17. ... et la diversité culturelle de l'offre...
Les difficultés financières de certains distributeurs indépendants ces dernières années 80 ( * ) sont peut-être en partie dues à cet « effet de ciseaux ». La distribution en salle est un poste de coût qui génère des externalités positives : un acteur petit, indépendant et uniquement focalisé sur la distribution salle n'a en effet pas les moyens d'endogénéiser ces externalités en amortissant ses investissements sur l'amont (production) ou l'aval (exploitation, vidéo) de la filière.
D'après nous, ce ne sont donc pas des investissements publicitaires excessifs qui sont la cause réelle des difficultés de la distribution indépendante , mais la structure de l'industrie et le mode de répartition de la recette dans un contexte de croissance générale du marché et de l'investissement. Les distributeurs indépendants sont en effet « le » segment le plus désavantagé par cette évolution. Il ne faut cependant à notre sens s'interdire de réfléchir à autoriser un nouveau mode de publicité pour cette raison.
L'existence d'un grand nombre de distributeurs indépendants, exception française en Europe, est en effet un gage de la diversité culturelle du marché et en ce sens, est d'intérêt général. Les distributeurs indépendants reçoivent déjà à ce titre aujourd'hui des aides du CNC pour encourager la dimension culturelle de leur métier ; les pouvoirs publics disposent donc là d'un levier plus direct - et explicitement accepté par les autorités européennes de la concurrence - pour compenser les difficultés économiques de ce segment de l'industrie.
Le parallèle avec la vidéo ou le disque n'apporte pas d'indications claires sur l'impact qu'aurait la publicité télévisée sur la part de marché des produits culturels français.
• Sans publicité TV, les films français détiennent 30 à 35% du marché du cinéma en salle.
• Avec publicité TV, les films français détiennent 15% seulement du marché de la vidéo.
• Avec publicité TV, la musique française détient une part de marché de 51% en 2003 sur les ventes de disques en France. La structure de l'industrie phonographique n'est pourtant pas très éloignée de celle du film et de la vidéo, avec des filiales locales de majors mondiales, des indépendants, un répertoire d'artistes internationaux et locaux. Beaucoup d'experts du secteur estiment que c'est la conjonction des quotas radiophoniques de musique française et de la puissance de la télévision sur les acheteurs de disques (les jeunes) qui a amené la PDM de la musique populaire française à ce niveau.
Avec, en 2002, 488 films (506 en 2001) de 30 nationalités différentes, dont 259 films européens, la France bénéficie de la plus importante offre cinématographique en Europe. Cette incontestable diversité est le résultat de la multiplicité des distributeurs et exploitants indépendants, de la largeur du parc de salles (le plus grand d'Europe), du poids de la production nationale (150 à 200 films par an). L'écart par rapport aux autres grands pays européens est réel par rapport à l'Allemagne ou au RU (300 à 350 films par an), mais inexistant par rapport à l'Espagne (516 en 2001) ; tous ces pays disposent pourtant d'un parc moins large et d'une production locale moins importante. L'influence spécifique de l'existence de la publicité TV sur la largeur de l'offre dans ces pays, n'est pas, à notre sens, primordiale par rapport à celle des autres facteurs.
Le montant moyen d'une campagne sur les télévisions hertziennes françaises était en 2002 de 845 000 € contre 446 000 € pour le montant total des investissements d'un distributeur sur un film moyen. Les partisans de la non-ouverture soulignent que nombre de films français et européens n'auront pas recours à cette forme de publicité. C'est exact mais de quelle utilité leur serait une couverture nationale en prime time pour promouvoir un film d'auteur distribué sur 10 copies dont 4 à Paris ? Avec le budget moyen d'une sortie (446 K€), les distributeurs pourront pour la moitié de cette somme, avoir accès aux chaînes thématiques culturelles et ils y trouveront une audience beaucoup plus en affinité avec leurs cibles (beaucoup plus parisienne et CSP+ que l'audience hertzienne).
* 80 Bac Films par exemple.