4. Des leviers d'action mal identifiés ou manquants
Les indicateurs de performance n'ont de sens que s'ils sont de nature à permettre l'évaluation de l'action publique, réalisée avec les moyens à la disposition du responsable de programme concerné. Les indicateurs pour lesquels les services du programme manquent ou ne disposent pas de leviers d'action doivent être écartés. De nombreux indicateurs peuvent malheureusement être classés dans cette catégorie .
Ainsi, en est-il, dans la mission « Administration générale et territoriale de l'Etat », programme « Administration territoriale », de l'indicateur n° 1 sur le risque de dégagement d'office des crédits FEDER 54 ( * ) . Les leviers d'action en la matière ne sont pas tous entre les mains de l'administration préfectorale. En effet, des mesures de simplification résultent d'instructions du Premier ministre ainsi que de l'initiative de la Commission européenne.
Les objectifs et indicateurs du programme « Vie politique, cultuelle et associative » de la même mission ne manquent pas de laisser perplexe.
Peut-on mesurer la performance de la vie politique ? Ainsi, l'indicateur n° 1 de l'objectif n° 1 de l'action n° 2 concerne le coût moyen de l'élection par électeur inscrit sur les listes électorales . Il faut se réjouir de ce que, dans le cas d'espèce, pour la vivacité de la démocratie, l'administration ne dispose pas de tous les leviers d'actions pour la maîtrise des dépenses électorales (quelle que soit par ailleurs l'efficience de la gestion des moyens dont elle dispose). Le coût de l'élection est tributaire du nombre de candidats (en progression de scrutin en scrutin) et de la proportion de ceux qui ont obtenu le seuil de suffrages (selon le libre choix de l'électeur) ouvrant droit à un remboursement des dépenses électorales ou celui permettant un maintien au second tour. Va-t-on alors modifier des seuils électoraux (ce qui relève du domaine de la loi, non de l'action de l'administration générale et territoriale de l'Etat) pour des raisons budgétaires ? Les chiffres de coût moyen des différents types d'élection, utiles à la prévision budgétaire, ne peuvent être assimilés à des unités de mesure de la performance. Ils doivent être communiqués au Parlement dans le « bleu » budgétaire mais à titre d'information. L'indicateur n° 1 de l'objectif 2 de l'action 3 du même programme se rapporte au pourcentage de comptes rejetés par la Commission nationale des comptes de campagne et des financements publics (CNCCFP) « pour des raisons substantielles mais purement matérielles » (dépôt des comptes de campagne après le délai légal ; défaut de visa de l'expert comptable). Manifestement, ces causes de rejet ne sont pas imputables à la CNCCFP mais aux candidats eux-mêmes 55 ( * ) . |
Dans un autre domaine, l'indicateur n° 2 (doté de trois sous-indicateurs) de l'objectif n° 2 du programme « Gestion des milieux et biodiversité » de la mission « Ecologie et développement durable » ne mesure en aucune façon l'action du ministère compétent, mais propose de conduire des sondages d'opinion sur :
- le pourcentage de la population qui se juge insuffisamment informée sur tous les domaines qui concerne l'eau ;
- le pourcentage de la population qui trouve l'eau du robinet sûre ;
- le pourcentage de la population prêt à payer l'eau plus chère pour que sa qualité soit préservée.
On peut également s'interroger sur les leviers d'action à la disposition du ministère de la fonction publique et de la réforme de l'Etat pour faire évoluer positivement l'indicateur n° 2 de l'objectif n° 1 du programme « Fonction publique, réforme de l'Etat et prospective », mesurant le nombre de ministères s'appuyant sur une démarche de gestion prévisionnelle des emplois , des effectifs et des compétences pour définir leur politique de ressources humaines.
Le programme « Vie de l'élève » de la mission « Enseignement scolaire » dispose-t-il des moyens de faire évoluer positivement des indicateurs comme celui portant sur le pourcentage de jeunes consommateurs de tabac, alcool et drogues (indicateur n° 1 de l'objectif n° 2) ?
Le programme « Santé publique et prévention » de la mission « Santé », soulève, comme l'a justement relevé le Comité interministériel d'audit des programmes (CIAP) deux difficultés au regard de ses leviers d'action :
- l'ambiguïté du positionnement de la direction générale de la santé (DGS), à la fois opérateur très marginal de la politique de prévention, mais aussi, en principe, inspirateur de cette politique ;
- la nature particulière des relations entre la DGS et les services déconcentrés, qui confère aux directions régionales des affaires sanitaires et sociales (DRASS) un champ d'autonomie très large pour conduire des actions de prévention, en fonction des relais qu'elles trouvent auprès des acteurs locaux publics et privés.
En réponse à ces observations du CIAP, le ministère des solidarités, de la santé et de la famille a indiqué que la problématique de la définition des leviers d'action sur lesquels le responsable de programme exerçait un réel pouvoir d'influence ne pourrait se résoudre « dans des délais brefs ».
Parmi les indicateurs de ce programme se heurtant à une difficulté de cette nature, on peut citer le pourcentage d'établissements de santé équipés de la transmission électronique (objectif n° 3, indicateur n° 1), le délai moyen de traitement des certificats de décès (même objectif, indicateur n° 2), relevant plus de la compétence des régimes de l'assurance maladie que de l'Etat.
Les objectifs n° s 4 à 7 de ce programme comportent aussi des indicateurs sur lesquels la DGS a bien peu de prise : consommation annuelle d'alcool par habitant de plus de 15 ans ; pourcentage de la prévalence du tabagisme quotidien par sexe et par âge ; prévalence du saturnisme chez les enfants de 1 à 6 ans ; pourcentage des jeunes de 15 à 26 ans ayant utilisé un préservatif lors de leur premier rapport ; pourcentage des jeunes de 18 à 24 ans ayant utilisé un préservatif lors de leur dernier rapport.
Le programme « Offres de soins et qualité du système de soins » pose, lui aussi, un réel problème dans la mesure où les objectifs et indicateurs reposent sur les crédits de l'assurance maladie (niveau de satisfaction des usagers du système de soins ; pourcentage d'établissements ayant mis en place un tableau de bord des infections nosocomiales ; taux de prévalence des principales infections nosocomiales dans les établissements disposant d'un tableau de bord depuis 2002, nombre de places ou hospitalisation à domicile, pourcentage de la population résidant à moins de 30 minutes d'un service médical d'urgence).
La mesure de la performance des organismes de sécurité sociale s'impose, mais celle-ci aurait plus avantageusement sa place dans le cadre de la mesure de l'exécution des lois de financement de la sécurité sociale 56 ( * ) .
* 54 Cet indicateur vise à la mesure du niveau de suivi par l'administration de l'utilisation des crédits du Fonds européen de développement régional (FEDER). La non-consommation de crédits est susceptible d'entraîner leur perte.
* 55 De plus, on observera que l'examen préalable des comptes par l'expert comptable constitue une source de transparence en favorisant, par son éclairage, la qualité de travail de la CNCCFP qui, précisément, doit accomplir un travail considérable dans un court délai. L'objectif de réduire le taux de rejet des comptes de campagne pour un tel motif comporte donc un risque d'effets pervers.
* 56 Comme le prévoit le projet de loi organique relatif aux lois de financement de la sécurité sociale, présenté en Conseil des ministres le 23 février 2005.