AUDITION DE M. MICHEL BARNIER, MINISTRE DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES (EXTRAIT)
La délégation s'est réunie le mercredi 4 mai 2005 pour l'audition de M. Michel Barnier, ministre des affaires étrangères.
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M. Didier Boulaud :
J'ai effectué, il y a quelques jours, avec le président Hubert Haenel, une mission en Bosnie-Herzégovine, pays qui sera candidat un jour à l'adhésion à l'Union européenne. Le processus d'adhésion de ce pays à l'Union devrait d'ailleurs connaître une étape importante, le 19 mai prochain, avec l'ouverture de la négociation d'un accord de stabilisation et d'association. Dans le même temps, la Bosnie-Herzégovine s'est engagée dans des discussions en vue de son entrée dans l'OTAN avec, en premier lieu, une adhésion au partenariat pour la paix. Or, le sentiment que je retire de notre mission est que les pressions exercées sur ce pays pour qu'il adhère à l'OTAN risquent de faire passer au second plan l'objectif qu'il s'est fixé d'adhérer à l'Union européenne. Les efforts sur le plan économique restent, d'après moi, prioritaires, notamment pour atténuer les tensions interethniques qui restent vives.
Comme pour l'Afghanistan, le constat que l'on peut faire à propos de la Bosnie-Herzégovine est le suivant : moins il y a de militaires américains, plus la présence américaine est forte. Certes, il n'y a plus aujourd'hui de troupes américaines dans ce pays, car elles ont été remplacées par une présence militaire placée sous l'égide de l'Union européenne. Mais, malgré cela, nous avons eu le sentiment que les Américains restaient au coeur du processus de décision, et cela à tous les niveaux. Je rappelle d'ailleurs que le mandat du Haut représentant de l'ONU, qui est en même temps le représentant spécial de l'Union européenne, arrive à échéance à la fin de cette année. Je souhaiterais donc connaître votre sentiment sur les moyens de renforcer la présence de l'Union européenne en Bosnie-Herzégovine et sur l'action que pourrait mener la France à cet égard.
M. Michel Barnier :
Je partage votre sentiment sur la nécessité d'avoir une présence politique plus forte de l'Union européenne en Bosnie-Herzégovine, comme d'ailleurs dans toute la région des Balkans. Je m'efforce d'ailleurs d'y contribuer, notamment en me rendant dans chacun de ses pays. Alors que la Grèce fait déjà partie de l'Union européenne et que la Roumanie et la Bulgarie sont sur son seuil, cette région demeure encore trop enclavée et la perspective européenne est une évidence. Mais cette perspective doit avoir pour contrepartie l'abandon du réflexe nationaliste. Et puis, il y a aussi la question névralgique du Kosovo.
À propos de la Bosnie-Herzégovine, l'Union européenne consacre des moyens importants à ce pays, auxquels la France prend toute sa part. Notre pays a d'ailleurs payé un lourd tribut avec 84 soldats tués, près de 10 000 militaires français présents au cours du conflit, puis environ 7 500 après les accords de Dayton. Je pense donc que l'Union européenne devrait assumer toutes ses responsabilités, en prenant progressivement en main l'ensemble des dispositifs civils, policiers et militaires en Bosnie-Herzégovine. Comme vous l'avez mentionné, le mandat du représentant spécial de l'Union européenne dans ce pays arrive à échéance cette année et des consultations sont actuellement en cours au sujet de son renouvellement. La France a exprimé deux attentes : la réduction des pouvoirs exceptionnels du Haut représentant, notamment en matière de sanctions, et la définition d'une dimension plus européenne de son mandat, en séparant la fonction de Haut représentant de l'ONU de celle de représentant spécial de l'Union européenne.
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