RÉPONSE AUX QUESTIONS DES PARLEMENTAIRES -

M. Pierre-Louis FAGNIEZ, député du Val-de-Marne

Madame et Messieurs les rapporteurs, je souhaite d'abord vous remercier d'avoir organisé cette table ronde et pour la qualité des interventions qui ont très bien précisé la nature du risque épidémique. Monsieur le Professeur Philippe KOURILSKY nous en a donné une bonne définition, mais il nous a bien montré qu'il n'existe pas qu'un risque infectieux, or nous n'avons parlé jusqu'à présent que du risque infectieux et même uniquement du risque prouvé, même si Monsieur le Médecin Général Jean-Étienne TOUZÉ a parlé de menaces qui ne sont pas avérées. En tant que parlementaire, je souhaite vous parler du risque non infectieux hypothétique qui est sans doute le risque épidémique qui effraie le plus nos concitoyens si l'on en croit les courriers qui arrivent dans les permanences : je veux parler des antennes relais et des téléphones portables. C'est aujourd'hui le risque épidémique le plus ressenti dans la population. Nous devons en parler puisque la population attire notre attention sur ce risque hypothétique non infectieux. Je souhaite que vous nous éclairiez sur cette question au sujet de laquelle nous sommes souvent interpellés en tant que parlementaires.

Mme Marie-Christine BLANDIN

Vous avez raison, le citoyen est roi, s'il est inquiet, il a le droit d'obtenir des réponses, mais le choix qui a été fait pour ce rapport était de le circonscrire au risque infectieux, nous aurions autrement été amenés à parler de l'amiante, des antennes... Le préambule à ce rapport précisera que d'autres rapports concernant d'autres menaces seront peut-être nécessaires 3 . Pour notre part, nous suivons l'adage « qui trop embrasse, mal étreint ».

M. Jean-Pierre DOOR

Monsieur FAGNIEZ obtiendra une réponse plus tard puisque personne n'est à même de lui répondre ici. J'ai moi-même une question à l'attention de Monsieur Philippe VANNIER le Directeur de la santé animale, qui a parlé des viandes et transports d'animaux. Je souhaite soulever une question qui n'a pas encore reçu de réponse au sujet des animaleries. Les Français aiment les petits animaux de toutes variétés, et nous nous demandons comment ces animaleries sont contrôlées et s'il n'existe pas des échappatoires.

M. Philippe VANNIER

Je vous remercie, Monsieur le député. Il s'agit effectivement d'un risque réel car si les animaleries tombent sous le coup de lois et de réglementations, elles font aussi l'objet de mouvements illégaux. Nous avons pu constater dans la presse, même si cela n'a eu aucune conséquence, que deux aigles en provenance de Thaïlande ont failli entrer en Europe. Le risque n'est pas nul, il s'est produit aux Etats-Unis une épidémie de monkeypox liée à l'introduction illégale de canidés sauvages dans le pays. Les risques de chlamydophilose sont liés aux oiseaux. Il existe également des risques que je n'identifie pas totalement, mais qui sont une réalité et qui sont liés aux contacts étroits avec les enfants et la population citadine qui aiment voir ces oiseaux et sont directement en contact avec eux, puisque les cages ne sont pas protégées. Cela est également générateur d'un certain nombre de trafics qui échappent en partie au contrôle douanier et aux services vétérinaires. Des mesures de renforcement, dont je ne connais pas la forme, sont à prendre, c'est un point à prendre en considération.

M. Jean-Pierre DOOR,

Je vous remercie. La parole est à Madame BRIOT.

Mme Maryvonne BRIOT, député de Haute-Saône

Je vous remercie de la grande qualité de vos interventions. Je rejoins mon collègue, car notre rôle est de relayer les préoccupations que nous entendons sur le terrain. Cela est lié à la perception du risque que peut avoir une population. Le Général signalait que le terrorisme recherche la désorganisation de la population, cela est donc bien lié à la perception de ce risque. Ce n'est peut-être pas le risque en lui-même ou la gravité du risque qui sont en cause, mais la perception de ce dernier. Nous avons vu l'inquiétude grandir dans la population lorsque circulaient ces enveloppes contenant de la poudre blanche censée être du charbon. Je souhaite établir le lien avec les notions de précaution et de prévention, un de nos intervenants signalait que confondre précaution et prévention revient à trop se tourner vers la précaution et à judiciariser les situations. Le risque serait que nous adoptions des mesures hyper protectionnistes. Est-ce vers cela que nous devons tendre ? Qu'en pensent les scientifiques ? Lors d'une épidémie, on isole, devons-nous donc aller vers plus de protectionnisme ou plus de précaution et de surveillance comme cela est le cas aux États-Unis ou au Canada ? Nous devons effectivement travailler ensemble, avoir une réflexion globale, européenne et mondiale, réfléchir à l'équilibre de mise à disposition des vaccins, mais la mise en place de mesures de précaution ne risque-t-elle pas d'entraîner certaines mesures isolationnistes que nous ne souhaitons pas ?

M. Jean-Pierre DOOR

Monsieur le Professeur Philippe KOURILSKY vous évoquiez tout à l'heure ces notions de précaution et de prévention, pouvez-vous répondre ?

M. le Professeur Philippe KOURILSKY

Madame le Député, vous soulevez le problème très important du contrôle du risque par rapport au contrôle de la perception du risque et donc des enjeux démocratiques importants. La réponse que l'on peut faire consiste à déplacer le débat sur le meilleur usage que l'on peut faire de l'argent public. L'argent n'est pas illimité, et celui qui sert pour certaines mesures de précaution n'est pas utilisé à autre chose. Lorsque l'on constate le coût de certaines mesures de précaution, par rapport au coût de la prévention du cancer du sein qui s'est beaucoup améliorée, il existe deux poids et deux mesures, je pense que la bonne attitude consiste à revenir aux paramètres factuels, aux statistiques et aux coûts. Cela n'est pas toujours populaire, et pour deux raisons. Il est tout à fait remarquable qu'en économie de la santé, on n'ose pas publiquement parler du coût de la mort qui demeure un tabou, mais cela est pourtant un paramètre basique dans la gestion des problèmes de santé publique. Cela n'est certes pas populaire, mais notre approche scientifique doit nous permettre de devenir le moteur d'une sorte de rationalisation, bien que la raison ne gouverne pas tout et nous partageons cet avis. Nous devons remettre sur la table les paramètres de réalité alors que le champ de la précaution est, par définition, celui de l'hypothèse, elle-même l'occasion du glissement de sens. Remettre les paramètres de la réalité sur la table, et notamment de réalité économique, me semble essentiel. Quand nous voyons - d'autres ici sont plus qualifiés que moi pour en parler - que l'introduction d'un test dans la transfusion sanguine coûte des centaines de millions d'euros pour un bénéfice calculé de 0,5 vie /an, etc . , nous constatons que l'argent public n'est pas forcément utilisé au mieux.

M. Jean-Pierre DOOR

Je vous remercie. Monsieur le Professeur Jean-Paul LEVY a la parole.

M. le Professeur Jean-Paul LEVY

Je souhaite revenir sur deux points, ma question s'adresse plus aux parlementaires. Nous sommes confrontés à un problème de société, lorsque l'on parle des vaccins nous oublions qu'un vaccin a deux fonctions. Il est destiné à protéger les personnes contre la maladie, mais également à protéger les populations contre l'extension des maladies. Dans une société où le principe de précaution et de protection de l'individu est devenu absolu, nous avons pris progressivement des attitudes dans les règlements, nous venons de le voir avec un vaccin contre le VIH, qui mènent à des décisions bloquant toute évolution. J'ignore s'il est possible de faire quelque chose, c'est pour cela que je m'adresse aux parlementaires, car il s'agit d'une question d'éducation, de communication vers les personnes. Ensuite, plusieurs des questions soulevées impliquent une interaction public/ privé plus importante, je ne sais pas si cela est possible. Du côté par exemple du bioterrorisme - question éducative également et de perception du risque par les populations -, Monsieur le Médecin Général Jean-Étienne TOUZÉ a souligné le problème d'organisation des liens dans les systèmes d'urgence, entre les militaires, la CIBU de l'Institut Pasteur, etc . , et il est vrai que nous avons le sentiment que l'on ne cherche pas suffisamment à organiser notre système d'urgence, de détection et de protection. D'un autre côté, vers l'industrie des vaccins, s'il a été souligné que le prototype de vaccin H5N1 représente une lourde intervention, il est vrai que l'État devrait se soucier de la mise au point du prototype parce que nous ne sommes pas sûrs d'en disposer en cas contraire. Par ailleurs, il existe de nombreux vaccins orphelins sur lesquels nous devrions agir, cela concerne bien sûr le Sud, et nous ne le faisons pas suffisamment. Nous avons enfin beaucoup évoqué les antibiotiques sans vraiment en parler, et le vrai problème concerne la façon de relancer la recherche sur les antibiotiques et la façon dont un partenariat public/ privé pourrait aboutir à de nouveaux antibiotiques à l'avenir.

M. Jean-Pierre DOOR

Monsieur Denis HOCH, pourriez-vous répondre au Professeur LÉVY.

M. Denis HOCH

Je ne peux répondre concernant les antibiotiques, la question est à poser à des spécialistes du domaine. Concernant les vaccins, nous avons effectivement besoin de visibilité et de supports, nous travaillons également sur des vaccins à destination de l'ensemble de la population mondiale. J'ai évoqué le vaccin rotavirus, nous travaillons sur la malaria, la dingue, le HIV de façon évidente pour lequel beaucoup d'essais arrivés en phase 3 ne sont pas satisfaisants. La barrière n'est uniquement financière, elle est parfois technique et technologique, il faut le savoir. Dans le domaine des vaccins, nous fonctionnons avec certains organismes comme la Banque mondiale, le GAVI ou le Vaccine found qui permettent, ce qui n'existe pas dans le domaine pharmaceutique, des développements de produits pour les pays en voie de développement. Nous sommes probablement très en avance sur ce qui se fait en pharmacie, pour inciter au développement pour les pays en voie de développement.

Je tiens à revenir sur le sujet sensible du protectionnisme. Une des questions que je pose, en tant que responsable européen et mondial de développement de vaccin, est relative aux réactions des États en cas de pandémie. La France, avec Sanofi Pasteur, représente 40 % de la production mondiale. En cas de pandémie, la France, l'Europe fermeraient-elles leurs frontières ? C'est un souci pour nous et nous souhaitons que les politiques prennent position en avance, parce que ce n'est pas dans l'urgence que l'on prend ce type de décision, il faut prédéterminer car cela représente un enjeu majeur pour nous. Nous espérons que cette pandémie ne se produira jamais, mais nous souhaitons être préparés.

M. Jean-Pierre DOOR

Je vous remercie, je souhaite saluer et remercier pour leur présence messieurs Claude BIRRAUX et Jean-Yves LE DÉAUT qui sont vice-présidents de l'Office parlementaire. J'ai une question à l'attention de Monsieur le Médecin Général Jean-Étienne TOUZÉ, motivée par une alerte de la part de l'Ordre des pharmaciens. Certains médicaments fabriqués dans des pays étrangers très éloignés sont parfois en vente sur internet. Je connais moi-même certaines personnes se procurant des médicaments via internet. N'est-ce pas un vecteur possible, comme l'eau ou l'air, de transmission dans un cadre de bioterrorisme ? Y avons-nous pensé ?

M. le Médecin Général Jean-Étienne TOUZÉ

Il s'agit là d'une question importante et judicieuse, je ne pense que personne ne s'est encore penché sur ce problème. C'est une problématique qui peut se poser, mais je n'ai pas d'élément de réponse.

M. Jean-Pierre DOOR

Monsieur LE DÉAUT vous avez la parole.

M. Jean-Yves LE DÉAUT, député de Meurthe-et-Moselle

Je n'ai pas pu entendre les communications, mais j'ai également une question à l'attention de Monsieur le Médecin Général Jean-Étienne TOUZÉ concernant le bioterrorisme. Je viens de rendre un rapport sur les biotechnologies en France en en Europe 4 . J'ai auditionné de nombreuses personnes, dont certaines sont à cette table, mais nous n'avions pas pu auditionner le Ministère des Armées. Toutes les personnes que nous avons vues déclaraient que nous n'étions pas préparés à une attaque bioterroriste. Les Américains consacrent 3 à 4 milliards de dollars par an, depuis le 11 septembre 2001, aux techniques de détection rapide car une attaque bioterroriste nécessite une réaction rapide. Je me suis rendu au Japon, aux États-Unis pour constater leurs actions. Les instances de notre pays, mais pas directement le Ministère des Armées, nous ont signalé qu'aucune demande n'avait été faite aux instances compétentes, à savoir les commissions de génie génétique et de génie biomoléculaire qui donnent les autorisations ; elles ont par ailleurs souligné que nous ne disposions pas de programme de recherche de niveau suffisant sur ce sujet. Elles ont également signalé qu'il n'existait pas d'harmonisation suffisante entre le Ministère des Armées, responsable de la sécurité de nos troupes, et le Ministère de l'Intérieur, responsable de la sécurité civile des citoyens. Cette question me paraît importante, je félicite Madame Marie-Christine BLANDIN et Monsieur Jean-Pierre DOOR qui vous ont invité à ce sujet.

M. Jean-Pierre DOOR

Monsieur le Général, vous avez la parole.

M. le Médecin Général Jean-Étienne TOUZÉ

Vous posez la bonne question. Nous sommes aujourd'hui parés vis-à-vis du risque variole puisque nous disposons de stocks de vaccins suffisants pour protéger la population et parce que des exercices ont été réalisés ces deux dernières années en ce domaine. Nous sommes protégés, en cas de charbon, par les stocks d'antibiotiques que nous possédons. Votre question est importante puisque nous ne sommes pas prêts face à d'autres agents que nous ne connaissons pas, et la réactivité de nos systèmes de surveillance épidémiologique, de nos laboratoires, peut nous amener à prendre du retard. Prenons le cas de la variole, elle n'a plus été enseignée dans nos facultés durant des années, nous aurons certainement un retard diagnostique puisque nous penserons avant à la varicelle et non à la variole. Par ailleurs, nous ne sommes pas habitués à identifier très précocement des maladies à leur stade initial, on ne les identifie qu'une fois qu'elles sont réellement déclarées. Il existe un temps de latence entre les premiers symptômes et la déclaration qui peut être préjudiciable et occasionner des épidémies. Il est vrai que la recherche en France est éclatée, dans une même université des laboratoires peuvent travailler sur les mêmes agents et ne pas communiquer entre eux. Il existe une dichotomie entre la recherche publique et la recherche privée, entre les industriels et le public, entre la défense et le civil. Pour notre part, nous essayons de nous rapprocher de la recherche institutionnelle et avons des conventions avec l'Institut Pasteur sur le vaccin contre le charbon, et dans d'autres domaines. Nous devons multiplier ces actions si nous voulons être compétents et performants.

M. Jean-Pierre DOOR

Madame BRIOT désire poser une question.

Mme Maryvonne BRIOT

Ces réflexions tournent autour de la peur de ce qui risque d'arriver. Il me semble tout de même que l'épidémie de VIH génère des coûts justifiés parce que cette épidémie est mortelle. Dans le cadre du bioterrorisme, comme le souligne le Général, on ne peut pas prévoir des épidémies ou maladies que nous ne connaissons pas. Faut-il mettre des moyens énormes dans des plans de prévention de risques qui n'existent pas encore au risque de délaisser la prévention d'autres maladies avérées qui tuent chaque jour ? Je vous prie de pardonner cette réflexion quelque peu abrupte.

M. Jean-Pierre DOOR

Cela vient du coeur. Monsieur le Professeur Philippe KOURILSKY peut apporter une réponse.

M. le Professeur Philippe KOURILSKY

Je peux donner un élément de réponse en signalant que, dans de nombreux cas, le problème du bioterrorisme chevauche celui des maladies émergentes. Il est donc important d'y être préparé, quelles que soient les hypothèses : infection et propagation naturelle ou volontaire et agressive dans le cadre du terrorisme auquel répond la cellule d'urgence que nous avons développée. Si l'on regarde l'impact possible ou probable des processus de détection rapide des agents infectieux dans l'air ou dans l'eau, nous avons un marché civil énorme. C'est une des voies d'avenir de l'écologie scientifique et de l'écologie démocratique. Si nous avons les moyens de mesurer ou de mieux connaître notre environnement, cela aura un impact économique tout à fait considérable. Je pense qu'il existe d'excellentes raisons de s'engager dans ces voies.

M. Jean-Pierre DOOR

Monsieur le Général vous avez la parole.

Monsieur le Médecin Général Jean-Étienne TOUZÉ

Je partage tout à fait ce que dit le Professeur KOURILSKI. Les exercices qui ont été faits, les plans qui ont été établis ces dernières années pour la grippe et la variole serviront pour les maladies futures. Nous avons mis en place un réseau zonal, départemental, qui permettra de réagir. Les outils sont en place, ils sont adaptés à des germes que nous connaissons aujourd'hui, mais pourront être adaptés à de futurs agents. Il était important de faire ces exercices variole, de mettre en place des structures au niveau des départements et des préfectures car ces mesures serviront pour les prochains agents.

M. le Professeur LÉVY

Ce n'est pas de mettre des moyens sur des maladies que l'on ne connaît pas ou particulières qui importe. Il s'agit, au niveau de la détection, d'avoir une meilleure organisation entre les rares forces qui existent en France de détection d'urgence, il existe une dispersion complète qui nécessite un réel effort de coordination, notamment entre civils et militaires. Sans que cela soit une critique particulière, le fait est que chacun demeure dans son pré carré et ne s'occupe guère ou très peu des autres, c'est un problème d'organisation. Du côté de la recherche, c'est un problème de méthode, d'orientation vers certains problèmes sur lesquels il faut mener des actions particulières.

Une intervenante

Pour clore cette première partie, une réflexion et quelques questions. Quand Monsieur Philippe VANNIER pointe le fait que les sorties d'élevages, ou les petits élevages familiaux et non surveillés, représentent un risque de contamination entre les animaux et la faune sauvage ou bien entre les animaux et l'homme, j'ai besoin de savoir, en tant que politique, s'il s'agit d'un plaidoyer pour le tout confiné et s'il faut aller encore plu loin dans ces élevages industriels quasi-hospitaliers ou bien pour une surveillance meilleure. A Monsieur le Professeur Philippe KOURILSKY, je souhaite demander si nous disposons d'éléments concernant l'immunité acquise et sa durée par rapport à nos vaccinations d'enfance. La population adulte et âgée a-t-elle encore trace des anticorps qu'elle a reçus, avons-nous des éléments de santé publique à ce sujet ? A Monsieur Jean-Claude MANUGUERRA, je demande si les circonstances particulières du tsunami et l'apport de protéines par du poulet originaire du Viêt-Nam et de Thaïlande ont une incidence sur les populations de Thaïlande et d'Indonésie particulièrement précarisées, cela a-t-il été surveillé ? Les personnes ne voulaient plus manger de poisson censé avoir été en contact avec les cadavres, il a donc été procédé à des importations de poulet, et comme la glace avait été requise pour les cadavres, ces poulets étaient vivants. Cela a interpellé quelques chercheurs qui ont fait remonter leurs inquiétudes. A Monsieur Denis HOCH, qui plaide pour que l'absence de loi ne soit pas un frein à la recherche et à la mise au point de vaccins, ne pensez-vous pas qu'il aurait fallu promouvoir des lois séparées, non pas sur les organismes génétiquement modifiés, mais séparant la notion de virus et cellules génétiquement modifiés à finalité de recherche de thérapie ou de prévention, et celle des plantes génétiquement modifiées à finalité agro-alimentaire qui touchent la volonté des Français pour leur assiette, alors qu'ils sont prêts à accepter des manipulations en matière de vaccins. Enfin, à l'attention du Professeur ALLEMAND, avons-nous une idée du coût des maladies infectieuses ?

Mme Marie-Christine BLANDIN

Nous balayons toutes les questions, ce que nous n'avons pas pensé à vous demander en privé apparaît maintenant.

M. Denis HOCH

En ce qui me concerne, la réponse est oui. La loi n'avait tout simplement pas prévu cette utilisation.

M. Philippe VANNIER

Madame la sénatrice, vous posez une question de fond. Permettez-moi de ne pas entrer dans un débat de société, ce qui n'est pas mon rôle, je dois vous alerter sur un certain nombre de situations épidémiologiques qui génèrent et créent le risque. Je dois distinguer pour répondre les petits élevages des élevages industriels. Nous constatons à l'heure actuelle une réémergence de brucellose, tuberculose, liées à un contact entre la faune sauvage, cervidés, sangliers, et la faune domestique bovine et porcine, qui créent un réel problème puisque la brucellose et la tuberculose ont été presque totalement éradiquées dans la population domestique animale après des décennies d'efforts. La contamination de la faune sauvage et les contacts avec la faune domestique créent un problème énorme de santé animale comme de santé publique. Cela est tout à fait typique de l'influenza aviaire, je me posais la question en compagnie de scientifiques américains et européens, pourquoi y a-t-il eu aux États-Unis, en Hollande et en Belgique l'année passée, des épidémies d'influenza aviaire ? Nous nous demandions pourquoi cela avait ressurgi. La réponse est relativement consensuelle parmi les spécialistes, c'est parce que l'on voit de plus en plus d'élevages en extérieur, avec des animaux en contact avec la faune sauvage. Les Hollandais ont presque imposé, pour certains élevages de palmipèdes ou volailles, une obligation de réintroduire les animaux à l'intérieur des bâtiments au moment du passage des oiseaux migrateurs afin d'éviter les contacts.

En revanche, l'élevage industriel a pour beaucoup, mais pas pour tous, un niveau de biosécurité important pour mesurer les mouvements incontrôlés de personnes en contact avec les animaux puis avec d'autres élevages, les mouvements d'animaux. Ces mesures de sécurité sont très importantes à imposer en termes de prévention à la fois du premier foyer et de dissémination entre élevages. Au niveau de l'élevage industriel, il existe également un risque épidémiologique à prendre en considération, nous avons même pour cela des modèles mathématiques. Le problème réside dans le grand nombre d'animaux dans un même site, lorsqu'il s'agit d'un problème pulmonaire - il faut bien différencier le tropisme des virus entre le digestif et le pulmonaire car le risque épidémiologique est différent -, et lorsque les poumons sont atteints par un virus, ou une bactérie, il y a une excrétion dans l'air et une aérosolisation qui amplifient le risque épidémique par transmission aérienne. Les virus peuvent alors se transmettre à de très longues distances, cela a été démontré pour la fièvre aphteuse, transmise à des distances de 250 kilomètres. Des modèles mathématiques permettent de prédire la transmission par voie aérienne. Dans un cadre industriel, plus le nombre d'animaux augmente, plus il y a amplification, mais un deuxième élément est important : la distance entre les élevages. Il s'agit d'un facteur essentiel, il n'existe aucune commune mesure entre les situations en Hollande et en Belgique par exemple, et les situations dans les zones de plus forte densité en France, comme la Bretagne. En Hollande et en Belgique, les distances entre deux élevages sont parfois d'un mètre seulement. Nous ne connaissons pas cette situation en France, mais plus la distance est courte, plus la probabilité d'atteinte d'un virus du foyer infectieux vers un autre élevage indemne est grande. Tous ces éléments doivent être pris en compte dans des mesures de prévention et de biosécurité pour limiter la propagation de certains agents viraux.

M. Jean-Pierre DOOR

Je vous remercie. Monsieur le Professeur Philippe KOURILSKY vous avez la parole.

M. le Professeur Philippe KOURILSKY

Je rebondis sur cette intervention pour signaler qu'un point n'a pas été évoqué, le problème des presque 10 millions d'animaux de compagnie. Ce n'est pas un sujet très populaire, mais des contacts directs avec les humains peuvent être provoqués, et des contacts indirects puisque je ne crois pas que l'on ait mesuré l'impact sanitaire de nos trottoirs sur la santé des populations.

Quant à l'immunité acquise, elle est variable. Très longue dans le cas de la variole, avec des données rétrospectives qui indiquent des potentialités de protection jusqu'à 60-70 ans, soit une vie entière, mais cela dépend beaucoup des infections et des vaccins. C'est long pour la rougeole, la fièvre jaune, et nettement plus court pour d'autres vaccins. Cela est connu lorsque l'on a pu le mesurer. De façon expérimentale, lorsqu'un nouveau vaccin est mis en circulation, il s'écoule un temps durant lequel nous procédons à des mesures permettant de déterminer ce paramètre.

M. le Docteur Jean-Claude MANUGUERRA

En ce qui concerne le tsunami et l'importation de poulet vivant, la question se pose pour la Thaïlande et l'Indonésie, or une épizootie est déjà déclarée dans ces pays et en cours de développement. Au moins 8 provinces thaïlandaises sont déjà atteintes, il n'existe donc pas de problème d'introduction de virus sur un territoire indemne. Le problème se pose pour le Sri Lanka pour lequel il n'y a, à ma connaissance, pas de cas de grippe aviaire rapporté. Il est vrai, notamment pour le Sri Lanka, qu'après le tsunami, la consommation de poisson s'était arrêtée parce que des cadavres étaient présents dans l'eau et que cela s'apparentait à des cas d'anthropophagie selon l'imaginaire de la population. Durant un certain temps, le poisson n'a plus été consommé, d'autant plus que les pêcheurs n'avaient plus de bateau. Je ne pense pas que ces événements aient pu avoir un impact très fort en matière de grippe aviaire puisque le risque était préexistant. Il pourrait être amplifié par les déplacements de population, mais ils sont relativement limités en taille pour le Sri Lanka et la Thaïlande.

M. le Professeur ALLEMAND, Médecin conseil national de la Caisse nationale d'assurance maladie

Nous ne connaissons pas le coût global des maladies infectieuses, ni même celui de chaque pathologie, pour une raison simple, et bien que les bases de données de l'assurance maladie soient très riches, c'est que nous ne disposons pas du codage des pathologies. Nous ne savons pas quelles sont les pathologies derrière les soins que rembourse l'assurance maladie. Nous connaissons ce qui est remboursé en termes de biologie, de radiologie, de médicaments, mais nous ne pouvons rapporter ces renseignements à des pathologies. Nous pouvons connaître certains champs de consommation, nous connaissons par exemple le coût du dépistage de l'hépatite B, de l'hépatite C, du dépistage du Sida, cela peut se calculer, mais pas par coût global des pathologies infectieuses et par pathologies. Cela à quelques exceptions près lorsqu'une pathologie est liée à un médicament tout à fait spécifique, en repérant le médicament dans les bases de données, il est possible d'en déduire qu'une personne est certainement atteinte d'une pathologie particulière. Il est évident que lorsque l'on prend des antituberculeux, il existe de grandes chances que l'on soit atteint de tuberculose. Il est alors possible de rechercher tous les patients consommant des antituberculeux pour calculer leur consommation de soins annuelle et évaluer le coût de la pathologie. Il existe une deuxième approche qui n'est valable que pour le Sida et la tuberculose, car ces deux infections sont des infections dites de longue durée dont les soins sont pris en charge à 100 %, nous connaissons ces pathologies dont il est possible de calculer le coût, mais uniquement pour les personnes qui les déclarent.

M. Jean-Pierre DOOR

Nous reprenons nos travaux pour parler de la surveillance du risque puis de la politique de prévention. Je laisse Monsieur le Professeur Gilles BRÜCKER prendre place et le remercie d'être venu ce matin à notre réunion de travail. Au titre de Directeur général de l'Institut de veille sanitaire (InVS), il va ouvrir le débat sur la surveillance du risque épidémique que nous évoquerons ensuite avec nos trois intervenants.

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