3. ... qui invitent pourtant à approfondir le nécessaire débat sur la politique publique de l'audiovisuel
Il est malaisé de déterminer ce qu'est la politique publique de l'audiovisuel . Ses caractéristiques principales (la liberté de communication tout particulièrement) ainsi que ses composantes institutionnelles (les différentes chaînes, le CSA...) sont identifiables. Mais, ses objectifs restent flous .
Ils n'émergent réellement que dans la partie des textes consacrés au secteur public (article 3 de la loi n° 2000-719 du 1 er août 2000).
Le secteur public se voit confier des missions, apparemment spécifiques, dites de service public, dans l'intérêt général.
« Art. 43-11 - Les composantes du secteur public doivent ainsi offrir au public, un ensemble de programmes et de services qui se caractérisent par leur diversité et leur pluralisme, leur exigence de qualité et d'innovation, le respect des droits de la personne et des principes démocratiques constitutionnellement définis. « Elles présentent une offre diversifiée de programmes en modes analogique et numérique dans les domaines de l'information, de la culture, de la connaissance, du divertissement et du sport. Elles favorisent le débat démocratique, les échanges entre les différentes parties de la population ainsi que l'insertion sociale et la citoyenneté. Elles assurent la promotion de la langue française et mettent en valeur le patrimoine culturel et linguistique dans sa diversité régionale et locale. Elles concourent au développement et à la diffusion de la création intellectuelle et artistique et des connaissances civiques, économiques, sociales, scientifiques et technologiques ainsi qu'à l'éducation à l'audiovisuel et aux médias. ... « Elles assurent l'honnêteté, l'indépendance et le pluralisme de l'information ainsi que l'expression pluraliste des courants de pensée et d'opinion dans le respect du principe d'égalité de traitement et des recommandations du Conseil supérieur de l'audiovisuel. |
Il importe ici d'observer que :
- le secteur public audiovisuel n'a pas vocation à maximiser ses audiences puisqu'il lui fait tenir compte de toutes les composantes du public et non de sa composante majoritaire ;
- les obligations qui pèsent ainsi sur lui et les obligations spécifiques de programmation le « condamnent » , au contraire, à accepter des « scores d'audimat » peu favorables ;
- cependant, des performances sont attendues de lui en termes de qualité et d'innovation .
Cette conception des missions du secteur public audiovisuel revient à lui conférer les caractéristiques d'un « bien public » et appelle l'existence d'un financement public du secteur.
Cette option apparaît justifiée théoriquement .
Ainsi qu'on l'a indiqué, il semble exister un dilemme entre la quantité des audiences des différentes offres télévisuelles et la satisfaction qu'elles inspirent . Or, l' issue « naturelle » de ce paradoxe , dans un contexte de financement par les annonceurs, est de consacrer le choix de la quantité aux dépens de celui de la qualité (mesurée par le degré de satisfaction des publics).
Cette observation doit peser tout son poids si l'on souhaite conduire une politique publique de l'audiovisuel où les objectifs de qualité, de diversité des programmes et de pluralisme effectif des intervenants soient mis au rang de priorités.
Votre rapporteur remarque que le financement apporté par voie de prélèvements obligatoires au secteur public audiovisuel est donc en cohérence de principe avec l'existence d'obligations légales spécifiques qui évincent nécessairement l'adoption des stratégies de programmation visant à maximiser les audiences .
Il reste à vérifier que, concrètement, ce modèle théorique soit viable :
- les conditions de financement du secteur public lui permettent-elles de remplir vraiment ses missions ?
- les objectifs de performances en matière de qualité et d'innovation qui sont exigés de lui sont-ils réalistes compte tenu des moyens alloués ?
Avant que d'aborder ces deux questions, votre rapporteur souhaite s'interroger sur les prolongements d'une politique publique de l'audiovisuel qui débouche sur le paradoxe au terme duquel s'instaure un effet de ciseau entre les courbes d'audience et celles de satisfaction .
Compte tenu de la place de la télévision dans les habitudes culturelles des Français, il y a là un défi pour la politique culturelle dans son ensemble.
Or, pour donner quelques éléments de réponse à la première question évoquée plus haut, il n'est pas certain que les conditions de financement du secteur public audiovisuel lui permettent de jouer complètement son rôle et, ainsi, de contribuer à relever ce défi.
La contrainte imposée à France Télé visions de financer environ le tiers de son budget par des ressources publicitaires équivaut , dans les faits, à fixer au secteur public un objectif d'audience .
Celui-ci est moins exigeant que dans l'hypothèse où la part des recettes publiques serait plus faible . En outre, certains experts estiment que l'existence d'un objectif d'audience constitue une incitation bienvenue et se trouverait vérifiée même si France Télévisions n'était pas contrainte de se financer par la publicité.
Ces observations ne doivent pas conduire à sous-estimer les effets de la nécessité où se trouve le secteur public à remporter des contrats publicitaires pour ne pas trop « décrocher » par rapport aux chaînes privées. Dans un contexte où le produit de la redevance est plus ou moins bridé, ceux-ci constituent l'essentiel de la marge de manoeuvre disponible. A terme, logiquement, les parts respectives de la redevance et des recettes de publicité devraient tendre à se rapprocher, si bien que le modèle de financement du secteur public devrait se banaliser à nouveau.
Alors que, d'ores et déjà , le niveau du financement publicitaire nécessaire à l'équilibre financier du secteur public est tel que les missions singulières du secteur public audiovisuel semblent ne pas trouver un appui suffisant dans la structure de son financemen t, cette situation semble devoir encore se dégrader et la dépendance des chaînes publiques aux recettes publicitaires s'accroître .
La perspective d' une forte aggravation de la pression publicitaire sur le secteur public audiovisuel paraît d'autant plus fondée que les objectifs de performance et d' innovation qui lui sont fixés semblent de moins en moins réalistes du fait de deux évolutions distinctes :
- le renforcement des objectifs assignés au secteur public audiovisuel, entendu au sens large, avec, tout particulièrement, la diversification et l'élargissement des chaînes (TNT, chaînes locales, chaîne publique internationale d'information,...) ;
- le décrochage entre les moyens financiers du secteur privé et du secteur public alors que ces opérateurs interviennent sur des marchés identiques 26 ( * ) .
Au total, il semble à votre rapporteur que les débats renouvelés par l'ouverture aux secteurs interdits sur la viabilité du modèle financier du secteur public , avec, en particulier, les avertissements lancés à cette occasion par le CSA, sont particulièrement pertinents .
Il n'est pas certain , à ses yeux, que le secteur public puisse longtemps éviter de subir une banalisation .
* 26 A titre d'exemple, il semble désormais hors de portée des chaînes publiques d'entrer dans la compétition pour l'acquisition des droits du championnat de France de football.