C. DES RÉFORMES INTERNES DÉCISIVES
1. La réforme de la défense
La défense est un domaine stratégique de réforme pour la Bosnie-Herzégovine.
Le Haut Représentant s'est fixé comme objectif de créer une force militaire moderne, pouvant intégrer l'OTAN et participer à des opérations militaires à l'extérieur. Un ministère de la défense à l'échelon central a été créé, le contrôle parlementaire a été renforcé et, d'ici la fin 2005, les ministères de la défense des deux Entités devraient disparaître. Cette réforme, d'abord combattue par les responsables locaux, a finalement été acceptée.
Le ministre de la défense de l'État central, Nikola Radovanovic, nous a fait connaître ses projets : créer une armée professionnelle de 10.000 à 12.000 hommes, avec 5.000 à 7.000 réservistes, et une très petite composante aérienne et marine. Son objectif prioritaire est clairement l'adhésion à l'OTAN. Aujourd'hui, les trois armées en Bosnie représentent environ 12.000 hommes, avec des réserves de près de 200.000 hommes.
Toute la question est de savoir si, compte tenu des rivalités entre les peuples de Bosnie, la création d'une véritable armée professionnelle est indispensable, ou s'il ne faudrait pas mieux aller dans le sens de la création d'une force civilo-militaire. Alors que l'armée centrale est encore réduite à quelques hommes, des incidents ont déjà eu lieu, avec notamment le refus de militaires serbes de prêter serment à l'État central.
2. La réforme de la police
Pour la police, outre le rôle de la mission de police de l'Union européenne précitée, un progrès a été réalisé avec la création d'une « police des polices », le SIPA ( State investigation and Protection Agency ), qui regroupe les meilleurs policiers locaux, et qui se concentre sur le crime organisé et la lutte contre le terrorisme. Cette structure n'est cependant pas encore pleinement opérationnelle, en raison notamment de problèmes ethniques. Au-delà, le Haut Représentant a pour ambition de restructurer la police en Bosnie-Herzégovine, qui compte aujourd'hui 18.000 éléments et un ministère pour chaque échelon du pouvoir, y compris dans les cantons.
L'ancien premier ministre belge, Wilfried Martens, a remis en janvier 2005 un rapport au Haut Représentant qui fixe trois principes de réformes : une structure unifiée avec des compétences exclusives à l'Etat central, la non-interférence politique et la création de zones d'opération fonctionnelles et efficaces.
A la fin du mois d'avril 2005, date de notre mission, une réunion importante se tenait sur cette réforme de la police, et il est apparu que cette réforme était potentiellement porteuse de crise politique majeure. En effet, le Haut Représentant a retenu un découpage fonctionnel dont les contours ne respectent pas les frontières entre les deux Entités, ce que le Président de la Republika Srpska, Dragan Cavic, a dit considérer comme un véritable « casus belli » lors du déjeuner que nous avons eu avec lui.
Il apparaît qu'au-delà des recommandations du rapport Martens, la réforme de la police puisse être un premier pas pour remettre en cause l'existence même des deux Entités. En effet, certains pays comme les États-Unis ne cachent pas leur souhait de voir disparaître la Republika Srpska, considérée comme le seul résultat tangible de la politique menée par les nationalistes serbes. La volonté d'aller à l'encontre des dirigeants de la Republika Srpska est cependant dangereuse, alors même que des évolutions positives sont enregistrées dans plusieurs domaines.
La réforme de la police a, de fait, échoué, ce qui a conduit au report de l'ouverture des négociations en vue d'un accord de stabilisation et d'association (ASA). Ce report est une mauvaise nouvelle pour la Bosnie-Herzégovine.