B. FRANCE, ALLEMAGNE, ITALIE : LE TEMPS DES INTERFÉRENCES NÉGATIVES

Dans la zone euro , le ralentissement en Allemagne et en Italie serait particulièrement prononcé , même si ces deux pays connaissent depuis plusieurs années une croissance déjà très lente, qui, compte tenu de leur poids relatif dans l'économie de la zone pèse sur l'ensemble.

Les situations de nos deux grands partenaires ne sont pas identiques mais leurs effets sur la France et sur sa croissance ne diffèrent que par leur ampleur et non dans leur nature .

1. L'Italie ou la folle tentation

En Italie , l' activité connaît une langueur persistante avec une croissance annuelle moyenne de 0,05 % l'an , depuis 2001 .

La demande intérieure est en progression de plus en plus lente tandis que la contribution du commerce extérieur italien est devenue fortement négative .

Les problèmes rencontrés par l'Italie apparaissent de nature essentiellement structurelle même s'ils ont été aggravés par une gestion des finances publiques sous contraintes .

Un débat a été ouvert en Italie sur la responsabilité de l'euro pour la dégradation de la position internationale du pays à telle enseigne que la participation de l'Italie à la zone euro a pu être remise en cause .

Dans un premier temps du raisonnement, l'appréciation de l'euro face aux autres monnaies a été jugée responsable du recul des performances commerciale italiennes. Mais, on peut observer que l'appréciation de l'euro qui a touché tous les membres de la zone euro ne s'est pas répercutée chez les partenaires de l'Italie avec la même ampleur : les pertes de parts de marché de l'Italie atteignent 1 point entre 1994 et 2003 (de 4,2 à 3,2 % de l'ensemble des exportations mondiales contre -0,2 point en France ; par exemple). D'autre part, au sein de la zone euro, l'effet du taux de change n'existant plus par hypothèse, c'est le niveau d'inflation relatif qui a entraîné une appréciation du prix des produits italiens.

Ce constat nourrit le deuxième aspect de l'argumentaire « anti-euro » : les pertes de marge de manoeuvre que l'Italie pouvait retirer des dévaluations d'avant l'euro seraient insupportables.

Sur ce plan également, le plaidoyer pour un abandon de l'euro n'est pas convaincant.

Les nombreuses conditions de succès d'une dévaluation compétitive sont liées à l'absence de problèmes structurels dans l'économie qui y a recours . Notamment, parmi les conditions d'une dévaluation réussie figure une stricte modération salariale dont la probabilité d'occurrence est d'autant plus faible que les problèmes structurels d'un pays ne sont pas résolus.

Or, les problèmes de l'Italie sont essentiellement de nature structurelle, sa mauvaise spécialisation productive et ses très faibles gains de productivité. Ainsi, si l'augmentation des prix observée en Italie n'est pas le résultat d'une grande dynamique salariale autonome absolue (le pouvoir d'achat des salaires directs dans le secteur manufacturier a peu de ressort ces dernières années), le rythme des gains de productivité aurait dû entraîner une modération plus nette encore des salaires dans l'industrie afin de prévenir l'apparition d'une hausse des coûts salariaux unitaires qui pèse sur la compétitivité italienne. Dans le secteur abrité, en revanche, les salaires augmentent davantage même si, c'est heureusement sans réelle contagion sur le secteur exposé jusqu'à présent 4 ( * ) .

En bref, les gains de productivité sont insuffisants en Italie pour nourrir une demande interne robuste si l'on veut respecter la contrainte de compétitivité qui s'impose à tout pays.

De fait, une croissance des salaires plus en ligne avec les gains de productivité se serait traduite non seulement par un ralentissement de la consommation des personnes concernées encore plus important, mais aussi, sans doute, par une perte de confiance de l'ensemble des ménages encore plus accusée.

Nulle dévaluation ne permet en soi de régler des problèmes structurels, parmi lesquels il faut attacher une attention particulière au fonctionnement du marché du travail. L'Italie cumule les handicaps de ce point de vue avec une segmentation importante du marché du travail et la perspective d'une contagion salariale du secteur abrité vers le secteur exposé, et de très faibles gains de productivité dans ce secteur.

La modération salariale observée dans l'industrie , même insuffisante, s'est déjà traduite du fait de la gestion des finances publiques et du fait de l'enrichissement du contenu en emplois de la croissance, par une perte du pouvoir d'achat du salaire par tête. Sans hausse des gains de productivité, un durcissement de la modération salariale s'imposera en Italie. En pratique, une dévaluation amplifierait encore cette exigence.

Les vraies questions que la situation italienne devrait conduire à explorer sont celles de la capacité de la péninsule à résoudre ces problèmes structurels et de la pertinence de politiques financières publiques, qui, en affichage du moins, visent un ajustement structurel des comptes publics.

Les mesures structurelles qui sont intervenues pour compenser partiellement la dégradation du solde conjoncturel, ont eu des effets défavorables sur la croissance sans parvenir à enrayer le déficit public.

* 4 En revanche, l'évolution des salaires dans le secteur abrité constitue une limite évidente à toute politique alternative à celle d'un maintien dans la zone euro.

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