c) Des objectifs et indicateurs non exhaustifs ou correspondant aux crédits d'autres programmes
(1) Un effort d'exhaustivité à saluer
Le Guide de la performance précité souligne également que le choix des objectifs doit être « représentatif des aspects essentiels du programme », définis en termes de masses financières ou de priorités de l'action publique :
« Les objectifs stratégiques retenus s'appliquent aux éléments qui paraissent essentiels dans la conduite du programme. Ils concernent les actions les plus consommatrices de crédits ou bien celles qui présentent les enjeux de politique publique jugées les plus importants .
« Certains objectifs se rattachent au programme, d'autres à une action en particulier du programme » 29 ( * ) .
De manière générale, cette règle a été bien respectée . Votre commission des finances se félicite notamment que le ministère de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche se soit attaché à définir des objectifs et des indicateurs pour l'enseignement privé, puisqu'ils faisaient défaut dans la présentation des agrégats des lois de finances antérieures, comme l'avait regretté votre commission des finances.
(2) Des propositions d'amélioration
Les objectifs et indicateurs associés à certains programmes ne couvrent pas l'essentiel des dépenses du programme ou peuvent correspondre aux crédits d'autres programmes .
En outre, votre commission des finances relève certaines lacunes dans l'exhaustivité des objectifs et indicateurs ( cf. encadré ci-dessous ).
Le programme « Amélioration de la qualité de l'emploi et des relations de travail » de la mission « Travail » offre un exemple topique du caractère très largement accessoire d'indicateurs trop nombreux et insuffisamment hiérarchisés : 10 objectifs mesurés par 20 indicateurs représentent 0,6 % des crédits de la mission.
Une partie de ces insuffisances pourrait certainement être palliée si le choix des objectifs prioritaires était systématiquement justifié dans l'exposé de la stratégie de performance.
Exemples de lacunes dans l'exhaustivité des objectifs et indicateurs de performance des crédits d'un programme - il manque une mesure de la performance des incitations fiscales à l'investissement forestier en forêt privée, nonobstant les difficultés que soulève par nature la mesure d'incitations fiscales 30 ( * ) , ainsi qu'un indicateur sur l'utilité sociale des forêts relevant du régime forestier au niveau national 31 ( * ) ; - les objectifs du programme « Coordination de l'action gouvernementale » de la mission « Direction de l'action du gouvernement » sont loin d'être exhaustifs 32 ( * ) : tout en veillant à ne pas dépasser la limite de six objectifs pour un programme de taille modeste, il pourrait être envisagé, des indicateurs pour le secrétariat général du gouvernement et les autorités administratives indépendantes relevant de la mission, tel que le Conseil supérieur de l'audiovisuel, sous réserve d'une réflexion approfondie compte tenu de la diversité des missions ; - les objectifs de qualité n° s 1 et 2 du programme « Justice judiciaire » de la mission « Justice » devraient être étendus à la Cour de cassation ; - le programme « Emploi outre-mer » de la mission « Outre-mer » ne comporte pas d'objectifs relatifs à la fonction publique outre-mer, malgré des demandes récurrentes de votre commission sur ce sujet ; - il convient de compléter les indicateurs de l'objectif n° 1 « Conduire le maximum d'élèves aux niveaux de compétences attendues en fin de scolarité et à l'obtention des diplômes correspondants » du programme « Enseignement scolaire public du second degré » de la mission « Enseignement scolaire » en évaluant également l'orientation des élèves 33 ( * ) ; ce même programme ne comporte pas d'objectifs et d'indicateurs relatifs à la réduction des surnombres disciplinaires, bien qu'il s'agisse d'une des priorités identifiée dans la stratégie ministérielle de réforme ; - s'agissant du programme « Formation supérieure et recherches universitaires » de la mission « Recherche et enseignement supérieur », les objectifs et indicateurs de performance s'avèrent lacunaires concernant l'amélioration du pilotage d'ensemble de l'enseignement supérieur par l'administration centrale, la maîtrise de l'offre de formation, l'efficience de la gestion des universités, l'amélioration de l'entretien du patrimoine universitaire (malgré des carences réelles), la gestion des ressources humaines par les établissements, la qualité de l'orientation des étudiants 34 ( * ) , les compétences et les connaissances acquises ; - le programme « Soutien de la politique de l'éducation nationale » de la mission « Enseignement scolaire » ne comporte pas d'indicateurs sur l'évaluation des enseignants : si l'évaluation des enseignants est, comme le souligne le Haut Conseil de l'évaluation de l'école, « une question difficile à examiner sereinement [car] elle touche à l'honneur des personnes et son abord est très souvent subjectif », cette évaluation n'en reste pas moins « essentielle, puisque les résultats d'un système éducatif sont largement liés aux compétences de ses personnels enseignants et aux conditions dans lesquelles ils exercent » ; votre commission des finances regrette également que la qualité du service ne fasse pas l'objet d'objectifs, tels que le développement de la prévention du contentieux, la simplification des procédures administratives pour les usagers, objectifs qui étaient pourtant présents l'année dernière, ce dont votre commission des finances s'était félicitée 35 ( * ) ; - la dotation générale de décentralisation ne fait l'objet d'aucun indicateur ni objectif de performance dans le programme « Concours financiers aux communes et groupements de communes » de la mission « Relations avec les collectivités territoriales » ; - au sein de la mission « Remboursements et dégrèvements », des objectifs et indicateurs manquent dans le premier programme (impôts d'Etat) pour les remboursements et dégrèvements législatifs (tels que le crédit d'impôt recherche ou la prime pour l'emploi) ; - la politique de prévention sanitaire est singulièrement absente du programme « Santé publique et prévention » de la mission « Santé » ; - s'agissant de la mission « Sécurité civile », l'alerte et l'information des populations pourraient être mesurées plus précisément ; - l'objectif n° 2 (« Améliorer l'aide à la réalisation des projets conçus par la jeunesse ») du programme « Jeunesse et vie associative » de la mission « Sport, jeunesse et vie associative » pourrait être élargi pour couvrir les actions de l'Office franco-allemand de la jeunesse et de l'Office franco-québecois de la jeunesse 36 ( * ) ; - les indicateurs du programme « Financement de l'audiovisuel public » de la mission « Soutien aux médias » doivent être déclinés en sous-indicateurs relatifs à chacune des sociétés de l'audiovisuel ; - le programme « Sport » de la mission « Sport, jeunesse et vie associative » doit mesurer davantage l'efficacité des aides apportées aux fédérations sportives 37 ( * ) ; - dans le programme « Transports terrestres et maritimes » de la mission « Transports », il faut déplorer l'absence d'objectif susceptible de traduire les résultats de l'action « Sûreté dans les transports terrestres » qui regroupe les mesures de prévention contre les accidents et les dispositions prévues contre les attentats ; - le programme « Sécurité et qualité sanitaires de l'alimentation » de la mission « Sécurité sanitaire » ne contient aucun objectif relatif au fonctionnement du service public de l'équarrissage, et aucun objectif permettant réellement d'évaluer l'efficacité de l'action de l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments ; - dans la mission « Ville et logement », l'absence d'évaluation de l'efficacité du zonage de la politique de la ville donne lieu à une proposition d'objectif par votre commission des finances ( cf. ci-dessous ) ; il est en outre proposé un nouvel objectif, associé au programme « Développement de l'amélioration de l'habitat », visant à « Maîtriser les coûts et les délais dans la réalisation du volet logement du plan de cohésion sociale » 38 ( * ) . |
Indicateur proposé par votre commission des finances : actualisation du classement des ZRU selon l'indice synthétique |
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Objet |
La politique de la ville repose sur trois zonages concentriques, conformément au schéma ci-après. ZUS 41 ( * ) , ZRU et ZFU ZFU ZRU ZUS Les ZRU sont déterminées selon des critères démographiques datant de 1990 , et des critères économiques datant de 1996 . Les ZFU sont quant à elles délimitées au sein des ZRU les plus défavorisées selon ces critères. Un élément essentiel d'appréciation de la politique de la ville consisterait à déterminer dans quelle mesure ce zonage, qui est déjà ancien, est encore adapté à la situation actuelle. |
Mode de calcul |
Il pourrait être envisagé d'indiquer le nombre de ZRU qui ne devraient plus avoir de ZFU, ou le nombre de ZRU qui devraient en avoir une. Les données pourraient également concerner la population. La source serait l'observatoire des zones urbaines sensibles. |
Observations |
Il s'agit d'un indicateur indispensable , sans lequel la plupart des autres indicateurs relatifs à la politique de la ville n'auraient guère de sens. Dans son rapport spécial relatif aux crédits de la ville pour 2004, notre collègue Eric Doligé proposait d'instaurer un indicateur synthétique permettant d'évaluer le zonage de la politique de la ville. Il semble plus réalisable, comme il est proposé ici, d'indiquer quel serait l'effet d'une actualisation de l'indice synthétique d'ores et déjà utilisé pour la détermination des ZRU et des ZFU. |
En outre, il convient de relever plusieurs entorses au principe selon lequel les objectifs et indicateurs de performance doivent mesurer l'efficacité des crédits d'un programme .
Au sein de la mission « Outre-mer », l'objectif n° 3 du programme « Conditions de vie outre-mer » vise à « Optimiser l'efficience des dispositifs favorisant la continuité territoriale outre-mer » ; outre le manque de pertinence de l'indicateur, dont l'évolution dépendra de paramètres extérieurs à l'action de l'Etat, votre commission des finances relève d'abord que les crédits de la dotation de continuité territoriale ne relèvent pas de ce programme.
Les insuffisances sont parfois imputables à la maquette budgétaire : ainsi, le programme « Soutien des politiques de l'intérieur » de la mission « Administration générale et territoriale de l'Etat » couvre également, au moins en partie, la mission « Sécurité » et le programme « Police nationale » de la mission « Sécurité ».
La non-corrélation entre les objectifs à atteindre et les moyens du programme soulève des questions de périmètre, particulièrement aiguës en ce qui concerne le programme « Formation supérieure et recherches universitaires » de la mission « Recherche et enseignement supérieur » : de nombreux indicateurs 42 ( * ) visent l'ensemble des étudiants, et pas seulement ceux relevant des actions et des crédits du programme. En particulier, les élèves inscrits dans les classes préparatoires aux grandes écoles ainsi que les élèves des sections de techniciens supérieurs (STS) relèvent du budget de l'enseignement scolaire, tout comme les étudiants des écoles sont sous tutelle d'autres ministères. Pour leur part, les étudiants de l'enseignement supérieur privé ne relèvent d'aucun ministère.
* 29 Ibid., page 19.
* 30 Pour mesurer l'objectif « Dynamiser la gestion des forêts privées » associé à ce programme, votre commission des finances vous propose l'indicateur suivant : « Evolution du ratio : Surfaces forestières privées relevant d'un plan simple de gestion conclu dans le cadre du Dispositif d'encouragement fiscal à l'investissement en forêt (DEFI) - forêt / coût du DEFI - forêt ». Cet indicateur viserait à mesurer l'efficacité du dispositif d'incitation fiscale à l'investissement forestier, mis en place en 2001, sous la forme d'une réduction d'impôt sur le revenu applicable aux prix d'acquisition de terrains, aux souscriptions ou acquisitions en numéraire de parts d'intérêt de groupements forestiers ou aux souscriptions en numéraire au capital initial ou aux augmentations de capital de sociétés d'épargne forestière.
* 31 Ce nouvel indicateur à construire, associé à l'objectif n° 2, mesurerait l'utilité sociale des forêts publiques, en termes d'évolution du nombre de visiteurs, de qualité des équipements proposés et d'entretien des forêts relevant du régime forestier.
* 32 Afin de mieux couvrir les dépenses du programme, il est proposé un nouvel objectif intitulé « Mieux indemniser les victimes de législation antisémite et d'actes de barbarie nazie pendant la deuxième guerre mondiale » couvrant les crédits gérés par la commission d'indemnisation, soit un cinquième des crédits du programme, et dont l'atteinte serait mesuré par deux indicateurs : « Délai de traitement des dossiers par la commission compétente » et « Nombre de dossiers traités par agent ».
* 33 Votre commission des finances vous propose trois nouveaux indicateurs pour mesurer :
- les taux d'appels formulés et satisfaits à la fin des classes de sixième, troisième et seconde,
- le taux de satisfaction des premiers voeux d'orientation en seconde,
- le taux de réorientation en seconde.
* 34 A cet égard, il peut également être déploré l'insuffisance des objectifs et des indicateurs relatifs aux trajectoires des étudiants (taux de redoublement, taux de réorientation, taux d'abandon, adéquation des premiers emplois au contenu des études poursuivies). Ces informations devront figurer dans le PAP, au moins à titre d'information sur l'activité.
* 35 L'objectif n° 5 relatif au développement de l'évaluation des politiques éducatives et de ses structures pourrait être reformulé, afin d'intégrer l'évaluation des enseignants, et comporter un aspect sur l'amélioration de la qualité : dans le projet de loi de finances initiale pour 2004, l'agrégat « administration et fonctions support à l'enseignement » comportait un indicateur relatif au taux de résultat positif de l'intervention du réseau des médiateurs de l'éducation nationale.
* 36 L'objectif serait requalifié « Soutenir les projets et l'ouverture internationale des jeunes » et comporterait un nouvel indicateur mentionnant, pour chacun des deux offices, le nombre de Français participant aux différents programmes et le rapport entre ce nombre et le montant des subventions accordées par les différents ministères français.
* 37 En ce sens, deux nouveaux objectifs sont proposés.
L'objectif « Promouvoir la rigueur financière et l'efficacité des fédérations sportives » pourrait par exemple être illustré par :
- le montant moyen des projets des fédérations subventionnés par le ministère, ou la part des projets bénéficiant d'une subvention inférieure à 5.000 euros (afin de vérifier la volonté de réduire le saupoudrage, encore trop présent dans les conventions d'objectifs et critiqué par la Cour des comptes) ;
- le taux d'équipement des fédérations en outils de comptabilité analytique et de contrôle de gestion.
L'objectif « Assurer la modernisation et une répartition équilibrée des équipements sportifs sur le territoire » pourrait quant à lui comporter les deux indicateurs suivants :
- part des équipements sportifs sur le territoire dont l'âge est supérieur à 20 ans ;
- écart-type du nombre d'équipements sportifs pour 10.000 habitants dans les départements (il s'agit de réduire la dispersion, et donc d'homogénéiser la densité des équipements).
* 38 Cet objectif serait assorti de trois indicateurs, reprenant ceux de l'objectif n° 3 du programme « Rénovation urbaine » de la mission « Ville et logement » pour maîtriser le coût du programme national de rénovation urbaine : le coût moyen au m 2 de logement social construit, le pourcentage de dépassement des coûts prévus pour les projets de construction achevés dans l'année et le pourcentage de dépassement des délais pour les projets de construction achevés dans l'année.
* 39 Zones de redynamisation urbaine.
* 40 Zones franches urbaines.
* 41 Zones urbaines sensibles.
* 42 Voir en particulier l'indicateur n° 1 (« Insertion professionnelle des jeunes diplômés trois ans après leur sortie de formation initiale ») de l'objectif n° 1 (« Répondre aux besoins de qualifications supérieures »), l'indicateur n° 2 (« Part des inscrits dans les formations professionnelles courtes STS et IUT parmi les néo-bacheliers techniques et professionnels poursuivant leurs études dans l'enseignement supérieur ») de l'objectif n° 2 (« Garantir l'excellence à tous les niveaux de formation ») et l'indicateur n° 1 (« Mesure de la mobilité des étudiants ») de l'objectif n° 4 (« Accroître l'attractivité de l'offre française et son intégration dans le système européen et mondial »).