B. RETOUR SUR LES CONDITIONS D'UNE RÉDUCTION DU TAUX D'ÉPARGNE DES MÉNAGES
Dans le contexte d'ajustement structurel des comptes publics, une des conditions déterminantes pour la croissance réside dans l'enclenchement d'un processus de désépargne des agents privés, en particulier des ménages .
La consommation des ménages doit évoluer plus rapidement que leur revenu disponible brut pour compenser la moindre contribution des administrations publiques à la croissance.
Or, cette exigence de désépargne privée intervient alors dans un contexte qui n'est a priori pas favorable à sa réalisation . Les objectifs d'ajustement structurel des comptes publics s'accompagnent d'une dégradation du bilan des transferts entre administrations publiques et ménages qui réduit le niveau disponible des ménages. La voie d'une désépargne privée semble alors particulièrement étroite.
En effet, la croissance de la consommation à long terme dépend traditionnellement du revenu, de l'inflation et, du moins, pour les biens durables, du chômage.
Toutefois, ces différentes variables ne permettent pas toujours d'expliquer correctement les évolutions de la consommation. Deux autres catégories d'éléments sont susceptibles de l'influencer :
- les éléments d'ordre financier, tels que les taux d'intérêt, la valorisation des actifs des ménages ou encore l'accès au crédit ;
- des éléments d'ordre qualitatif, réductibles à la notion de « confiance des ménages ».
Dans un passé récent , le taux d'épargne des ménages a diminué en France alors que, par exemple, nos voisins allemands n'ont pas relâché leur « effort » d'épargne .
L'OFCE a entrepris des travaux pour élucider ces deux phénomènes.
La baisse du taux d'épargne en France y est expliqué par la combinaison d'une réduction de l'écart entre les taux d'intérêt et le taux de progression du revenu des ménages, des effets de richesse immobilière et des mesures fiscales.
FACTEURS EXPLICATIFS DE LA BAISSE DU TAUX D'ÉPARGNE DES MÉNAGES
(en points de revenu disponible brut)
2003 |
2004 |
2005* |
2006* |
|
-0,9 |
-0,5 |
-0,1 |
-0,4 |
|
Écart critique (g - r)** |
-0,5 |
-0,1 |
0,1 |
-0,1 |
Effet de richesse immobilière*** |
-0,2 |
-0,2 |
-0,3 |
-0,2 |
Variation du chômage |
-0,2 |
0 |
0,1 |
-0,1 |
Mesures Sarkozy |
- |
-0,2 |
- |
- |
* Prévisions OFCE.
** L'écart critique est la différence entre le taux de croissance du revenu des ménages (g) et le taux d'intérêt à long terme (r). Cet écart illustre la capacité des ménages à emprunter.
*** En prévision, nous avons supposé une stabilisation des prix de l'immobilier.
Sources : Calculs OFCE, e-mod.fr.
Ces variables jouent très différemment en Allemagne. Évident pour les mesures fiscales, ce constat vaut surtout pour l'écart critique entre revenus et taux d'intérêt. Dans un contexte où les taux débiteurs sont proches, la différence porte principalement sur la progression des revenus des ménages, très faible en Allemagne.
POURQUOI LE TAUX D'ÉPARGNE BAISSE PLUS EN FRANCE QU'EN ALLEMAGNE ?
(en points de revenu disponible brut)
2003 |
2004 |
|
Écart de variation du taux d'épargne
|
-1,3 |
-1,0 |
Écart critique (g - r) |
-1,1 |
-0,5 |
Effet de richesse immobilière |
-0,2 |
-0,2 |
Mesures Sarkozy |
0,0 |
-0,2 |
Autres |
-0,1 |
-0,1 |
Sources : Calculs OFCE, e-mod.fr.
Les facteurs d'évolution de la consommation des ménages identifiés par l'OFCE montrent que la combinaison des politiques économiques revêt une grande importance et peut soutenir la consommation dans un contexte de croissance modérée des revenus .
Cet enseignement est d'autant plus encourageant que les effets sur les ménages des deux composantes de la politique économique peuvent être optimisés :
- la politique monétaire pourrait avoir plus d'efficacité dans la zone euro sous les conditions d'un meilleur accès des ménages au crédit ;
- la politique fiscale pourrait favoriser plus la consommation à contrainte budgétaire donnée .
1. Les variables traditionnelles échouent à rendre compte de la dynamique de la consommation
Une étude de l'INSEE portant sur les années 90 montre que le revenu disponible brut des ménages et la consommation ont alors connu, en France, une progression identique en moyenne annuelle (1,4 % en volume dans les deux ans).
Cependant, cette homogénéité peut être qualifiée d'accidentelle . En effet, les évolutions respectives des deux grandeurs ont été nettement disparates dans chacune des deux parties des années 90.
CONTRIBUTIONS À LA CROISSANCE DE LA CONSOMMATION TOTALE
(évolution moyenne annuelle en %)
1990-1999 |
1990-1994 |
1995-1999 |
|
Dépenses de consommation |
1,4 |
0,8 |
1,9 |
Contributions : |
|||
- Pouvoir d'achat du revenu |
1,4 |
1,5 |
1,3 |
- Inflation |
0,2 |
0,1 |
0,2 |
- Taux de chômage |
0,0 |
0,0 |
0,0 |
- Libéralisation financière |
-0,3 |
-0,5 |
0,0 |
- Prime à la casse |
0,0 |
0,0 |
0,0 |
- Résidu |
0,1 |
-0,3 |
0,4 |
Source : INSEE
Ainsi, dans les années 90 à 94, la contribution théorique du revenu disponible à la consommation excède de près de deux fois la consommation effective (de 1,5 % contre 0,8 %). Inversement, entre 1995 et 1999, la consommation est sensiblement plus dynamique que le pouvoir d'achat le laisse escompter. Elle progresse au rythme annuel de 1,9 % contre une contribution prévisible du pouvoir d'achat de seulement 1,3 %. Au cours de cette dernière période, la baisse de l'inflation exerce sans doute un effet favorable sur la consommation, mais ces deux variables ne permettent pas, à elles seules, d'expliquer le rythme de la consommation.
La déconnexion que suggèrent ces données entre revenu disponible brut des ménages, inflation et consommation est une conclusion robuste. Pour cerner les déterminants de la consommation, il faut, par conséquent, convoquer d'autres variables.
Celles qui sont évoquées dans l'étude mentionnée sont relatives à l'impact des opérations financières des ménages sur leur consommation et à une ligne dite « résidu » correspondant, dans l'étude, aux anticipations des ménages.