C. UNE PLACE IMPORTANTE LAISSÉE À LA JURISPRUDENCE
Décrets inexistants ou mal adaptés, instruments de planification défaillants : les élus locaux en charge de l'urbanisme, se sont trouvé démunis pour répondre au mieux aux demandes multiples qui leur étaient adressées, et confrontés à de multiples contentieux.
1. Une insécurité juridique préjudiciable
Si la construction a été contenue par la « loi littoral », « les chiffres ne doivent pas occulter une réalité urbanistique difficile et profondément conflictuelle 14 ( * ) ». L'indétermination des notions retenues par la loi et la carence des documents de planification ont entraîné une grande période d'incertitude juridique renforcée par l'opposabilité directe de la loi aux décisions individuelles, particulièrement préjudiciable pour les communes. Cette période s'est caractérisée par une inflation des recours indemnitaires et des annulations pour exception d'illégalité des plans d'occupation des sols , documents dont il faut souligner le coût élevé pour les petites communes.
La « loi littoral » a ainsi pu être perçue par les maires comme une source importante de complications, sinon comme une entrave au développement.
S'il n'est pas question de remettre en cause le rôle des associations de protection de l'environnement, qui ont pu jouer un rôle utile d'aiguillon auprès des acteurs en charge de l'application de la loi, force est de constater que l'existence de recours abusifs a été relevée lors des auditions menées par le groupe de travail. Comme le relève, de même, M. Jacques Daligaux : « les associations vont développer une stratégie juridique d'une efficacité redoutable. Celle-ci consiste à invoquer presque au hasard plusieurs articles du code de l'urbanisme, préférentiellement tirés de la « loi littoral », en espérant que le juge en retiendra au moins un 15 ( * ) » . La « loi littoral » se prête en effet particulièrement à cette utilisation. Ainsi, à titre d'exemple, comme le souligne M. Loïc Prieur : « les notions d'espace proche du rivage et d'extension limitée sont probablement les plus décriées de la « loi littoral ». Dès les débats parlementaires, le sénateur Josselin de Rohan émettait les plus vives réserves quant à l'utilisation d'un concept juridiquement limité et ne comportant pas de caractère normatif (...) en quelques années, ce concept a priori dénué de portée normative est devenu l'arme privilégiée des défenseurs de l'environnement 16 ( * ) » .
Malheureusement, la possibilité offerte au juge d'infliger une amende en cas de requête abusive n'est que très rarement mise en oeuvre, le juge estimant que le bénéficiaire d'une autorisation de construire peut la mettre en oeuvre, les recours en annulation n'ayant pas de caractère suspensif.
Or les délais de jugement administratif conduisent, suivant les cas, soit à immobiliser des investissements lourds sur plusieurs années, soit à prendre des risques juridiques . Dans bien des cas, les opérations ne peuvent de toute façon pas commencer en raison des réticences des établissements bancaires à débloquer les fonds nécessaires. En outre, alors que l'introduction du référé-suspension aurait pu constituer un progrès, dans la mesure où le juge des référés statue en général sur les demandes de suspension dans un délai rapide, il a été relevé par M. Yves Pittard, lors de son audition devant le groupe de travail, que certaines associations attendaient avant de déposer la demande de recours en référé, maintenant ainsi l'incertitude jusqu'au dernier moment. On saisit donc aisément à quel point la « loi littoral » peut accentuer le caractère déjà « pathologique » du contentieux de l'urbanisme.
Enfin, les risques financiers encourus par les communes peuvent s'avérer très importants, alors même qu'il leur est difficile d'engager une action récursoire en responsabilité contre l'Etat , même lorsque l'instruction des demandes de permis de construire a été assurée par la direction départementale de l'équipement, dès lors qu'elles assument la responsabilité de la délivrance des autorisations d'occupation des sols.
* 14 Jacques Daligaux, « Appliquer la loi Littoral, une question de volonté », Etudes foncières, n° 84, automne 1999.
* 15 Idem.
* 16 Loïc Prieur, La loi Littoral, Dossier d'experts, La lettre du cadre territorial.