3. Une évolution spécifique à l'amiante : la levée de la prescription
Initialement, le paysage jurisprudentiel n'apparaissait pas extrêmement favorable aux victimes et les premiers dossiers dont furent saisis les TASS avaient pour particularité d'être, au sens des articles L. 431-2 et L. 461-1 du CSS, tous prescrits.
Les contaminations avaient eu lieu plusieurs décennies auparavant, parfois même les décès étaient survenus. Pour lever les risques de forclusion, l'article 40 de la LFSS pour 1999 du 23 décembre 1998, rouvrait les droits à agir des victimes de l'amiante dont la maladie s'était déclarée entre 1947 et 1998. Ce délai était une première fois étendu par la loi de financement de la sécurité sociale du 29 décembre 1999 50 ( * ) avant que la loi de financement du 21 décembre 2001 ne supprime toute condition de délais pour la réouverture des droits des victimes de maladies professionnelles causées par l'amiante.
Les victimes voyaient ainsi leurs procédures simplifiées et sécurisées. Les employeurs bénéficiaient quant à eux d'une mutualisation des conséquences de la faute inexcusable puisqu'aux termes du même article de la loi du 23 décembre 1998, c'est la branche Accident du travail / Maladie professionnelle qui était chargée de supporter la charge définitive de l'indemnisation sans recours possible contre l'employeur responsable.
4. Une évolution majeure dans la responsabilité au titre des AT-MP : la jurisprudence de 2002 sur la reconnaissance de la faute inexcusable
Selon la jurisprudence "constitue une faute inexcusable de l'employeur ou de ceux qu'il s'est substitués dans la direction, toute faute d'une gravité exceptionnelle dérivant d'un acte ou d'une omission volontaire, de la conscience du danger que devait en avoir son auteur, de l'absence de toute cause justificative mais ne comportant pas d'élément intentionnel."
L'interprétation a été longtemps restrictive et dissuasive, mais la chambre sociale de la Cour de cassation rendait, le 28 février 2002, plusieurs arrêts reconnaissant la faute inexcusable de l'employeur pour avoir exposé les salariés à l'amiante sans protection suffisante.
Désormais, dès lors que l'employeur n'a pas pris les mesures nécessaires pour éviter au salarié de contracter une maladie professionnelle ou de subir un accident du travail, sa connaissance du risque pourra être présumée.
La Cour de cassation bouleversait ainsi l'ordre établi dans les obligations à la charge de l'employeur en termes de sécurité envers les salariés mais aussi précisait une volonté d'améliorer l'indemnisation des victimes d'accidents du travail et de maladies professionnelles en favorisant indirectement l'abandon de l'indemnisation forfaitaire au profit d'une indemnisation majorée.
* 50 Elle portait le délai de recours des victimes atteintes entre 1947 et 1998 de 2 à 3 ans, soit jusqu'au 23 décembre 2001