserve la maîtrise du développement de la coopération intercommunale et lui a réservé un rôle déterminant dans la décision de créer ou non un EPCI à fiscalité propre.
C'est à lui qu'il appartient d'apprécier la cohérence spatiale, économique et sociale du périmètre de l'EPCI et dans certains cas, la loi lui accorde même le pouvoir d'intégrer, contre son gré, une commune dans le périmètre d'un futur EPCI ou de faciliter le retrait d'une commune d'un EPCI au profit d'un autre. De même, s'il lui apparaît qu'un périmètre n'est pas cohérent ou que la création d'un EPCI hypothèque celle d'un autre EPCI plus grand et plus intégré, il reste libre, même quand les communes le souhaitent, de ne pas créer cet EPCI.
Les pouvoirs du préfet lors de la création d'un EPCI à fiscalité propre qui résultent de l'article L. 5211-5 du CGCT portent sur deux aspects : l'arrêté de périmètre et l'arrêté de création.
• L'arrêté de périmètre
La création d'un EPCI à fiscalité propre (création d'une communauté de communes, d'une communauté d'agglomération ou d'une communauté urbaine) relève de l'initiative soit du préfet, soit d'un ou plusieurs conseils municipaux, comme l'indique l'article L. 5211-5 du CGCT.
Si l'initiative est celle du préfet, celui-ci consultera pour avis la commission départementale de la coopération intercommunale (CDCI), laquelle a deux mois pour répondre, faute de quoi son avis sera réputé négatif. Positif ou négatif, l'avis de la CDCI n'empêche en rien le préfet de prendre un arrêté dressant la liste des communes concernées, c'est à dire l'arrêté fixant le futur périmètre de l'EPCI.
Si l'initiative provient d'un ou plusieurs conseils municipaux, le préfet a deux mois pour prendre l'arrêté de périmètre comprenant la liste des communes concernées, telle qu'elle lui est soumise par ce ou ces conseils municipaux (l'article L. 5211-5 dit expressément « peut » et non « doit » ni « prend »). Il peut, par conséquent, refuser de prendre cet arrêté.
Au-delà de ce délai de deux mois, qui est sans sanction, trois cas de figure peuvent se présenter :
1) le préfet a pris l'arrêté de périmètre et la procédure poursuit son cours ;
2) le préfet a notifié et expliqué son refus de prendre l'arrêté de périmètre et cette décision peut être attaquée devant le juge ;
3) le préfet n'a pas répondu et n'a donc pas pris d'arrêté de périmètre : il s'agit d'une décision implicite de rejet, laquelle peut également être attaquée devant le juge.
Selon une jurisprudence non démentie mais sous réserve toutefois de la souveraine appréciation du juge, dans le cas d'une décision implicite ou explicite de refus de la part du préfet, le juge ne s'attache qu'à déceler s'il y a erreur de droit ou erreur manifeste d'appréciation et refuse de juger de l'opportunité de la décision préfectorale. En effet, le législateur a souhaité doter le préfet d'un grand pouvoir d'appréciation de l'opportunité de créer ou non un EPCI, au regard de l'objectif de cohérence du périmètre à retenir, en lui laissant en outre le soin de déterminer le type d'EPCI le plus adapté.
Dans ce même esprit, au nom de la cohérence du périmètre mais seulement dans le cas de la création d'une communauté d'agglomération (article L. 5216-1 du CGCT), la loi donne au préfet le pouvoir d'inclure dans le périmètre de la future communauté d'agglomération une commune appartenant déjà à une communauté de communes.
Cet article énonce que : « Le périmètre d'une communauté d'agglomération ne peut comprendre une commune qui est déjà membre d'un autre établissement public de coopération intercommunale percevant la taxe professionnelle selon les dispositions de l'article 1609 nonies C du Code général des impôts au 1er janvier 1999 (c'est à dire la taxe professionnelle unique) si le conseil municipal de la commune intéressée a émis une délibération défavorable à l'arrêté dressant la liste des communes ou si plus du quart des conseils municipaux des communes membres de l'établissement existant s'opposent au retrait de ladite commune ». Une lecture a contrario de cet article permet de comprendre que le périmètre peut inclure, contre son gré, une ou plusieurs communes appartenant déjà une simple communauté de communes n'ayant pas adopté la taxe professionnelle unique (TPU) au 1 er janvier 1999. Il s'agit donc d'un vrai pouvoir de contrainte détenu par le préfet, garant de la cohérence des périmètres. Il était donc normal que ce cadre juridique puisse entraîner des différences d'approche d'une préfecture à l'autre.
• L'arrêté de création de l'EPCI
Si l'arrêté de périmètre est pris par le préfet, il est notifié au conseil municipal de chaque commune incluse dans le périmètre. L'article L. 5211-5 du CGCT précise que chaque conseil municipal a trois mois pour se prononcer à compter de la notification de cet arrêté. A défaut de délibération du conseil municipal dans ce délai, on supposera que la commune est favorable à son entrée dans le futur EPCI.
Une fois connues toutes les délibérations implicites ou explicites des conseils municipaux des communes inscrites sur la liste dressée par l'arrêté de périmètre, le préfet peut prendre ou ne pas prendre l'arrêté de création du futur EPCI ; la loi lui laisse toute liberté d'action et ne lui fixe d'ailleurs aucun délai.
S'il prend l'arrêté de création, il doit auparavant avoir recueilli l'accord d'au moins deux tiers des conseils municipaux concernés représentant plus de la moitié de la population totale de celles-ci ou l'accord au moins de la moitié des conseils municipaux des communes représentant les deux tiers de la population.
En outre, cette majorité qualifiée doit nécessairement comprendre :
- pour la création d'une communauté de communes, les conseils municipaux des communes dont la population est supérieure au quart de la population totale concernée ;
- pour la création d'une communauté d'agglomération ou d'une communauté urbaine, le conseil municipal de la commune dont la population est supérieure à la moitié de la population totale concernée ou, à défaut, de la commune dont la population est la plus importante.
Mais, alors même que les conditions requises de majorité qualifiée seraient toutes satisfaites, l'article L. 5211-5 ne contraint pas le préfet à prendre l'arrêté de création de l'EPCI. La marge d'appréciation du préfet reste entière. Cela signifie qu'après un premier délai de deux mois ou plus pour fixer le périmètre et un autre délai de trois mois pour que les conseils municipaux se prononcent, il peut arriver que toute la procédure s'interrompe et n'aboutisse pas, si aucun accord n'est trouvé avec le préfet ou si le préfet persiste à trouver la création de cet EPCI inopportune.
Ce long développement sur les pouvoirs du préfet en la matière tend à prouver que la pertinence des périmètres des EPCI et l'harmonie du développement de la carte intercommunale reposaient essentiellement sur le représentant de l'Etat. Or, ce pouvoir nouveau qui lui a été dévolu par la loi de 1999 n'aurait pas dû pour autant s'exercer en faisant abstraction de l'expérience intercommunale existant dans le département, des premiers travaux des schémas départementaux de coopération intercommunale (créés en 1992 et supprimés en 1999) et des premières réflexions des « pays ».
On peut regretter aujourd'hui la position généralement hostile du préfet (induite par la loi de 1999) à l'égard des syndicats intercommunaux dans leur ensemble, la consultation purement formelle de la Commission départementale de coopération intercommunale (qui intervient après la délimitation du périmètre alors que les schémas départementaux recherchaient des périmètres pertinents a priori) et le mépris à l'égard des travaux des pays qui pourtant réunissaient de manière informelle tous les auteurs -publics et privés.
Sous la pression sans doute de la DATAR et de la Direction générale des collectivités territoriales, les préfets ont perçu le développement de l'intercommunalité comme une mission urgente et ils ont agi avec un grand zèle, salué par la parution chaque année de 2001 à 2005 d'un bilan de l'intercommunalité quantitatif et triomphaliste (voir les statistiques sur les tableaux des pages suivantes). Au 1 er janvier 2005, on dénombre 2.525 EPCI à fiscalité propre regroupant 32.311 communes et 52 millions d'habitants. Près de six ans après la loi Chevènement, le contrat semble rempli -du moins en termes quantitatifs- et la carte intercommunale de la France semble équilibrée (si l'on excepte la concentration des communautés d'agglomération le long de la Méditerranée -voir carte jointe).
Votre rapporteur souhaite souligner qu'en matière d'intercommunalité, la région Ile-de-France reste un cas particulier et que le développement intercommunal s'y est fait d'une manière essentiellement politique ; il tient à exprimer ses doutes sur la nécessité de poursuivre le développement intercommunal dans des zones urbaines denses où chaque commune par sa taille démographique prouve qu'elle est viable ; il considère que cela est vrai dans la première couronne autour de Paris. Ce phénomène particulier permet de comprendre qu'il ne saurait y avoir une nécessité absolue de l'intercommunalité sur l'ensemble du territoire.
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L'intercommunalité à fiscalité propre s'est développée avec rapidité après la loi de 1999 parce qu'elle répondait à un besoin de rationalisation de la carte intercommunale et partant de l'organisation territoriale française, mais ses progrès ont pâti de l'euphorie et de la précipitation qui ont prévalu. Ainsi, des bases ont été posées et l'on peut déjà reconnaître que si cette mise en place institutionnelle constitue une étape satisfaisante pour l'esprit, elle n'est pas parfaite et l'excellence même des statistiques prenant la mesure du nombre considérable d'EPCI créés conduit à s'interroger, car les périmètres des EPCI ne sont pas tous pertinents et se superposent à d'autres d'une manière plus ou moins artificielle.
La loi de 1999 relative au renforcement et à la simplification de la coopération intercommunale a atteint son premier but mais pas le second. Le « mille-feuille » institutionnel n'a pas été allégé et son épaisseur témoigne que l'organisation territoriale française traverse une période qu'il faut espérer transitoire. Il ne semble donc pas possible, aujourd'hui, de considérer le bilan statistique de l'intercommunalité comme un aboutissement.
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Source : DGCL
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