1. La prise en compte des auxiliaires : l'exemple de la climatisation
Comme l'ont d'ores et déjà indiqué vos rapporteurs, la mesure des émissions de CO 2 des véhicules est faite à partir d'un cycle théorique défini au niveau européen qui ne prend pas en compte le fonctionnement des auxiliaires, tout particulièrement la climatisation. Une étude de l'ADEME a mis très clairement en lumière ce problème 28 ( * ) .
Marginale il y a 20 ans en Europe avec moins de 10 % des véhicules neufs équipés, la climatisation est devenue un phénomène de masse. Plus de 90 % des véhicules neufs vendus en Europe en sont équipés. Avec 20 et 25 ans de décalage, le marché européen rejoint ainsi les marchés asiatiques et américains. La progression a été extrêmement rapide puisque le taux d'équipement est passé de 12 % environ en 1990 à plus de 90 % en 2005.
Progressivement c'est donc l'ensemble du parc automobile français qui en est équipé. L'ADEME estime que 2/3 du parc seront équipés en 2010 et 9/10 en 2020.
Les résultats des travaux menés par l'ADEME avec l'UTAC confirment les premières analyses faites en 1996-1997. Les tests ont été effectués avec une température d'air ambiant de 30°C et 50 % d'humidité relative mais sans soleil.
Ces tests ont permis de démontrer une surconsommation comprise entre 12 et 43 % soit 0,7 l à 4 l au 100 km. Les meilleurs résultats sont obtenus par les moteurs diesel atmosphériques et les moins bons par les turbo-diesel.
En cycle extra-urbain, les résultats les plus favorables sont compris en +12 et + 28 % (EUDC).
En cycle mixte (MVEG), les surconsommations sont comprises entre 19 et 36 %.
En cycle urbain, les résultats sont très négatifs : entre 26 et 43 % de surconsommation.
Ainsi, la climatisation utilise à elle seule, voire au-delà, tous les progrès accomplis par les constructeurs en matière d'amélioration des consommations.
L'augmentation de la consommation de carburant se traduit par une augmentation des polluants qui est dans la majorité des cas plus que proportionnelle :
A cette surconsommation de carburant s'ajoutent les pertes de fluides frigorigènes en cours d'utilisation en raison de l'usure ou de fuites dans les raccords, les flexibles, le compresseur, les joints...
L'ADEME a calculé qu'en moyenne, les automobiles sont chargées en gaz refroidissant à hauteur de 775 g. Sur 12 années de vie, ils perdraient par fuite 15 % de cette masse, soit 116 g/an, auxquels s'ajoutent 2 demi-charges lors des maintenances soit 775 g sur 10 ans et une demi-charge émise sur la durée de vie soit 387g. Ainsi, les automobiles françaises équipées de climatisation perdraient chaque année en moyenne sur leur durée de vie 232 g par an.
Or, l'hydrofluorocarbone (HFC) utilisé habituellement le « R134a » a un pouvoir de réchauffement global (PRG) 1 300 fois plus important que le CO 2 . Ainsi 1 kg de ce gaz équivaut à 1,3 t de CO 2 .
Cela conduit l'ADEME à estimer, dans le meilleur des cas, pour un véhicule roulant 12.000 km/an et dont on serait parvenu à réduire les rejets à 93g/an de HFC (choix des composants les plus performants, très bon entretien), une émission supplémentaire de 10geCO 2 /km.
L'ADEME a ensuite cherché à mesurer l'effet global de la climatisation sur les rejets de gaz à effet de serre en cumulant la surconsommation et les fuites de HFC. Cette étude a été corroborée par un travail similaire réalisé au centre d'énergétique de l'école des Mines de Paris.
Ainsi, en France, en 2010, l'usage de la climatisation automobile entraînerait une émission supplémentaire de 4 millions de tonnes équivalent CO 2 (MteCO 2 ). Or, ces rejets ne sont nullement une fatalité. Ils permettent au contraire d'identifier un gisement de 3 MteCO 2 , équivalant à l'application de l'engagement des constructeurs européens ou du respect des limitations de vitesse.
Au niveau européen, l'impact est plus important encore puisque l'ADEME estime que ce sont 31 MteCO 2 qui pourraient être évitées en 2012 si l'efficacité énergétique des systèmes de climatisation était améliorée (diminution de la surconsommation) et 37,4 MteCO 2 si l'entretien et la récupération des fluides étaient mieux organisés.
Si l'ampleur exacte de la surconsommation et son impact sur les rejets de CO 2 ont fait l'objet de contre-expertises de la part du Comité des constructeurs automobiles français (CCFA) qui l'estime globalement à 5 % de la consommation annuelle à partir d'une surconsommation moyenne en ville de 30 % (1/4 des trajets), de 18 % sur route (1/2 des trajets) et de 12 % sur autoroute (1/4 des trajets), la nocivité du fluide frigorigène est reconnue par tous les acteurs. L'ACEA s'est engagée à réduire l'utilisation des HFC de 20 % en 2009 puis à les supprimer progressivement d'ici à 2014.
Une directive européenne devait être adoptée avant fin 2005 (approuvée par le Conseil en octobre 2004). Elle imposera la limitation des fuites de fluide frigorigènes et l'abandon progressif du R134a et son remplacement par deux gaz : le CO 2 et le R152a. Elle s'appliquera aux véhicules particuliers et aux utilitaires légers (masse inférieure à 1 205 kg). Ainsi, à partir du 1 er janvier 2007 pour les nouveaux types de véhicules et du 1 er janvier 2008 pour tous les véhicules neufs, le fluide frigorigène utilisé devra avoir un PRG inférieur à 150 ou un taux de fuite inférieur à 40 g/an ou 60 g/an pour les doubles évaporateurs. A partir du 1 er janvier 2011, la climatisation de tous les nouveaux types de véhicules et du 1 er janvier 2017, de tous les véhicules neufs, devra utiliser un fluide frigorigène dont le PRG est inférieur à 150 .
Par ailleurs, au niveau national, le Gouvernement doit prochainement adopter un décret imposant que seuls les professionnels et les garages agréés puissent intervenir sur les climatisations . Ces professionnels obtiendront l'agrément à la suite d'une formation et après s'être dotés d'un matériel permettant de récupérer les fluides frigorigènes. Ils seront les seuls à pouvoir acheter ces fluides et devront restituer les fluides récupérés lors des entretiens et en fin de vie.
L'utilisation du CO 2 nécessite une évolution importante des systèmes de climatisation. En effet, il devra passer dans le système d'une pression de 35 bars à 130 ou 150 bars, opération au cours de laquelle il gagne ou perd environ 150°C. A de telles pressions, l'étanchéité devra être parfaite. Ces systèmes sont aujourd'hui coûteux.
L'équipementier Delphi a présenté en octobre un prototype abouti d'un système de climatisation fonctionnant à base de CO 2 . Comme dans un système classique, le CO 2 doit absorber la chaleur en s'évaporant et la libérer en se condensant. Ainsi, le refroidissement se déroule en quatre phases. Lors d'une première étape le gaz est comprimé à 130 bars et atteint 165°C (au lieu de 20 bars et 90°C avec du R134a). Le gaz est ensuite envoyé dans un refroidisseur où un échange se produit avec l'air extérieur. Le gaz ainsi refroidi est ensuite détendu à environ 30 bars, se liquéfie et atteint 0°C. La dernière étape est l'évaporation qui permet le rafraîchissement de l'habitacle. L'une des particularités du prototype de Delphi est d'utiliser le gaz, après évaporation, pour contribuer au refroidissement avant le détendeur et ainsi économiser de l'énergie. Le cycle inverse permet le réchauffement.
L'autre gaz envisagé, le R152a, reste 130 fois plus nocif que le CO 2 mais est un meilleur réfrigérant. Son utilisation nécessitera également une très bonne étanchéité puisque, constitué en partie d'hydrogène, il présente un risque d'explosion.
Avec ces deux gaz, c'est donc un équilibre qui sera recherché entre la surconsommation du véhicule, les nécessités d'étanchéité et de sécurité et la contrainte de coût.
Un autre point du système de climatisation sera amélioré : le compresseur. Actuellement, sur la plupart des véhicules, il fonctionne en continu et absorbe environ 8 CV de puissance. Une nouvelle génération à cylindrée variable devrait permettre une adaptation au refroidissement ou au réchauffement demandée. Une division par quatre de la surconsommation en est attendue.
A la suite des études menées par l'ADEME et celles menées au niveau européen ou à l'étranger, vos rapporteurs tirent donc les conclusions suivantes :
- l'inefficacité des systèmes de climatisation est aujourd'hui particulièrement préoccupante et offre un gisement important de réduction des émissions de GES ;
- la sensibilisation des conducteurs doit être poursuivie activement pour une utilisation raisonnée de la climatisation et une généralisation des gestes d'entretien ;
- l'amélioration de l'efficacité des systèmes et le renforcement de l'étanchéité sont immédiatement nécessaires ;
- la mise au point et la commercialisation de systèmes de climatisation sans HFC doivent être fortement encouragées ;
- la réduction de la puissance des climatisations en raison de la meilleure isolation thermique des automobiles doit être recherchée ;
- les cycles de test européen des véhicules doivent prendre en compte la totalité des auxiliaires et tout particulièrement la climatisation.
* 28 La climatisation automobile, Stéphane Barbusse et Laurent gagnepain, n°4343 ADEME.