3. ... mais aussi d'une réglementation relativement restrictive fondée en principe, mais plus contestable dans ses modalités
On décrit plus en détail certains aspects de la réglementation française de la publicité télévisée et son évolution dans le chapitre suivant du présent rapport.
Elle apparaît sensiblement plus restrictive que chez nos voisins et l'interdiction de la publicité pour la distribution, le livre, la presse et le cinéma, jusqu'à l'intervention du décret d'ouverture de 2003, dont on présente ici une évaluation, en était une illustration singulière.
Inspirée par le souci du confort du téléspectateur, la réglementation française traduit également une forte volonté d'agir en amont pour influer sur la distribution de la ressource publicitaire entre les médias .
La mise en oeuvre d'une intervention publique dans ce domaine peut être justifiée sur le terrain de la théorie économique par le recours aux concepts de « bien public » et de maintien du pluralisme et de la diversité des médias.
Mais, le choix de privilégier 7 ( * ) l'outil réglementaire pour réguler , au moins partiellement, l' économie des médias est jugé contestable dans certaines approches qui estiment mieux fondé le recours à la taxation pour corriger les équilibres de marché.
a) Le concept économique de « bien public » permet de justifier l'intervention publique dans le domaine culturel
La consécration de l'idée qu'il existe une exception culturelle fonde l'existence d' une intervention publique pour la conforter. Certains produits entrant dans le champ de la production culturelle auraient le statut de « biens publics » à côté d'autres qui sont des biens purement marchands.
Les biens publics ont pour caractéristique essentielle de ne pas trouver de producteurs spontanés sur le marché .
Appliqué au secteur culturel des médias, le concept recouvre ceux d'entre eux qui présentent des contenus insusceptibles de générer une audience suffisante pour susciter des recettes permettant d'en financer les coûts.
Cette situation , intenable économiquement , peut être utile en termes de bien-être social , par exemple en contribuant au pluralisme des contenus, comme le montre l'exemple du paysage audiovisuel français.
Le rôle premier des médias contraints par les réalités du marché est en effet de développer leurs ressources , et non de satisfaire, en priorité, à des critères « hors marché » .
Le PDG d'une grande chaîne de télévision a récemment affirmé 8 ( * ) :
« Il y a beaucoup de façons de parler de la télévision. Mais dans une perspective « business » soyons réaliste : à la base, le métier de TF1, c'est d'aider Coca-Cola, par exemple, à vendre son produit...
Or pour qu'un message publicitaire soit perçu, il faut que le cerveau du téléspectateur soit disponible. Nos émissions ont pour vocation de le rendre disponible : c'est-à-dire de le divertir, de le détendre pour le préparer entre deux messages. Ce que nous vendons à Coca-Cola, c'est du temps de cerveau humain disponible (...).
Rien n'est plus difficile que d'obtenir cette disponibilité. C'est là que se trouve le changement permanent. Il faut chercher en permanence les programmes qui marchent, suivre les modes, suivre les tendances, dans un contexte où l'information s'accélère, se multiplie et se banalise. »
Cette déclaration que son auteur devait juger « un peu caricaturale et étroite » a, pour elle, l'immense mérite d'illustrer franchement l'un des problèmes majeurs que pose le financement des médias par la publicité : celui de l'impact de la publicité sur les programmes.
La déclaration du PDG de TF1 laisse peu de doutes sur l'existence de ce problème.
Les entreprises de média opèrent sur deux marchés : le marché des médias lui-même où elles « vendent » du contenu à une audience ; le marché de la publicité où elles cèdent une partie de l'espace du média à des annonceurs.
Outre qu'il n'est pas démontré que les chaînes puissent acquérir une position de suprématie en termes de parts de marché en se fixant des objectifs exigeants de qualité des contenus, il faut observer que la mécanique à l'oeuvre ne tend pas à favoriser la pluralité des programmes.
Les efforts entrepris par les chaînes concurrentes pour attirer l'attention de la « ménagère de moins de 50 ans » conduisent plutôt à copier les émissions qui semblent la séduire.
Les exemples de « contre-programmation » paraissent plus rares que les témoignages de mimétisme.
Dans ce contexte , le pluralisme des médias et la diversité des programmations , deviennent des biens publics au sens économique de ce terme , et, ainsi, se trouve justifié qu'une intervention publique vienne en garantir le maintien.
* 7 Si la voie réglementaire a été longtemps privilégiée, elle n'est pas exclusive du recours à la taxation comme l'ont montré les développements qui précèdent.
* 8 In « Les dirigeants face au changement »