II. LA MENACE DE L'ENDETTEMENT PUBLIC
« Le vrai problème des finances publiques, c'est la dette », affirmait récemment à juste titre M. Pascal Lamy, commissaire européen au commerce extérieur.
Un déficit peut se justifier, soit qu'il résulte de la mise en oeuvre des stabilisateurs automatiques, soit qu'il corresponde à un endettement permettant « de financer des dépenses d'investissement qui relèveront le potentiel de croissance de l'économie. » .
Mais le point central est celui de la « soutenabilité » de la dette au regard des perspectives de croissance et des évolutions démographiques.
A cet égard, il convient d'avoir à l'esprit le théorème de Domar qui énonce : « si le taux d'intérêt nominal est supérieur au taux de croissance du PIB nominal, ce qui est la cas de la France aujourd'hui, le ratio dette/PIB tendra vers une valeur infinie quel que soit le niveau du déficit . »
Tel est bien le défi auquel doivent faire face nombre de pays industrialisés notamment au sein de l'Union européenne, dès lors que nous semblons durablement installés dans un contexte économique caractérisé par des taux d'intérêts réels positifs et des taux de croissance modérés.
A. SUR LONGUE PÉRIODE, UNE PROGRESSION TRÈS MARQUÉE DE L'ENDETTEMENT PUBLIC
1. En pourcentage du PIB, un triplement en 25 ans
Pour la première fois, le seuil de 60 % du PIB, qui constitue la valeur de référence de la zone euro pour l'endettement public, a été franchi. La dette publique a ainsi atteint 63,7 %. Les prévisions de la Commission européenne pour 2004 s'établissent à 64,6 % en 2004 et 65,6 % en 2005.
Evolution de la dette publique entre 1992 et 2003
(en % du PIB)
Source : Eurostat
La dette publique, représentait 20 % du PIB en 1980 et moins de 40 % en 1992. Elle risque d'être durablement supérieure à 60 % du PIB.
La France se trouve en ce qui concerne l'endettement public en contradiction avec les évolutions constatées dans les autres pays européens.
Le ratio d'endettement public s'est réduit de seulement 1,7 point en France entre 1999 et 2001 alors qu'il s'est réduit de 4,7 points sur la même période dans les autres pays de l'Union européenne.
La Cour des comptes, dans son rapport préliminaire présenté en application des articles 48 et 58-3 de la loi organique du 1 er août 2001 écrit en outre : « la dette publique a progressé de 22, % au cours des trois dernières années alors que, dans le même temps, celle de l'Allemagne, malgré une moindre croissance, augmentait de 11,6 % et celle des quinze Etats membres de l'Union européenne de 8,6 % seulement. (...) Au total, l'accroissement de la dette publique française aura représenté entre 2000 et 2003 plus du tiers de l'accroissement total de l'ensemble des dettes publiques européennes ».
La croissance de la dette en France depuis vingt-cinq ans selon l'INSEE : une succession de chocs ayant trois origines
« Les chocs de dépenses ne sont pas totalement couverts par une hausse des recettes. Un choc de 1 point de PIB des dépenses primaires est en général suivi d'une augmentation des dépenses de 3 points de PIB à horizon de cinq ans, par exemple en raison d'une montée en charge progressive des dispositifs mis en place. Face à cela, la réponse des recettes n'est pas significative les trois premières années et ne donne lieu à terme qu'à une augmentation de moitié des recettes (1,5 point de PIB). La charge de la dette augmente donc. L'effet total sur la dette est de l'ordre de 12 points de PIB. À l'inverse, les chocs de recettes ne conduisent pas à une augmentation des dépenses et seraient plutôt affectés à la réduction de la dette. Mais ils restent ponctuels et leur apport est donc limité.
Les chocs sur la charge de la dette (ou de manière analogue le taux d'intérêt) ont tendance à persister, de sorte que cette autre tendance vient aussi se cumuler dans la dette. Un choc de 1 point de taux d'intérêt accroît la dette de 7 points de PIB au bout de cinq ans. Or, si les taux d'intérêt nominaux ont baissé depuis 20 ans, l'économie a connu au début des années quatre-vingt un choc positif important sur les taux d'intérêt réels. Cet effet est cependant moins important que la dérive des dépenses.
Enfin, le niveau de la dette est affecté par des opérations sur le compte financier de l'État qui ont plutôt eu tendance à la faire augmenter. Une augmentation de 1 point de PIB des flux de créances s'estompe progressivement mais a un effet persistant sur le ratio d'endettement (de l'ordre de 10 points de PIB au bout de cinq ans). »
Source : rapport sur les comptes de la nation 2003
Evolution de la dette publique en France, dans la zone euro et dans l'Union européenne
(en % du PIB)
Source : Commission européenne
La dette publique française est avant tout une dette de l'Etat comme le montre le diagramme suivant :
Répartition de la dette publique française en 2003
(en %)
Source : INSEE
Les partenariats public-privé permettront-ils d'éviter une montée de l'endettement public liée à l'investissement ?
Le développement des partenariats public-privé pourrait avoir un impact non négligeable sur la dette « maastrichtienne ». Pour cette raison, Eurostat a adopté le 11 février une décision relative au traitement comptable dans les comptes nationaux des contrats souscrits par les unités publiques dans le cadre de partenariats avec des unités privées. Elle offre un cadre relativement souple pour les montages qui pourraient être envisagés en France à condition que les règles suivantes soient observées de manière rigoureuse.
L'Office statistique de l'Union européenne recommande que les actifs liés à un partenariat public-privé soient classés comme actifs non publics et ne soient donc pas enregistrés dans le bilan des administrations publiques si les deux conditions suivantes sont réunies :
- le partenaire privé supporte le risque de construction ;
- le partenaire privé supporte au moins l'un des deux risques suivants: celui de disponibilité ou celui lié à la demande .
Si le risque de construction était supporté par l'Etat, ou si le partenaire privé supportait seulement le risque de construction et aucun autre risque, les actifs seraient classés comme actifs publics, ce qui aurait des conséquences importantes pour les finances publiques, tant du point de vue du déficit que de la dette. Les dépenses initiales en capital, relatives aux actifs, seraient enregistrées comme formation de capital fixe des administrations publiques, avec un impact négatif sur le déficit/excédent public. En contrepartie de cette dépense de l'Etat, la dette publique augmenterait sous la forme d'un « prêt imputé » du partenaire, qui fait partie du concept de « la dette de Maastricht ».
Le risque de construction couvre notamment les livraisons tardives, le non-respect des normes, les surcoûts ou encore la déficience technique. « L 'obligation de l'Etat de commencer à effectuer des paiements réguliers à un partenaire sans tenir compte de l'état effectif des actifs est la preuve que l'Etat supporte la majorité des risques de construction » selon Eurostat.
L'Etat est réputé ne pas supporter le risque de disponibilité s'il lui est permis de réduire de façon significative (à titre de pénalité) ses paiements périodiques, comme tout « client normal » pourrait l'exiger dans un contrat commercial lorsque le partenaire privé s'avère ne pas être en mesure de livrer le volume contractuellement convenu ou de répondre, comme spécifié dans le contrat, aux normes de sécurité et de certification publiques liées à la prestation de service aux utilisateurs finals. Ceci s'applique également lorsque le partenaire ne répond pas aux normes de qualité relatives à la prestation de services, requises dans le contrat et découlant d'un manque évident de « performance » du partenaire.
Le risque lié à la demande couvre pour sa part la variabilité de la demande plus élevée ou plus faible qu'escomptée lors de la signature du contrat lorsque celle-ci n'est pas imputable au comportement ou à la gestion du partenaire du secteur privé. Le gouvernement sera réputé assumer le risque lorsque celui-ci est obligé de garantir un niveau donné de paiement au partenaire indépendamment du risque effectif de la demande exprimée par l'utilisateur final, rendant sans effet les fluctuations du niveau de la demande sur la rentabilité au partenaire.