II. METTRE À PROFIT L'ANNÉE POUR APAISER LES CRAINTES DES ÉLUS LOCAUX ET CRÉER LES CONDITIONS D'UN DÉBAT SEREIN
Votre rapporteur général est particulièrement sensible aux inquiétudes formulées par les élus locaux concernant le financement des compétences transférées dans le cadre du projet de loi sur les responsabilités locales ou encore dans le cadre de la loi sur le RMI/RMA.
De manière plus générale, il convient de souligner que les transferts de compétences ne se feront au bénéfice de tous, et dans le respect du principe d'autonomie des collectivités locales, que sous la réserve que les financements soient assurés et ne constituent pas des charges qui, à la longue, se révéleraient imparfaitement compensées.
A. LA MISE EN PLACE DU RMI/RMA : DES DIFFICULTÉS À VENIR ?
La loi n° 2003-1200 du 18 décembre 2003 portant décentralisation en matière de revenu minimum d'insertion et créant un revenu minimum d'activité transfère aux départements, à compter du 1 er janvier 2004, le financement de la totalité du RMI. Le tableau suivant montre que les inquiétudes exprimées n'étaient pas sans fondement quant au financement. En 2003, le versement de cette allocation représente ainsi 4,6 milliards d'euros, que l'on peut comparer aux 640 millions d'euros dépensés jusqu'alors par les départements au titre des charges d'insertion des bénéficiaires.
Comparaison de l'évolution des recettes de la
TIPP, des dépenses au titre du RMI
et de l'indice de progression de
la DGF depuis 1993
(en millions d'euros )
Année |
Recettes (TIPP) |
Evolution (TIPP) |
Indice de progression de la DGF |
Evolution (RMI) |
Dépenses (RMI) |
1993 |
19.273 |
- |
+ 4,33 % |
- |
2.411 |
1994 |
21.517 |
+ 11,64 % |
+ 2,00 % |
+ 20,20 % |
2.898 |
1995 |
21.851 |
+ 1,55 % |
+ 1,70 % |
+ 9,56 % |
3.175 |
1996 |
22.621 |
+ 3,52 % |
+ 3,77 % |
+ 7,31 % |
3.407 |
1997 |
22.938 |
+ 1,40 % |
+ 1,26 % |
+ 8,57 % |
3.699 |
1998 |
23.465 |
+ 2,30 % |
+ 1,38 % |
+ 12,27 % |
4.153 |
1999 |
24.649 |
+ 5,05 % |
+ 2,78 % |
+ 4,43 % |
4.337 |
2000 |
24.271 |
- 1,53 % |
+ 0,82 % |
- 0,42 % |
4.319 |
2001 |
23.409 |
- 3,55 % |
+ 3,38 % |
+ 0,09 % |
4.323 |
2002 |
23.962 |
+ 2,36 % |
+ 4,09 % |
+ 3,17 % |
4.460 |
1993-2002 |
- |
+ 24,33 % |
+ 25,32 % |
+ 84,99 % |
- |
Source : direction générale des douanes et des droits indirects (recettes de TIPP), CNAF, ministère de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales
Ainsi, la lettre de l'Observatoire national de l'action sociale décentralisée de mai 2004 indique que : « la question des inégalités entre les départements prend, avec ce changement d'échelle de la dépense, une dimension nouvelle. Or, les taux des bénéficiaires du RMI varient considérablement d'un département à l'autre, en fonction principalement de la situation de l'emploi. Corrélativement, le poids de la dépense liée au RMI (allocation + insertion) varie de 20 % de la dépense d'aide sociale, dans les 25 départements ayant les taux les plus faibles, à 36 % dans les 25 départements ayant les taux les plus élevés [...] pour les 25 départements qui ont les plus faibles taux de RMI, une progression de 10 % du nombre de bénéficiaires entraînerait une dépense supplémentaire de 6 euros par habitant ; a contrario, pour les 25 départements ayant les taux les plus élevés, la dépense supplémentaire serait de 15 euros par habitant.
Ces quelques constats expliquent les inquiétudes d'un certain nombre de départements qui ne pourront faire face à leurs obligations nouvelles si la décentralisation ne s'accompagne pas de péréquations importantes ».
En tout état de cause, votre rapporteur estime qu'il apparaît que le financement de la compétence transférée pourrait causer des difficultés à un certain nombre de départements, en dépit du transfert d'une fraction des ressources de la TIPP.
Lors de la discussion générale du projet de loi portant décentralisation du RMI et création du RMA au Sénat, le 26 mai dernier, notre collègue Michel Mercier, rapporteur pour avis, indiquait : « Vous avez dit avec raison, monsieur le ministre, qu'une fois le transfert opéré la dépense comme l'impôt qui la finance continueraient à évoluer, et pas nécessairement de la même façon.
« Comment les choses se sont-elles passées jusqu'à présent ? En 1993, selon les chiffres que vos services nous ont communiqués - ils sont donc forcément exacts -, le coût financier de l'allocation du RMI s'est élevé à environ 2,5 milliards d'euros, et, si l'on avait décentralisé le RMI à cette époque, il aurait fallu transférer 2,5 milliards d'euros prélevés sur la TIPP aux départements.
« Comment ont évolué depuis le RMI d'un côté et la TIPP de l'autre ? Le RMI a, en 2003, représenté, vous l'avez dit et c'est tout à fait exact, 4,4 milliards d'euros, soit près de 4,5 milliards d'euros. Quant à la TIPP, qui évolue indépendamment, son produit atteint 2,98 milliards d'euros, soit environ 3 milliards d'euros. « Manque » donc 1,4 milliard d'euros, même si je ne tire pas de ces deux évolutions et de cette constatation la conclusion qu'il manquera systématiquement 1,4 milliard d'euros, parce que, demain, les choses peuvent évoluer différemment. Le Gouvernement devrait transférer des centimes de TIPP aux départements sans tenir compte des abattements que, par exemple dans un système de TIPP flottante, il peut décider pour limiter le coût du carburant. Quoi qu'il en soit, on voit bien que l'évolution de la TIPP est assez différente de celle du coût du RMI. »