C. UNE MORTALITÉ INFANTILE TRÈS ÉLEVÉE, LIÉE NOTAMMENT À UNE MALNUTRITION ENDÉMIQUE
L'espérance de vie est de 46 ans au Niger, selon les chiffres de la Banque mondiale de 2004. On compte dans le pays 600.000 naissances annuelles (764.000 naissance en France en 2004, pour un pays environ six fois plus peuplé) et 200.000 décès, dont la moitié est constituée de décès d'enfants.
1. Une mortalité infantile considérable
Le taux de mortalité des enfants avant cinq ans s'établit, au Niger, à 280 %o. Ceci signifie qu'un enfant sur trois n'atteint pas l'âge de cinq ans. Si ces chiffres connaissent, en tendance, une amélioration relative (le taux de mortalité infantile avant cinq ans était de 320 %o il y a dix ans 19 ( * ) ), ils restent considérables. C'est cette réalité qu'ont rencontrée les journalistes dépêchés sur place pour « couvrir » la crise alimentaire. Leurs reportages se sont voulus alarmants, masquant cependant la réalité de la crise nigérienne : la catastrophe humanitaire qu'ils ont découverte en 2005 se reproduit chaque année, depuis des décennies. L'urgence de la crise passée, et les ONG qui l'accompagnent, parties, la même mortalité infantile risque fort de perdurer.
Les contacts de vos rapporteurs spéciaux avec les médecins des centres de récupération nutritionnelle de Médecins sans frontières (MSF) à Maradi et à Dakoro soulignent que la principale affection rencontrée, au-delà des cas de malnutrition, est le paludisme.
2. Une malnutrition infantile endémique
Les chiffres fiables, fondés sur un dispositif de suivi permanent, manquent pour décrire l'ampleur de la malnutrition infantile au Niger. Seules des enquêtes ponctuelles ont été réalisées, soulignant toutes que la malnutrition infantile, chronique ou aiguë 20 ( * ) , constitue un phénomène endémique au Niger.
Les taux de malnutrition infantile sont élevés à travers tout le pays. Sur la période 1995-2003, on estime le taux de malnutrition des enfants de moins de cinq ans, caractérisé par une insuffisance pondérale modéré et grave, à 40 %. 14 % des enfants de moins de cinq ans souffrent d'une insuffisance pondérale grave. 14 % souffrent d'émaciation. Cette situation est d'autant plus préoccupante qu'il n'y a pas d'amélioration depuis 10 ans.
Les chiffres de la malnutrition au Niger
(en %)
Nouveaux-nés présentant une insuffisance pondérale à la naissance, 1998-2003 |
17 % |
Pourcentage d'enfants nourris au sein (1995-2003), plus aliments de sevrage (6-9 mois) |
56 % |
Pourcentage d'enfants de moins de cinq ans (1995-2003), souffrant d'insuffisance pondérale modérée et grave |
40 % |
Pourcentage d'enfants de moins de cinq ans (1995-2003), souffrant d'insuffisance pondérale grave |
14 % |
Pourcentage d'enfants de moins de cinq ans (1995-2003), souffrant d'émaciation modérée et grave |
14 % |
Taux de couverture de l'apport en vitamine A (6-59 mois), 2002 |
77 % |
Pourcentage de ménages consommant du sel iodé (1997-2003) |
15 % |
Source : UNICEF
Les taux de malnutrition connaissent des disparités régionales significatives, la région de Maradi étant la plus touchée, alors qu'elle représente 23 % de la production nationale de mil et de sorgho. Le pourcentage d'enfants de moins de cinq ans émaciés est de 20 %, les retards de croissance atteignant 43 %. Dans l'ordre sont ensuite concernées par la malnutrition, selon les enquêtes menées au cours des dernières années, les régions de Zinder, Diffa, Agadez et Tahoua 21 ( * ) .
Les régions de Dosso, Tillabéri et Niamey sont traditionnellement moins affectées par la malnutrition. Toutefois, Dosso constitue une région marquée par de moindres apports en vitamine A (7 % d'enfants aveugles selon certaines sources) et en iode (prévalence de goitres de l'ordre de 10 % pour les adolescents). Tahoua et Maradi sont également touchées par un déficit en vitamine A.
Si elle en explique une partie, la pénurie alimentaire ne peut rendre compte de la totalité de la malnutrition infantile qui sévit au Niger à l'état endémique. Contribuent au taux très élevé de malnutrition infantile le manque d'eau et l'insuffisance de sa qualité, l'incapacité de payer les services médicaux dans les installations gérées par le gouvernement, l'inadéquation des soins infantiles et les mauvaises conditions d'assainissement. Les difficiles conditions d'accès aux soins au Niger constituent le principal facteur aggravant de la malnutrition infantile selon les ONG ayant mis en place des centres de récupération nutritionnelle. Selon Médecins sans frontières (MSF), la carte de santé est payante (500 francs CFA) et le prix de la consultation pour les enfants varie entre 300 et 600 francs CFA. Selon cette ONG, les ordonnances des enfants malnutris s'élevaient en moyenne à 15.000 francs CFA à l'hôpital de Tahoua, en avril 2005.
L'enquête nutritionnelle réalisée par la FAO en 1998 explique les contradictions pouvant être observées entre l'état nutritionnel des enfants et la consommation alimentaire, à Maradi en particulier. Dans cette zone notamment, la prévalence importante de la malnutrition infantile peut s'expliquer par la forte proportion de maladies diarrhéiques, des mères très jeunes à la naissance, et surtout par des habitudes alimentaires inappropriées telles que l'allaitement retardé des nouveaux-nés à 4-5 jours après la naissance et nourris à l'eau, aux tisanes et au lait de vache. La rapidité du sevrage au sein de la population haoussa explique également, pour une part, la malnutrition infantile endémique du Niger.
Comme le soulignait enfin M. Mahamadou Zeiti Maïga, gouverneur de la région de Tahoua, lors de sa rencontre avec vos rapporteurs spéciaux, la faible diversification de l'alimentation des jeunes enfants et le faible apport après le sevrage d'éléments lactés, contribuent fortement au phénomène de la malnutrition, qui ne date donc pas, il convient de le souligner encore une fois, de la crise alimentaire de 2005, mais constitue malheureusement un phénomène endémique. La sortie des centres de récupération nutritionnelle doit s'accompagner d'un effort d'explication auprès des mères des enjeux liés à la diversification des modes d'alimentation des jeunes enfants.
Ceci peut expliquer pourquoi, dans la région de Maradi, les taux de malnutrition chronique des nouveaux-nés sont les mêmes dans les ménages « bien nantis » que dans les ménages « pauvres ».
* 19 354 %o en 1960.
* 20 La malnutrition chronique se manifeste par un retard de croissance par rapport à l'âge. La malnutrition aiguë se caractérise par un rapport poids/taille inférieur à 80 % de la médiane. Chacune de ces deux formes (chronique et aiguë) peut être qualifiée de sévère ou de modérée en fonction de la gravité. La malnutrition aiguë sévère correspond à un rapport poids/taille inférieur à 70 % de la médiane.
* 21 Certaines enquêtes, distinguant le sud et le nord de la région de Tahoua, nuancent le constat en considérant que la malnutrition infantile est moins mauvaise que la moyenne nationale dans le nord de cette région.