C. LA SÉVÉRISATION DES NORMES ET LES PROGRÈS TECHNOLOGIQUES
La réduction de la pollution de l'air est un objectif affiché au niveau européen depuis plus de 15 ans. Plusieurs générations de directives se sont succédées en coordination avec les États, les constructeurs automobiles et les pétroliers afin d'aiguillonner les progrès technologiques possibles.
1. Des normes européennes toujours plus strictes
• L'évolution des normes d'émissions jusqu'à euro IV
L'Union européenne a adopté des normes successives de plus en plus sévères visant à réduire les émissions par kilomètre parcouru, dit « end of pipe », plutôt que d'orienter l'effort vers la réduction du nombre de kilomètres parcourus. Les objectifs de propreté et de sobriété sont pour l'instant dissociés pour lutter contre la pollution. Cette situation pourrait évoluer.
A titre de comparaison, il est intéressant de prendre conscience du retard accumulé sur la réglementation des émissions des deux roues.
Au début des années 1980, un véhicule pouvait produire jusqu'à 50 g/km de CO (essence) ou 0,8 g/km de particules (diesel).
Les normes européennes en matière de pollution locale ont permis des progrès spectaculaires depuis leur adoption en 1970 puis leur renforcement progressif. Elles sont aujourd'hui définies par la directive 70/220/EEC modifiée, les normes Euro IV ayant été fixées par la directives 98/69/EC .
• La préparation des normes Euro V
Depuis le début 2004, la Commission européenne a entrepris la préparation de la norme devant succéder à Euro IV en envoyant un questionnaire et en diffusant ses analyses et les différents scénarios possibles de renforcement des normes et leur balance coût avantage.
La Commission a par ailleurs utilisé le programme d'étude et de recherche « CAFE » (Clean air for Europe), lancé en mars 2001, pour dégager les éléments permettant de fonder un renforcement des normes d'émissions de polluants des différents modes de transport, dont l'automobile.
Les études de la Commission l'ont conduite à estimer que d'ici à 2008 les évolutions industrielles et technologiques permettraient une réduction très importante des émissions de particules de moteurs diesel par la généralisation des filtres (FAP). En revanche, elle a estimé que la technologie de post-traitement, dite « pièges à NOx », des oxydes d'azote n'était pas suffisamment aboutie ou fiable pour permettre une réduction aussi spectaculaire que sur les particules. En la matière, comme pour les moteurs à essence, la Commission a retenu des réductions significatives de l'ordre 20 à 25 % des principaux polluants.
Cette première consultation a permis à la Commission de publier en janvier 2005 un document de travail donnant de premières indications sur les normes futures et surtout encadrant la possibilité, pour les États membres qui le souhaitent, de mettre en place des incitations fiscales pour les véhicules moins polluants que la norme Euro IV entrée en vigueur au 1 er janvier 2005. Il s'agissait d'encadrer les avantages fiscaux accordés à l'équipement des voitures diesel en filtres à particules pour atteindre une émission de 5 mg/km.
Pour être valides, ces avantages doivent respecter cinq conditions :
* être notifiés préalablement à la Commission ;
* permettre d'anticiper les normes futures plus restrictives ;
* n'introduire aucune discrimination sur le marché ;
* prendre fin dès l'application des nouvelles normes ;
* être inférieurs au coût - installation comprise - des nouveaux dispositifs.
En juillet 2005, la Commission a confirmé ses intentions en publiant un projet de proposition de directive qui a été soumis pour consultation aux industriels du secteur.
Ces propositions, qui seraient applicables à partir de 2010 pour la norme future Euro V, présentent plusieurs aspects particulièrement importants.
Tout d'abord, la future directive permettra une importante simplification du droit européen puisqu'elle remplacera et annulera la directive de 1970 et tous ses amendements successifs.
Pour les moteurs diesel, la Commission insiste sur deux domaines principaux : les particules et les oxydes d'azote.
La norme Euro V devrait imposer une réduction de 80 % de la masse maximale de particules émises par les moteurs diesel, faisant passer la limite de 25 à 5 mg/km . Cette nouvelle norme conduira à la généralisation rapide des filtres à particules « fermés » - technologie PSA -, c'est-à-dire permettant de réduire les émissions de toutes les tailles de particules. Cette norme étant la limite maximale autorisée, cela correspond, selon la Commission, à un objectif inférieur de 50 % pour les ingénieurs, soit 2,5 mg/km.
La Commission indique également qu'elle souhaite dès que possible introduire une norme supplémentaire portant non plus seulement sur la masse des particules émises mais aussi sur leur nombre et leur taille . Les recherches montrent en effet la dangerosité des particules fines sur la santé et la nécessité de ne pas permettre la mise sur le marché de technologies de filtres dits « ouverts » qui permettraient d'atteindre les normes européennes en termes de masse de particules émises, mais pas en termes qualitatifs (nombre et taille). La Commission conduit un programme de recherche spécifique, le Particulate Measurement Programme (PMP), dont les résultats ne sont pas encore suffisamment consolidés pour permettre l'adoption d'une nouvelle réglementation.
La seconde grande question en matière d'émissions polluantes des véhicules diesel concerne les rejets d'oxyde d'azote. La Commission propose une réduction de 20 % des émissions, portant la limite à 200 mg/km au lieu de 250. Cette évolution devrait pouvoir être atteinte par des évolutions internes des moteurs.
La norme Euro V devrait également conduire à la réduction des émissions des véhicules essence. La Commission propose une réduction de 25 % des émissions d'oxydes d'azote portant la limite à 60 mg/km au lieu de 80 et de 25 % celle des hydrocarbures (HC) en fixant la norme à 75 mg/km au lieu de 100 .
La Commission propose également d'introduire une norme limite de particules émises par les véhicules essences à injection directe opérant avec un mélange pauvre, mais ne touchant pas les véhicules à combustion stoechiométrique.
Les constructeurs devront également garantir le bon fonctionnement des dispositifs antipollution sur une durée deux fois plus longue, soit 160.000 km au lieu de 80.000.
Enfin, la Commission prend pleinement en compte l'évolution du marché automobile européen et l'attraction croissante des SUV ( sport utility vehicle ) et 4 X 4 en proposant la suppression de l'exception touchant les véhicules particuliers de plus de 2,5 t qui peuvent jusqu'à présent ne pas respecter les normes antipollution des VL mais celles des véhicules utilitaires. Ce ne devrait plus être le cas à partir de 2008, la limite étant placée à 2,84 t.
Vos rapporteurs, qui ont pu rencontrer à Bruxelles plusieurs responsables de la Commission travaillant sur ce dossier, approuvent cette proposition de directive .
La généralisation des filtres à particules fermés filtrant tout le spectre des particules est indispensable pour atteindre les objectifs attendus en matière de réduction de la pollution locale et pour ne pas introduire de confusion auprès du public sur l'efficacité de ce dispositif de post-traitement. A cet égard, ils sont préoccupés par les projets allemands d'équipement de véhicules après commercialisation par des filtres à particules. En effet, de telles modifications ne peuvent être réalisées de manière écologiquement satisfaisante et ne permettent pas d'atteindre les objectifs européens en la matière. Les filtres ainsi installés sont d'une technologie très différente des filtres fermés et ne permettent pas une réduction aussi importante des particules fines.
L'introduction d'une norme qualitative en matière de particules est également pleinement cohérente avec les impératifs de santé publique et la nécessité de confirmer le caractère propre des diesels modernes.
Par ailleurs, au regard des normes retenues à l'étranger, notamment aux États-Unis et au Japon, beaucoup plus strictes en matière d'émissions de NOx pour les véhicules diesel comme le montre le diagramme ci-dessus, v os rapporteurs estiment que la réglementation des émissions d'oxydes d'azote doit continuer à évoluer. Il leur paraîtrait souhaitable qu'une date de généralisation des dispositifs de dépollution soit adoptée en liant la norme Euro V avec une future norme Euro VI . Ainsi, apparaîtraient clairement les deux volets de la dépollution des moteurs diesel et leur quasi-alignement sur les normes applicables aux véhicules essence et ce conformément aux conclusions du Conseil des 18-19 décembre 2000.