C. LE FNSE ET LE PRÉLÈVEMENT DE SOLIDARITÉ POUR L'EAU
Cette double filiation, fonds de concours et forte opposition au projet d'instaurer une TGAP dans le domaine de l'eau, a produit le FNSE et le prélèvement de solidarité pour l'eau qui l'alimente ou bien, dans un ordre inverse, le prélèvement de solidarité pour l'eau et le FNSE qui l'accueille.
Ce dispositif est une forme de continuation des fonds de concours puisqu'il permet de poursuivre le financement des opérations de l'Etat avec une partie des taxes prélevées par les agences de l'eau.
A l'occasion de cette transition des fonds de concours vers le FNSE, le ministre chargé de l'environnement a :
1°) « sécurisé » le financement de son budget car le prélèvement de solidarité pour l'eau affecté au FNSE est un impôt sur les agences alors que les fonds de concours dépendaient formellement d'un accord de celles-ci ; or, bien que les agences soient des établissements publics de l'Etat à caractère administratif, elles jouissent de fait d'une grande autonomie ; cette sécurité est même garantie par des dispositions législatives peu communes ; la loi fixe la date d'exigibilité du prélèvement et précise que son montant « est inscrit comme dépense obligatoire dans le budget primitif des agences de l'eau » ;
2°) doublé le montant de ce financement qui est passé de 250 millions en 1999 à 500 millions de francs en 2000 ; ce dernier montant a été fixé de manière arbitraire.
Ce dispositif est radicalement différent de la TGAP affectée au budget général envisagée puisque le FNSE, compte d'affectation spéciale, apporte, au moins formellement, la garantie que « l'eau paye pour l'eau », garantie que la TGAP n'aurait pas apportée. Or les élus, tant les parlementaires que ceux qui siègent dans les comités de bassin ou aux conseils d'administration des agences, tenaient à être assurés que les fonds versés par les agences à l'Etat et donc, à la base, que les taxes versées par les « consommateurs d'eau » serviraient bien à financer des actions relevant de la politique de l'eau et seulement celles-là 17 ( * ) . La procédure budgétaire du compte d'affectation spéciale, qui donne, au moins en apparence, cette garantie, était donc nécessaire pour répondre à cette demande politique, au moment ou l'affectation au budget général ou au FOREC de taxes sur les activités polluantes et le financement de l'ADEME par des subventions budgétaires étaient fortement contestés 18 ( * ) .
D'un point de vue financier, ce dispositif, FNSE et prélèvement de solidarité pour l'eau, comme les fonds de concours qui l'ont précédé, se comprend mieux si l'on rapproche les dépenses de la direction de l'eau de celles des agences : en 1999, la première a dépensé environ 450 millions de francs, montant qui ne comprend pas les frais de personnel et de fonctionnement courant, tandis que les secondes ont dépensé 9,2 milliards de francs pour leurs « interventions » 19 ( * ) , montant qui n'inclut pas non plus leurs frais de personnel et de fonctionnement courant, soit vingt fois plus.
* 17 Par exemple, le 8 novembre 1999, lors du débat à l'Assemblée nationale sur le budget de l'environnement, M. Robert Galley, député mais aussi président du comité de bassin Seine Normandie déclarait : « Je souhaite revenir sur la TGAP. Vous avez insisté, madame la ministre [Mme Voynet], sur l'application du principe pollueur payeur, dont le corollaire, nous semble-t-il, est l'affectation du produit des taxes prélevées au titre de la protection de l'environnement en totalité à cet objectif. J'en veux d'ailleurs pour illustration les actions prévues par vous-même pour le fonds national de solidarité pour l'eau : le prélèvement sur les recettes des agences qui finance ce fonds est affecté à la protection de l'eau ».
* 18 Ce souci apparaît encore fin 2001 dans le rapport spécial de la commission des finances du Sénat sur le projet de loi de finances 2002. M. Philippe Adnot, rapporteur spécial, y écrit ainsi : « votre rapporteur spécial craint qu'un scénario « ADEME » ne se produise dans les prochaines années pour les agences de l'eau : celles-ci baissent leurs subventions, le produit des taxes qui leur sont affectées va être prochainement réévalué, la tentation sera grande pour le budget de l'Etat de verser ces taxes à son budget général en compensant les agences par des subventions ajustées à leur strict besoin ». L'Etat, d'ailleurs sur proposition du Sénat, n'a pas totalement résisté à la tentation puisque la loi de finances initiale pour 2003 affecte une partie du prélèvement au budget général.
* 19 Il s'agit du total des dépenses d'intervention des six agences de l'eau, c'est-à-dire les subventions de fonctionnement, les subventions d'investissement et les prêts qu'elles ont versées en 1999, primes d'épuration pour les collectivités locales non incluses, selon le « jaune » annexé au projet de loi de finances pour 2001.