E. BILAN
A l'issue de cette première partie du rapport, il est important de souligner plusieurs points qui vont parfois à l'encontre des idées reçues.
Le coût actuel de l'accueil des étudiants étrangers en France s'élève à environ 2 milliards d'euros 2 ( * ) , essentiellement consacrés aux contributions de l'Etat aux universités pour cet accueil.
Cette somme peut paraître importante mais appelle quelques réflexions :
- elle additionne les bourses effectivement versées, le coût réel de la scolarité dans les établissements français (coût annuel moyen estimé à 8 000 euros alors que les frais d'inscription sont très faibles) et les prestations et services sociaux (logement, sécurité sociale, etc..) ;
- elle n'est pas forcément bien employée car les résultats obtenus par les étrangers sont décevants et, pour ceux qui persistent, l'obtention des diplômes est retardée. Cela est sans doute lié au fait que plus de 130 000 étudiants étrangers viennent chez nous « par hasard », et non par choix, parfois simplement parce qu'ils ont été refusés par leur université nationale et que, par ailleurs, rien n'est fait -ou trop peu- pour les aider à compenser un handicap linguistique ou académique initial.
L'ampleur de l'investissement français est justifié si la politique d'accueil des étudiants étrangers leur garantit un taux de réussite élevé. Dans ce cas, le contrat moral passé entre la France et eux est rempli : ils reçoivent de la France la formation et les diplômes annoncés. La France y gagne des partenaires étrangers amicaux et désireux de poursuivre des relations universitaires, commerciales et diplomatiques avec le pays où ils se sont formés. Mais il faut bien constater que, faute d'accueil et de suivi des étudiants « individuels », venus de pays déshérités, dont les aptitudes n'ont pas été évaluées et qui n'ont bénéficié d'aucune mise à niveau, ce résultat n'est pas atteint. Des études approfondies sur le devenir des étudiants étrangers en France manquent. De ce fait l'analyse des statistiques qui font apparaître un taux d'échec supérieur à celui des étudiants français n'est pas facile à réaliser. Il n'en reste pas moins que ce phénomène d'échec est préoccupant et qu'il faut y remédier.
Les étudiants en mobilité individuelle restent majoritaires : 135 500 sur une population globale d'environ 250 000. C'est précisément cette population d'étudiants individuels qui pose les principaux problèmes d'accueil, d'une part, parce que leur arrivée n'est pas (ou très mal) programmée, d'autre part, parce que leur effectif croît plus vite que ceux des autres catégories.
La quasi-gratuité des cursus suivis dans les universités françaises 3 ( * ) n'est pas un facteur puissant d'attractivité. pour des étudiants originaires de pays (Asie, Amérique Latine) où la qualité d'une université se mesure, entre autres, à son coût. On constate ainsi, pour donner un exemple, que les étudiants chinois et indiens choisissent peu la France et optent pour des universités payantes, aux Etats-Unis, en Australie, en Grande-Bretagne, qui leur offrent un accueil et un suivi universitaire. Ils préfèrent payer pour être accueillis, logés, pour bénéficier d'un suivi qui leur assure la réussite plutôt que d'être abandonnés à eux-mêmes comme ils le sont trop souvent en France.
Le cas de l'Australie est typique et à l'opposé du modèle français : bien que les études y soient très onéreuses, ce pays attire de nombreux étudiants du sud-est asiatique. Sans pour autant adopter une conception mercantile des études supérieures, la France attirerait plus d'étudiants de valeur si elle leur assurait les services qu'ils sont prêts à payer.
Ces quelques paradoxes nous permettent de comprendre qu'il faut apporter de profonds changements à notre façon d'accueillir les étudiants étrangers en France, en adossant ces réformes aux établissements supérieurs d'enseignement, à l'Etat, aux collectivités territoriales et aux entreprises.
* 2 Rapport annuel du Conseil national pour le développement de la mobilité internationale des étudiants (sept-oct. 2004).
* 3 Inscription en licence, 350 euros par an, et en master, 400 euros par an, la sécurité sociale étant incluse dans ces sommes.