4. Le risque d'importation en France de produits contenant de l'amiante
La mission considère que le risque de réintroduction de l'amiante en France par le biais des importations des pays émergents ou n'ayant pas interdit ce matériau, est aujourd'hui réel, même si le décret du 24 décembre 1996 relatif à l'interdiction de l'amiante prohibe, au même titre que la fabrication, « l'importation, la mise sur le marché national et la cession à quelque titre que ce soit de toutes variétés de fibres d'amiante » 121 ( * ) .
Comme l'a souligné M. Philippe Huré de l'INRS, si des contrôles de douanes appropriés ne sont pas mis en place pour déceler la présence d'amiante dans les produits en provenance des pays tiers, les États de l'Union européenne continueront à importer des équipements susceptibles de contenir de l'amiante, « qu'il s'agisse notamment de machines à laver, de voitures ou de batteries ».
On rappellera qu'avant le 1 er janvier 2005, des produits contenant de l'amiante ont pu circuler par le biais des échanges intracommunautaires, l'interdiction de l'amiante dans les pays de l'Union européenne par une directive du 26 juillet 1999 122 ( * ) n'étant effective que depuis cette date.
En 2003-2004, quatre des quinze États membres de l'Union européenne continuaient à importer de l'amiante, parmi lesquels l'Allemagne, alors même que ce pays avait prononcé l'interdiction de ce matériau dès janvier 1995.
A l'heure actuelle, le risque majeur résulte des importations en provenance des pays extérieurs à l'Union européenne et en particulier des pays émergents : seuls 40 pays ont à l'heure actuelle interdit l'amiante et la production mondiale est à nouveau en hausse depuis quatre ans.
La mission soulignera, à cet égard, la position particulière du Canada : ce pays, à l'instar de la Russie et du Brésil, produit une variété d'amiante, le chrysotile, dont le caractère cancérigène fait encore l'objet de débats entre les autorités scientifiques.
Comme l'a indiqué M. Patrick Brochard, chef du service de médecine du travail et de pathologie professionnelle au CHU de Bordeaux, le Canada profite de cette incertitude pour redémarrer fortement sa production (500.000 tonnes extraites chaque année, d'après les informations fournies par M. François Malye). Cette situation est d'autant plus préoccupante que le Canada ne consomme pas l'amiante qu'il produit, 0,3 % de sa production seulement étant utilisée pour le marché intérieur.
Le professeur Pézerat a précisé que l'amiante canadien était majoritairement exporté vers les pays du tiers-monde. La mission ne peut donc que s'inquiéter de la présence d'amiante dans certains produits de consommation à destination du grand public, que la France importe du Canada 123 ( * ) , comme d'ailleurs de l'attitude de la Chine, exportatrice de produits de consommation vers les pays de l'Union européenne.
A cet égard, un représentant de la CGT a indiqué à la mission qu'au cours de l'Assemblée générale de l'association internationale des sécurités sociales (AISS) qui s'était tenue à Pékin au début de l'année 2005, la Chine avait mis en avant l'utilisation d'un million de tonnes d'amiante par an, rendant difficile la poursuite des discussions à ce sujet.
Au total, le risque d'importation de produits amiantés dépend de la rigueur des contrôles douaniers mis en place à ses frontières.
Les appréciations portées sur ce problème par les différents interlocuteurs de la mission divergent : M. Dominique Moyen a estimé que, depuis la fin de l'année 2002, les importations d'amiante étaient nulles en France alors que le professeur Got a reconnu qu'il était possible de trouver en France « des plaquettes de freins fabriquées dans un pays qui n'interdirait pas encore l'amiante et qui seraient importées frauduleusement ».
Enfin, devant la mission, M. Gérard Larcher a indiqué avoir participé en juin 2005 à une conférence de l'OIT, organisme dont il a rappelé la composition tripartite, au cours de laquelle l'institution a lancé une campagne mondiale de sensibilisation à l'amiante et a demandé à tous les gouvernements d'interdire l'utilisation de ce matériau.
* 121 L'article 1 er du décret dispose que « Au titre de la protection des travailleurs, sont interdites (...) la fabrication, la transformation, la vente, l'importation, la mise sur le marché national et la cession à quelque titre que ce soit de toutes variétés de fibres d'amiante, que ces substances soient ou non incorporées dans des matériaux, produits ou dispositifs ».
* 122 Directive 99-77, 1999-07-26, portant sixième adaptation au progrès technique de l'annexe I de la directive 76769 CEE du Conseil concernant le rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives des États-membres relatives à la limitation de la mise sur le marché et de l'emploi de certaines substances et préparations dangereuses.
* 123 Notamment des chalets en kit. Les représentants de la direction générale de l'urbanisme, de l'habitat et de la construction, dont les compétences semblaient particulièrement circonscrites, ont déclaré à la mission ignorer ce type d'importations provenant du Canada.