II. LES FONCTIONS NON COMMERCIALES DE LA DOCUMENTATION FRANÇAISE : LE RÔLE ACCRU DES SITES INTERNET
A. LA COORDINATION DES ACTIVITÉS ÉDITORIALES DE L'ADMINISTRATION
1. Une fonction générale de coordination interministérielle
La Documentation française joue également un rôle de coordination des activités éditoriales de l'administration , conformément au décret n° 76-125 du 6 février 1976.
Elle réalise ainsi, à l'occasion de ces diverses activités, une coordination interministérielle , d'une part dans le domaine de la documentation, d'autre part dans celui de l'édition et de la diffusion des diverses publications d'information générale des administrations et services publics.
2. Un rôle spécifique : le secrétariat du comité des publications
En outre, la Documentation française assure le secrétariat du comité des publications (institué par le décret n° 98-752 du 27 août 1998 instituant un comité des publications auprès du secrétaire général du gouvernement et abrogeant et remplaçant la commission de coordination de la documentation administrative, créée par le décret n° 71-570 du 13 juillet 1971 portant création d'une commission de coordination de la documentation administrative).
Le comité des publications est chargé d'étudier les questions posées par l'édition et la diffusion des publications émanant des services et établissements publics administratifs de l'Etat. Il tient l'inventaire permanent de ces publications et veille à la rationalisation des modalités de leur édition, ainsi qu'à leur bonne diffusion.
Tout projet de publication émanant d'un service ou d'un établissement public administratif de l'Etat est soumis à l'avis du comité.
Votre rapporteur spécial déplore que le comité des publications ne se réunisse plus depuis un an et demi , suite au départ en retraite du dernier président. Il a pris bonne note que « le problème était en voie de règlement », selon les informations qui lui ont été fournies lors de l'audition du directeur de la Documentation française le 8 juin 2004. Sans qu'il y ait lieu de renforcer une structure souple, votre rapporteur spécial observe que cette situation témoigne d'un problème de fonctionnement continu du comité.
Proposition n° 3 : assurer le fonctionnement continu du comité des publications.
B. LA DIFFUSION MULTICANALE D'INFORMATIONS
Complétant le rôle traditionnel de la Documentation française de diffuser des informations dans ses centres documentaires, le décret n° 76-125 du 6 février 1976 relatif aux missions de la Documentation française l'a incitée à jouer un rôle pionnier en matière d'édition électronique . En effet, le décret précité prévoit qu'elle est chargée de promouvoir des études de documentation informatisée et de créer, dans ses domaines de compétence, des banques de données informatiques dont elle assure la gestion.
1. Les centres documentaires ouverts au public
Dans le cadre de sa mission d'information des citoyens, la Documentation française a ouvert au public des lieux de consultation gratuite : une bibliothèque, un centre de documentation internationale et une photothèque.
La bibliothèque de la Documentation française a été fréquentée par 18.213 lecteurs en 2003, le public étant composé en majorité d'étudiants (à hauteur de 56,54 %). Le tassement de la fréquentation apparaît corrélé à l'essor des ressources électroniques, de plus en plus consultées à distance : 1.293 demandes téléphoniques ont été enregistrées en 2003, tandis que 377 courriels étaient reçus. Les revues en ligne sont désormais accessibles depuis le catalogue électronique et des bases de données sont mises à la disposition des utilisateurs - telles que Lexis-Nexis pour la presse et la législation, et Electre pour les publications francophones.
L'audience du Centre de documentation internationale (CDI) a atteint 3.934 lecteurs en 2003, dont 82 % d'étudiants, en recul de 23,3 % par rapport à 2002. Cette évolution s'explique notamment par l'augmentation des consultations à distance : 260 courriels ont été reçus en 2003. Bénéficiant des compétences linguistiques des fonctionnaires qui y travaillent, le CDI élabore des dossiers d'actualité sur l'international et joue un rôle de collecte d'informations relatives à l'actualité internationale.
La photothèque, dont la base est consultable en ligne, a enregistré 404 utilisateurs en 2003. Dotée d'un riche fonds, elle n'a toutefois procédé à aucune acquisition en 2003.
L'évolution de l'activité des différents centres documentaires apparaît fortement liée à l'essor des nouvelles technologies de l'information et de la communication, le minitel puis les sites publics sur Internet.
2. Le minitel
L'activité de la Documentation française en ce domaine s'est tout d'abord tournée vers le minitel.
Depuis 1990, elle diffuse sur minitel :
- le répertoire de l'administration (3615/3616 admitel 5 ( * ) ) ;
- le guide des droits et démarches du citoyen (3615 vos droits).
Le rôle ainsi joué par la Documentation française s'est toutefois estompé dans un contexte de croissance plus rapide des services offerts sur Internet.
3. Les sites publics sur Internet
Votre rapporteur spécial souligne que les sites publics développés par la Documentation française constituent un remarquable succès, en ayant permis d'élargir très fortement la diffusion d'informations par la Documentation française.
a) Admifrance
En 1996, la Documentation française a mis en place sur Internet un premier service, baptisé « Admifrance », annuaire-guide des services Internet de l'administration.
b) Les deux sites gratuits
(1) Service-public.fr
En 1999, la Documentation française a été choisie pour être l'opérateur du « portail » de l'information administrative, a développé à partir de la refonte du site Admifrance, en application de la décision du Comité interministériel pour la réforme de l'Etat du 13 juillet 1999.
« Service-public.fr », le nouveau portail de l'administration française, s'est substitué à Admifrance le 23 octobre 2000 6 ( * ) .
Ce site permet d'accéder à l'annuaire des services de l'administration, aux principaux sites Internet publics (notamment locaux et étrangers), aux sites legifrance.fr et vie-publique.fr, ainsi que de déposer des courriers électroniques et de s'abonner à une lettre d'actualité électronique.
Il permet également aux particuliers et aux entreprises de télécharger différents formulaires et d'obtenir des informations pratiques sur divers sujets, notamment d'actualité.
Plus de vingt millions de visites en 2003 sur le site service-public.fr l'ont placé au premier rang des sites publics français les plus fréquentés, devant le site de la Documentation française (2,5 millions de visiteurs en 2003).
Les enquêtes réalisées par la Documentation française montrent un taux très élevé de satisfaction (évalué à 96 %), et un profil différent de la moyenne des internautes français qui justifie l'essor du site comme instrument de communication publique : les visiteurs sont plus âgés, plus souvent originaires de villes petites et moyennes que de la région parisienne (17 % des visiteurs de service-public.fr sont franciliens, soit un chiffre représentatif de la part de la population française, alors qu'en moyenne 25 % des internautes sont franciliens) ; 50 % des visiteurs de service-public.fr sont des femmes (contre 46 % pour l'ensemble des internautes).
(2) Vie-publique.fr
En 2002, la Documentation française a créé le site vie-publique.fr, qui selon ses termes « se propose de faciliter l'accès des internautes aux ressources et données utiles pour appréhender les grands sujets qui animent le débat public ».
S'interrogeant sur les qualités que devait réunir un site d'information sur la vie publique, votre rapporteur spécial se félicite de la qualité de l'information de présentation des institutions françaises, des milliers de références à des discours publics du Président de la République, du Premier ministre et des membres du gouvernement et de la place qu'occupent les dossiers en ligne sur les enjeux politiques et économiques. L'accès aux textes juridiques est possible par un lien avec le site legifrance.gouv.fr.
c) La diffusion gratuite de publications
(1) Le cadre juridique
La Documentation française diffuse gratuitement des documents sur Internet.
Il est rappelé que, si l'administration peut produire et diffuser à son gré des titres ne pouvant pas l'être par le secteur privé à un prix abordable, elle est soumise aux dispositions du droit de la concurrence dans les autres cas de figure.
Cette exigence concerne notamment la diffusion de documents sur Internet. Ainsi, si certains documents (en particulier les rapports officiels) sont accessibles gratuitement sur le site de la Documentation française, celle-ci a choisi de ne pas mettre en ligne certains rapports publics en raison de leur caractère « technique ».
Ainsi, il a été créé une « bibliothèque numérisée des rapports officiels », accessible à partir du site service-public.fr, dont la circulaire du Premier ministre du 28 janvier 1999 relative à la diffusion gratuite des rapports officiels sur l'Internet définit les modalités d'organisation et de fonctionnement. Cette circulaire ne prévoit de dépôt obligatoire auprès de cette bibliothèque que dans le cas des rapports confiés par le Premier ministre ou les ministres à un parlementaire en mission, au Conseil d'Etat, à un autre organisme public ou à une personnalité spécialement désignée , mais le site service-public.fr diffuse également d'autres rapports publics, tels que les rapports d'enquêtes et d'information de l'Assemblée nationale et du Sénat. Il convient de souligner que la mise en ligne d'un rapport n'est pas automatique, mais suppose l'accord du ministre destinataire.
En revanche, d'autres publications de la Documentation française sont considérées comme pouvant être produites et diffusées par le secteur privé, et se trouvent ainsi soumises au droit de la concurrence. Ainsi, si le site Internet de la Documentation française permet de télécharger certaines revues périodiques ( Les informations administratives & juridiques , Documents d'actualité internationale , Retraite et société ), leur consultation est payante.
Lors de son audition par votre rapporteur spécial le 8 juin 2004, le directeur de la Documentation française a indiqué qu'une réflexion était en cours , avec le secrétariat général du gouvernement et en liaison avec les Journaux officiels, sur l'opportunité d'une tarification, même modeste, de l'accès aux rapports publics par Internet .
Tout en reconnaissant le bien-fondé de cette étude, votre rapporteur spécial observe que, compte tenu de la fréquentation nettement moins élevée des sites payants, un équilibre doit être trouvé entre le principe de la consultation payante et l'objectif d'un large accès aux rapports publics.
En revanche, les compétences acquises par la Documentation française dans le cadre de la formation des agents des trois fonctions publiques permettent d'envisager que des ressources propres proviennent de cette activité, à la faveur du développement des actions de formation utilisant comme support les nouvelles technologies.
Proposition n°4 : dans le cadre du développement des actions de formation sur Internet, envisager d'utiliser les compétences acquises par la Documentation française en matière de formation des fonctionnaires pour disposer de nouvelles ressources propres.
(2) La bibliothèque des rapports publics
Selon les informations fournies par la Documentation française, la bibliothèque des rapports publics (BRP) représenterait 20 % de la fréquentation des sites gérés par la Documentation française. Sur les 2.500 rapports publics en ligne fin 2003 , 1.800 avaient été téléchargés. Les sites les plus téléchargés sont ceux des juridictions administratives (Conseil d'Etat, Cour des comptes), et plus largement des autorités administratives (telle la Commission nationale de l'informatique et des libertés, la Commission d'accès aux documents administratifs et la Commission nationale de la déontologie et de la sécurité).
La direction de la Documentation française insiste sur l'impact de l'accès gratuit aux rapports publics par Internet sur les chiffres de ventes, lesquels ne reflètent plus la réalité de la diffusion des rapports publics . A titre d'illustration, en 2003, les ventes du rapport annuel du Conseil d'Etat ont atteint 3.000 exemplaires, contre 15.000 téléchargements.
En l'absence de réponse de la Documentation française sur la proportion de rapports publics effectivement accessibles sur la BRP, un test effectué par votre rapporteur spécial sur les rapports publiés au mois d'avril 2002 indiquait que la moitié d'entre eux n'étaient alors pas accessibles en ligne sur la BRP. Compte tenu de l'évolution du nombre de rapports en ligne, passés de 1.400 en fin d'année 2001 à 2.500 deux ans plus tard, il peut être extrapolé qu'environ un tiers des rapports publics ne sont pas accessibles depuis le site de la Documentation française . Si cette situation est justifiée pour des rapports techniques - tels par exemple celui de l'Autorité de régulation des télécommunications (ART) d'avril 2002, non mis en ligne en juillet 2002 - il convient d'atteindre des objectifs plus élevés de mise en ligne des rapports publics, en application de la circulaire du Premier ministre du 28 janvier 1999 précitée.
Proposition n° 5 : atteindre l'objectif de mise en ligne de l'ensemble des rapports publics sur la bibliothèque des rapports publics, conformément à l'objectif fixé par la circulaire du Premier ministre du 28 janvier 1999.
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La présentation des missions de la Documentation française fait ainsi apparaître des objectifs parfois difficilement conciliables. D'une part, la mission de service public de la Documentation française conduit à la mise en place de sites gratuits de services publics dont l'équilibre financier n'est pas envisageable à court et moyen termes, et la prise en compte d'objectifs non commerciaux incite à lancer des publications non rentables mais qui répondent à des demandes insatisfaites sur le marché privé de l'édition. D'autre part, la conduite d'activités commerciales a entraîné un resserrement de l'offre de publications et des réorganisations internes, en cours depuis 2001. Les réformes conduites visent notamment à mieux dissocier les activités commerciales et non commerciales.
* 5 Arrêté du 2 janvier 1990 portant création au secrétariat général du gouvernement (direction de la Documentation française) d'une banque de données relative à l'information du public sur les structures de l'administration française.
* 6 Arrêté du 6 novembre 2000 relatif à la création d'un site sur Internet intitulé « service-public.fr», modifié par l'arrêté du 10 août 2001.