2. Faire du Haut Représentant le représentant exclusif de l'Union européenne
Un point fondamental dans l'implication de l'Union européenne en Bosnie-Herzégovine serait de faire du Haut Représentant le représentant exclusif de l'Union.
Le Haut Représentant, bien que représentant spécial de l'Union européenne, et rendant compte à Javier Solana, semble agir de manière très autonome, sans implication forte du Conseil de l'Union. Il faut noter que ses principaux collaborateurs sont de nationalité britannique et américaine, même s'il dispose notamment d'un conseiller économique français, et que ses prises de position, par exemple pour la réforme de la police, vont au-delà des exigences de l'Union.
Il existe également un représentant de la Commission européenne en Bosnie-Herzégovine, dont l'action apparaît cependant limitée. Il conviendrait, dans la réforme des missions du Haut Représentant, que ce dernier devienne davantage, voire exclusivement, un représentant de l'Union européenne, comme c'est le cas dans l'ex-République yougoslave de Macédoine, et dispose d'une compétence sur l'ensemble des politiques de l'Union.
Enfin, comme cela a été souligné, le Haut Représentant rend compte au Conseil de mise en oeuvre de la paix et ses décisions se réfèrent souvent aux déclarations du Comité directeur de ce Conseil, mais cet organe ne réunit que des hauts fonctionnaires. Il serait nécessaire que, compte tenu de l'enjeu stratégique de l'intégration de la Bosnie-Herzégovine dans l'Union, les décisions les plus importantes soient réellement prises au niveau politique le plus élevé. La politique de l'Union européenne dans les Balkans est marquée par une différenciation croissante entre les pays de la zone, différenciation qui semble parfois motivée davantage par des considérations techniques que par une véritable réflexion stratégique. Si l'on ne saurait conditionner l'avancée vers l'Union de certains de ces pays aux résultats obtenus par d'autres, une trop grande disproportion de traitement entre des pays aux destins géographiquement et historiquement liés pourrait laisser penser que certains d'entre eux sont laissés de côté sans réelle justification.
3. Mettre en valeur le rôle de l'Union européenne en matière de défense
Nous nous réjouissions de constater, en Bosnie-Herzégovine, les progrès concrets de l'Europe de la Défense, puisque l'opération ALTHEA, forte de 7.000 hommes, est souvent présentée comme le modèle de la nouvelle politique de l'Union dans le domaine militaire.
Cependant, force est de constater que si l'EUFOR a effectivement remplacé la mission de l'OTAN en décembre 2004, ce remplacement n'a pas conduit à de véritables changements, pour de nombreuses raisons :
- l'organisation de l'EUFOR est calquée sur le modèle de l'OTAN ;
- il existe de nombreuses compétences partagées entre l'OTAN et l'EUFOR qui ne permettent pas d'avoir une réelle autonomie ;
- l'opération ne dispose pas de nation cadre, mais seulement d'une nation « leader » qui est la Grande-Bretagne ;
- les États participant à l'EUFOR sont nombreux et n'appartiennent pas tous à l'Union européenne ;
- enfin les règles d'engagement des forces varient suivant les États, ce qui complique les opérations.
Ainsi, une organisation en remplace une autre, mais les forces sur le terrain n'ont pas connu de changements qualitatifs ou quantitatifs significatifs. Elles sont, dans leur grande majorité, issues des États européens de l'OTAN et/ou de l'Union européenne et des pays partenaires et candidats à l'adhésion à ces deux institutions. Dans les faits, il ne s'agit que de la relève d'une force européenne déployée dans le cadre euro-atlantique par une autre force européenne relevant de l'Union européenne.
En conséquence, nous n'avons pu que constater que les dirigeants bosniens n'avaient qu'une priorité, l'adhésion à l'OTAN d'ici 2010, avant même l'adhésion à l'Union. Pour cela, ils sont prêts à entretenir une armée et même à envoyer des soldats en Irak. L'Union européenne est vue comme un marché économique, sans compétence en matière de défense, alors même que c'est elle qui entretient la force militaire en Bosnie.
Il conviendrait que l'Union européenne trouve les moyens d'affirmer davantage son rôle en matière de défense. Cette affirmation est d'autant plus cruciale que nombre de responsables bosniens gardent fortement en mémoire l'impuissance de l'Union européenne à mettre un terme aux conflits qui ont ravagé les Balkans dans les années 1991-1999 et, a contrario, l'intervention tardive mais décisive de l'OTAN.