LA DIFFICULTÉ DE RÉPONSE DE L'INDUSTRIE PHARMACEUTIQUE - M. DENIS HOCH, PRÉSIDENT DE SANOFI PASTEUR MSD

Mesdames et Messieurs, je suis heureux de l'opportunité qui nous est donnée de présenter la position de l'industrie et les difficultés qu'elle peut rencontrer.

Nous distinguons deux types d'approche du risque épidémique. La première approche concerne les risques épidémiques que l'on connaît, appréciables, ou habituels. Nous développons pour cela les vaccins que nous connaissons actuellement : coqueluche, rougeole, polio... Cela correspond à une approche normale, et nous verrons comment cette approche normale de l'industriel peut être optimisée. Le deuxième type d'approche concerne les risques exceptionnels, dont les risques dits naturels, de type SRAS ou grippe aviaire, qui dépendent de l'environnement, et les risques bio terroristes qui dépendent de l'oeuvre humaine. Pour ces types d'approche exceptionnelle, nous avons besoin d'un partenariat différent avec les autorités de santé.

Le domaine des vaccins est spécifique, il est centré autour du biologique avec, de plus en plus, l'intervention du bio technologique. Cela se traduit par des cycles longs en termes de développement, c'est assez classique d'un point de vue pharmaceutique, mais les cycles sont également longs en termes de production. La création d'une nouvelle unité de production nécessite 5 ans et un investissement capitalistique important. La production d'un vaccin requiert 9 à 10 mois avec des extrêmes pouvant aller jusqu'à 22 mois, tandis que d'autres produits, comme le vaccin contre la grippe, sont produits en 6 à 7 mois. Il faut retenir cet aspect de cycle long, car en cas d'urgence nous n'avons pas de flexibilité en termes de rapidité ou de capacité. J'insiste particulièrement sur la notion nécessaire d'anticipation dans toutes les actions.

Notre domaine est spécifique car relativement fragile, l'industrie du vaccin est très concentrée, il existe deux laboratoires au monde qui font des vaccins généralistes, et quelques autres qui font des vaccins centrés sur la grippe. Ce domaine est fragilisé parce qu'il est difficile, basé sur des cycles longs, et parce que l'on s'adresse à des sujets et à une population saine avec des logiques de critiques dans certains pays qui ont quelque peu fragilisé les industriels et les ont peut-être découragés d'investir. Néanmoins, c'est une industrie qui a quelques forces, elle est encore très fortement européenne - deux tiers des capacités de production sont en Europe, comme les deux tiers des investissements de recherche et développement - et c'est une industrie qui, avec l'apport des biotechnologies, va produire de nouveaux produits dans les prochaines années. Notamment des vaccins contre le zona, les diarrhées aiguës à rotavirus du nourrisson, des vaccins préventifs contre le cancer du col de l'utérus contre le papilloma virus, ce sont de grosses innovations qui arriveront dans les deux à trois ans, c'est l'un des secteurs les plus innovants, y compris comparé à la pharmacie. C'est également un petit secteur car il ne représente que 1,5 % du chiffre d'affaires de l'industrie pharmaceutique. Il est concentré, petit, fragile parce qu'il existe aujourd'hui une appétence vers les États-Unis car les vaccins y sont assez peu présents, les prix y sont plus élevés, les incitations à aller aux Etats-Unis sont donc de plus en fortes. Ce domaine, aujourd'hui très européen, peut donc être attiré par les États-Unis comme ce fut le cas pour l'industrie pharmaceutique.

En retenant les notions de cycle long et d'innovation, le mot clé pour nous est l'anticipation. Pour les risques normaux et épidémies connues, nous avons besoin de relations avec les autorités de santé pour avoir une vision de leurs besoins et souhaits, de façon à anticiper nos besoins en capacité de production. Cela est vrai pour les vaccins actuels, rougeole, coqueluche... Nous avons également besoin, et c'est plus spécifiquement le cas en France, d'avoir des actions d'incitation ou de sensibilisation des acteurs de santé, je pense aux médecins généralistes qui sont peu sensibilisés à la vaccination des adultes et seniors. Cela est important en cas d'épidémie grave, ils doivent redevenir des acteurs de vaccination. Nous manquons, en France et ailleurs, d'outils de suivi, de registres de vaccination sur lesquels nous pourrions nous appuyer. Les industriels n'en disposent pas, mais les autorités de santé non plus et cela est dommage car c'est un facteur clé dans le suivi de l'efficacité collective de la vaccination, puisque c'est bien un exercice collectif. Cela concerne les besoins dans le cadre d'épidémie quantifiable pour des maladies que l'on connaît.

Le secteur des risques exceptionnels est plus difficile à gérer. Cela concerne la grippe pandémique aviaire, le SRAS, le bioterrorisme. Là, plus encore que dans le cadre de la vaccination normale, nous avons besoin de partenariats avec les autorités de santé. Nous avons besoin de connaître leur vision, leurs supports, afin de travailler en anticipant. Nous ne pouvons pas sortir, en quelques semaines ou quelques mois, des vaccins sans y être préparés. Les autorités doivent nous aider, et définir des priorités. J'étais satisfait d'entendre le Ministre parler, dans le cadre de la grippe aviaire, de la concrétisation d'un appel d'offres en France concernant le vaccin prépandémique H5N1 et le blocage de doses pour un éventuel vaccin pandémique. Cela est extrêmement important car, en ces domaines, l'industrie du vaccin a besoin de soutien effectif. Ce sont des actions pour lesquelles aujourd'hui nous ne pouvons avancer que si nous sommes soutenus. Ce soutien existe dans certains pays, notamment aux États-Unis qui sont très avancés sur ces questions, par le biais d'appels d'offre incitant les industriels à préparer des vaccins. Cela a été fait pour le virus pandémique H5N1, pour l'anthrax également, 900 millions de dollars sont débloqués pour le développement d'un vaccin contre l'anthrax. En France, et en Europe, j'insiste sur un nécessaire partenariat France-Europe, les épidémies que nous aurons peut-être à gérer ne se borneront pas aux frontières. Il faut donc une coordination européenne et mondiale. Nous travaillons avec l'OMS, la Commission européenne et les autorités françaises, et avons besoin de supports. Certaines choses simples ont été faites, comme pour la grippe pandémique la capacité à enregistrer un vaccin très rapidement au niveau européen. Nous avons besoin de supports, pour travailler sur le virus H5N1 nous travaillons depuis l'année dernière sur un vaccin prototype, le virus aviaire identifié tel qu'il est sert de base à la préparation d'un vaccin prototype qui servira, au moment où se produira la mutation dont parlait Monsieur le Docteur Jean-Claude MANUGUERRA, de véhicule pour faire le vaccin pandémique. Nous substituerons au virus H5N1 aujourd'hui identifié le futur vaccin mutant, nous aurons ainsi la base du vaccin. Lorsque nous n'en aurons plus il faudra redémarrer les épisodes d'essai et de production, mais cela permettra de gagner du temps. Au niveau français et européen, nous avons eu beaucoup de mal à trouver une aide pour développer un vaccin prototype pandémique qui coûte en moyenne 11 millions d'euros. C'est une petite somme, or nous avons eu du mal au niveau européen. C'est ainsi que je suis satisfait de la déclaration du Ministre car elle va inciter des industriels à démarrer ou poursuivre dans cette voie. Cela est incitateur et c'est dans cet esprit de partenariat privé/ public qu'il est important pour nous d'avancer et de marquer des points.

Nous avons également besoin d'autres partenariats simples. Dans le cadre de la grippe pandémique, les technologies utilisées sont des technologies de réserve génétique, soit des OGM. Certaines lois qui ne sont pas faites pour ça nous freinent par une perte de temps en demandes administratives pour le développement et la production. Au niveau européen, les États membres doivent le comprendre, cela peut sembler de petits détails, mais ils feront perdre un temps précieux si cette grippe pandémique devait se déclarer. Le temps de préparation du vaccin pandémique dépendra de notre capacité à préparer des vaccins prépandémiques, c'est pour cela que le vaccin prototype est clé, il faudra que soient levées les barrières administratives. En cette matière, le dossier européen a progressé, reste encore à progresser sur les lois GMO. Le dernier point réside dans la capacité de production qui est liée à certains facteurs. Aujourd'hui nous savons que nous n'aurons pas la capacité de production nécessaire pour couvrir toute la population et des arbitrages sont à envisager. Il faudrait, c'est notre proposition, augmenter cette capacité, cela ne peut se faire que dans le temps, mais également que soient organisées des discussions entre États membres, à la Commission européenne, et à l'OMS au niveau mondial, sur la distribution équitable de ces vaccins pandémiques lorsque la situation l'exigera. Nous n'aurons pas avant quatre ou cinq ans une capacité suffisante pour couvrir une grippe pandémique, s'il est possible de trouver les moyens d'augmenter cette capacité de production.

Nous sommes, pour les vaccins, dans un domaine de santé publique, y compris pour les vaccins dits normaux (rougeole, coqueluche...), nous devons travailler en fonction des visions et priorités des autorités de santé publique. Nous devons mieux mobiliser les acteurs de santé, le médecin généraliste en premier lieu, pour préserver l'image du vaccin. Les industriels s'attachent de leur côté à faire des améliorations qualitatives. Enfin, en cas d'événement exceptionnel, priorité doit être donnée à la concertation et à l'anticipation qui procèdent d'une vision à la fois politique et internationale. Je vous remercie.

M. Jean-Pierre DOOR

Je vous remercie. Nous venons de traiter une partie importante de la question. Vous pouvez maintenant interroger nos invités.

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