B.
DEUXIÈME TABLE RONDE :
QUELLES SOLUTIONS DANS LES DIX PROCHAINES
ANNÉES ?
• M. Christian CABAL
Je propose à M. LE BRETON, de Total, de nous faire une présentation sur les carburants et leur formulation.
1. M. Daniel LE BRETON, Chef du Département « Transport Energie », Total
Nous allons examiner rapidement un panorama sur les carburants puis nous ferons un retour en arrière sur l'évolution des carburants, avec comme premier sujet la réduction des émissions polluantes. C'est l'objet des quinze dernières années pour les carburants et des trente dernières années au moins pour les véhicules. Pour commencer, le plomb a disparu avec l'usage des pots catalytiques qui sont arrivés sur les véhicules à essence en 1993. Le plomb des essences n'a pas disparu brutalement à cette époque, puisqu'une grande partie du parc automobile avait encore besoin de l'essence plombée. Il a fini par disparaître en 2000 et à être remplacé pour les quelques véhicules anciens par un substitut permettant de protéger les sièges de soupape. Le soufre est en train de disparaître pour permettre l'efficacité maximale des pots catalytiques. Vous avez eu une illustration du changement de spécification du benzène, qui est passé de 5 à 1 %, et vous avez vu que cela se traduit immédiatement sur les émissions de benzène. Même si le degré n'est pas comparable, les véhicules actuels émettent toujours un peu de benzène par combustion, y compris les véhicules diesel. C'est très faible, mais la combustion est toujours à l'origine d'émissions de benzène et pas seulement de benzène dans les produits. En ce qui concerne les polyaromatiques des gazoles, une famille particulière a été limitée en teneur pour réduire les émissions de particules. Cela a été l'objet de la directive carburants de 1998. Cette directive est d'ailleurs en cours de révision, avec un amendement qui sera proposé par la Commission d'ici la fin de l'année, qui rectifiera ou amendera certaines spécifications actuelles.
Aujourd'hui, on constate que l'on franchit à nouveau des étapes en termes de technologie. J'ai pris deux exemples : les pièges à particules, qui sont déjà en service sur certains véhicules et qui vont probablement être étendus à tous les véhicules diesel neufs européens à partir d'Euro 5. J'évoquerai également la catalyse sélective pour la réduction des oxydes d'azote, qui sont formés également par combustion. Les moyens d'agir sont faibles dans ce domaine. Dans le cadre des poids lourds, la technologie qui va se développer et qui va se commercialiser à partir de 2005-2006 mais plus notablement 2008-2009, va faire appel à la réduction par l'urée. Nous aurons dans certaines stations-service des distributeurs d'urée. Ce ne sera pas la seule manière de distribuer l'urée, et c'est réservé uniquement aux poids lourds pour l'instant. Pour vous donner une échelle, d'ici quatre ou cinq ans, il y aura près de cinq cents stations en Europe. Deux compagnies pétrolières en ont annoncé : une compagnie autrichienne, WENVE, et nous-mêmes, avec quatre cents stations. Nous verrons si les autres compagnies prévoient d'installer des stations d'ici là.
Par ailleurs, d'ici le 1 er janvier 2009, il n'y aura plus que des carburants sans soufre en Europe. Une petite quantité est distribuée en France actuellement. Tout le Super 98 en France est sans soufre, ainsi qu'une partie du gazole. Deux émissions de polluants sont donc encore sujettes à problème, qui ont été évoqués longuement, les oxydes d'azote et les particules. La Commission continuera à déployer des efforts pour réduire ces deux polluants. En ce qui concerne les biocarburants, qui sont dans le panorama depuis un certain temps, leur vertu principale est la réduction des gaz à effet de serre. Ils sont sans plomb ni soufre, même s'ils ont quelques PPM de soufre. Ils sont sans aromatiques par nature, mais chacun a ses « petites misères », et en général les oxygénés sont des précurseurs d'émissions d'aldéhydes.
Pour satisfaire la directive européenne, il existe une limite de teneur en oxygène qui tient au fonctionnement des véhicules. Ces carburants (j'ai pris le cas français), sont utilisés depuis plus de dix ans en mélange dans les carburants conventionnels. Vous ne les voyez pas mais vous les avez à la pompe. On a surtout utilisé en France de l'ETBE, produit dérivé de l'éthanol, et l'ester méthylique d'huile végétale, qui est surtout en France de l'ester méthylique d'huile de colza. On parle beaucoup d'éthanol. Si je me place dans un cadre international, on commence à parler d'éthanol en tant que filière avec des véhicules capables de rouler avec des quantités d'éthanol très importantes. Il y en a un peu aux Etats-Unis, et cela se développe très vite au Brésil actuellement, où deux tiers des nouvelles immatriculations sont des véhicules dits flexibles.
En ce qui concerne le futur, je vous présente un schéma avec la ressource actuelle, avec des alcools ou des huiles, des produits oxygénés, qui posent des problèmes de logistique et de compatibilité. C'est une ressource relativement limitée. On est ensuite passé dans la première génération, avec la transformation de ces produits. Au bout de cette transformation, ils deviennent compatibles et fongibles avec les carburants conventionnels, mais ils sont toujours limités par le pourcentage maximum d'oxygène dû à la combustion dans les moteurs. On parle maintenant de seconde génération des biocarburants. Pour simplifier, ce sont des biohydrocarbures issus de la synthèse par transformation de la biomasse. Chimiquement, ce sont les mêmes familles d'hydrocarbures, mais elles ont la vertu d'être renouvelables. Dans cette perspective, les procédés mis en oeuvre sont capables de prendre des ressources beaucoup plus diversifiées que les ressources actuelles. Le premier exemple en Europe avant 2008 concerne les biohydrocarbures fabriqués par le procédé dit NExBTL, invention de la compagnie finlandaise Neste Oil, qui est le pétrolier finlandais. Celle-ci a une usine pilote en cours de construction, et nous avons signé un accord avec elle pour construire une seconde usine qui ne sera plus aussi pilote, puisqu'elle va faire environ 200 000 tonnes de produits, essentiellement du gazole. J'ai illustré avec quelques exemples assez réducteurs ce que cela pouvait être.
Le premier procédé que l'on va voir apparaître en Europe, c'est le procédé NExBTL. On peut utiliser des huiles ou des graisses animales pour les convertir en hydrocarbures. Cela donne une coupe qui est majoritairement du gazole, avec une petite dose d'essence. Il existe d'autres procédés auxquels on s'intéresse, dont un qui commence à être connu, qui est la conversion de « biomass to liquid » (BTL), qui consiste à gazéifier la biomasse puis à faire une synthèse et à recomposer le gaz de synthèse en hydrocarbure. C'est un procédé assez complexe. Il existe une usine pilote en Allemagne. C'est un sujet d'étude très intéressant. L'usine de synthèse des hydrocarbures est assez compliquée et lourde, et elle a des problèmes d'échelle. En général, les usines de ce type sont assez importantes afin de pouvoir les intégrer dans un site industriel. Dès que l'on parle biomasse, on a un problème de diffusion. On ne peut pas imaginer que l'on va récupérer de la biomasse à mille kilomètres de l'usine. Il faut le faire dans un périmètre assez restreint autour de l'usine. C'est porteur de potentiel, avec une flexibilité grande, que ce soit sur les charges ou les sorties, les productions. On fait essentiellement du gazole de cette façon, mais on pourrait aussi faire de l'essence avec ce type de process. Un procédé qui est presque concurrent, mais qui représente une autre voie, est celui dit de la thermolyse. On convertit la biomasse, on la liquéfie en quelque sorte sous la forme d'un biobrut, dont on peut imaginer qu'on le traite de manière fossile dans une raffinerie qu'il faut adapter. Cela a la vertu de prendre beaucoup de charges différentes et de produire d'autres composés utilisables en dehors des carburants, dérivés de la biomasse directement. Une fois que cela rentrera dans l'usine, on ne saura pas nécessairement retrouver les molécules de biomasse.
Un autre procédé, que j'ai mis en seconde génération, mais qui permet de produire un produit de première génération, l'éthanol, est l'hydrolyse enzymatique, qui a la vertu de convertir de la lignocellulose en éthanol avec un bilan de gaz à effet de serre très intéressant. C'est un procédé qui intéresse beaucoup les marchés nord-américains, qui sont principalement à essence. Il existe une usine pilote au Canada. Cela a à peu près le même statut que la gazéification de la biomasse. La perspective pour ces trois derniers types de procédés se situe entre 2015 et 2020. En effet, avoir des démonstrateurs est une chose, mais passer au stade industriel comme on l'est dans la version NExBTL est une autre chose, et cela demande encore pas mal de travaux.
J'ajoute pour terminer quelques mots sur l'hydrogène, qui a été évoqué rapidement, pour dire qu'on le conçoit comme une éventualité dans le futur. Certaines personnes ici ont pu visiter une station d'hydrogène que nous avons en Allemagne et conduire un véhicule à pile à combustible. Cela roule, mais c'est très cher. On n'envisage pas cela avant une quinzaine ou une vingtaine d'années. Nous nous préoccupons de savoir si distribuer l'hydrogène est quelque chose de complexe et acceptable par la clientèle, et à quel prix cela peut conduire à l'hydrogène, en souhaitant qu'une bonne partie soit renouvelable. Comme cela a été dit, la majorité de l'hydrogène fabriqué actuellement dans le monde est issue de la conversion du gaz naturel.
• M. Christian CABAL
Merci. Je vais donner la parole à Monsieur BELOT, qui va nous parler du traitement des émissions.