INTRODUCTION
Message d'accueil de M. Christian Poncelet, Président du Sénat
Le Sénat est heureux, une fois de plus, de montrer qu'il sait marier le travail législatif rigoureux qu'implique le calendrier parlementaire, et la réflexion de fond à plus long terme.
Ces journées thématiques de la Commission des Affaires culturelles, nées d'une heureuse initiative de son Président, sont l'occasion, hors la pression d'un débat parlementaire et des feux de l'actualité, de mettre en perspective les problèmes.
Ceux dont il est question aujourd'hui, touchant aux rapports entre sports, argent et médias, sont si brûlants et sulfureux qu'ils gagnent à être abordés dans la sérénité d'une telle journée thématique.
Le sujet traité est d'une particulière complexité, fortement contraint par le droit communautaire, celui de la concurrence, les exigences de la libre circulation des personnes, le droit à l'information, etc.
L'équilibre du paysage sportif et du paysage audiovisuel, la survie même de certains médias ou leur capacité à tenir leur rang dépendent des droits sportifs.
A l'inverse, l'importance des sommes drainées vers le sport est source de bien des dérives et de pratiques douteuses, dont on voudrait être certain qu'elles sont suffisamment combattues, car elles sont de nature à causer à l'image du sport des torts au moins aussi importants que le dopage, problème désormais bien identifié par les pouvoirs publics et les fédérations.
La journée se terminera par une question essentielle : « Quel équilibre ? ».
La science politique a parfois opposé les partisans du mouvement et ceux qui recherchent, comme une image de l'âge d'or, une forme d'équilibre.
D'un côté, l'inflation des coûts des droits de retransmission, la concentration des feux de l'actualité sur quelques joueurs et quelques sports ; de l'autre la nécessité de favoriser la pratique amateur, de faire vivre les disciplines moins spectaculaires --mais qui n'en portent pas moins les plus belles valeurs du sport--, de veiller à une harmonieuse répartition sur tout le territoire national des activités sportives : tels sont quelques-uns des termes du débat, qui imposent un équilibre, équilibre dynamique de manière à ce que les changements ne soient pas ressentis comme des dérives mais comme des progrès.
Je suis certain que vos débats aujourd'hui inspireront utilement nos futurs travaux législatifs.
Allocution d'ouverture par M. Jacques Valade, sénateur de la Gironde, Président de la Commission des Affaires culturelles du Sénat
En tant que président de la Commission des Affaires culturelles, j'ai pris l'initiative de consacrer chaque année une journée de réflexion et d'approfondissement d'un thème relevant de nos compétences. Il nous paraît en effet important, sur des sujets dont l'actualité nous rappelle de façon récurrente le caractère sensible, voire passionnel, de permettre à quelques-uns des principaux acteurs concernés de se rencontrer pour échanger publiquement leurs points de vue, pour essayer de mieux se comprendre mutuellement et afin de nous aider à dégager des lignes d'action pour l'avenir.
Les précédentes journées avaient pour thème « Les nouvelles télévisions », en 2002, et « La télévision, pour quoi faire ? », en 2003. Elles se rattachaient donc à la politique de la communication, l'un des champs privilégiés de notre Commission. Cette année encore les médias seront à l'honneur, sous l'angle particulier des rapports qu'ils entretiennent avec les sports.
La médiatisation croissante des sports professionnels, avec les conséquences financières que cela entraîne, impose une rénovation de certains aspects de la politique des sports.
L'extraordinaire intérêt du public pour les manifestations sportives, soit dans les stades, soit au travers des médias, doit nous entraîner à une réflexion partagée. Comment satisfaire le public dans son intérêt passionné, et parfois passionnel ? Comment permettre et pérenniser cet échange ? Comment protéger le sport et son développement, en particulier chez les non professionnels ? Comment, enfin, permettre aux médias d'exercer la fonction d'information qui est la leur, et leur développement ?
La voie est étroite.
Nous devons certes prendre en compte le contexte international, et plus particulièrement européen, dans lequel évoluent nos sportifs professionnels, si nous voulons leur permettre de lutter à armes égales avec leurs concurrents, mais la recherche d'une solution équilibrée nous invite à ne pas perdre de vue que la médiatisation des sports et son corollaire, la « financiarisation », ne touchent pas de la même façon les différentes disciplines.
En outre, même si ces évolutions touchent au premier chef le sport professionnel, nous devons prendre garde que les aménagements législatifs qui nous incombent ne remettent pas en cause l'unité du monde sportif et la nécessaire solidarité entre sports professionnels et sports amateurs, entre sports de haut niveau et sports de masse.
Les Etats généraux du Sport, en 2003, ont en quelque sorte tracé le cadre général de notre réflexion et les grandes lignes de ce qui peut constituer pour nous une « feuille de route ». Cette vaste consultation voulue par le Président de la République et organisée par le ministre des Sports, a été l'occasion d'une réflexion globale sur les problèmes du sport, à laquelle ont été associés le mouvement sportif, les collectivités locales, les acteurs économiques et les représentants de l'Etat. Elle nous a permis de vérifier l'existence d'un vaste consensus en faveur de la préservation de ce que l'on peut appeler le « modèle français » de l'organisation du sport, qui repose sur le rôle central des fédérations et des associations sportives qui les composent, ainsi que sur la complémentarité du sport professionnel et du sport amateur, ce qui garantit l'unité du mouvement sportif.
Ces Etats généraux ont aussi estimé que des adaptations étaient nécessaires, et ont ainsi proposé un certain nombre de réformes.
Avec le ministre des Sports nous avons très vite décidé de débattre des conséquences qu'il convenait d'en tirer. Jean-François Lamour est donc venu le 11 février 2003, en séance publique, nous présenter les grandes lignes de la politique du Sport qu'il se proposait de mettre en oeuvre. Celle-ci a trouvé sa première traduction législative dans le projet de loi que nous avons examiné et voté au début de l'été dernier. Cette loi du 3 août 2003 comporte un important volet sur le sport professionnel, dont les dispositions intéressent directement notre débat de ce jour. Plusieurs de ces dispositions répondent à des demandes formulées par de grands clubs sportifs professionnels, notamment de football, et qui avaient reçu l'aval des Etats généraux consacrés aux sports professionnels. Ces clubs considéraient qu'ils souffraient d'un important handicap vis-à-vis des concurrents étrangers, du fait qu'ils n'étaient propriétaires ni de leurs marques ni de leurs droits d'exploitation audiovisuelle. La loi leur donne satisfaction sur ces points, et autorise dorénavant les clubs sportifs professionnels à acquérir auprès de l'association support la propriété de leurs dénominations, marques et signes distinctifs qui, à travers le marchandisage, sont une source croissante de financements.
La loi autorise aussi -et cette disposition a fait couler beaucoup d'encre- les fédérations sportives à céder gratuitement aux clubs professionnels la propriété de tout ou partie des droits d'exploitation audiovisuelle des compétitions organisées par la Ligue professionnelle auxquelles ils participent.
Toutefois, dans le souci de conserver l'unité et la solidarité entre les activités à caractère professionnel et les activités à caractère amateur, la loi consacre le principe d'une mutualisation de ces droits et en confie la commercialisation à la Ligue professionnelle, qui est chargée de répartir le produit entre la fédération, la Ligue et les différents clubs propriétaires.
Enfin, l'article 5 de cette loi a levé une ambiguïté en confirmant la gratuité des radiodiffusions sonores, des commentaires oraux d'une compétition.
Ces dispositions représentent des avancées significatives dans le droit du sport, même si certains points restent à préciser, comme les modalités de commercialisation par la Ligue des droits d'exploitation audiovisuelle des clubs. Certes, la loi indique que celle-ci doit être effectuée avec constitution de lots, pour une durée limitée et dans le respect des règles de la concurrence, mais il reviendra au décret d'application, dont la publication est imminente, de proposer des solutions claires, notamment sur la question de l'exclusivité des droits, si nous voulons éviter le retour de difficultés comme celles qui ont perturbé le précédent appel d'offres de la Ligue de football professionnel.
J'espère que les débats de cette journée nous permettront de recueillir le point de vue de quelques-uns des principaux acteurs du sport et des médias sur les premiers effets de cette réforme, même s'il est encore trop tôt pour en tirer un bilan.
Faut-il aller plus loin encore, et envisager de nouvelles réformes ? La question de l'entrée en Bourse de certains clubs sportifs a été évoquée au cours des discussions pour la loi du 3 août. Elle n'a pas reçu une réponse positive, mais ce refus ne peut être ni absolu, ni définitif.
Le problème de la rémunération des sportifs professionnels est lui aussi fréquemment évoqué. Faut-il reconnaître à ceux-ci un droit à l'image comparable à celui des vedettes du spectacle ?
Autant de questions auxquelles les participants de la deuxième table ronde pourront nous apporter des éclairages intéressants.
Mais la médiatisation du sport n'intéresse pas seulement le sport professionnel, tout d'abord parce que le sport de masse tire aussi parti dans une certaine mesure des recettes provenant de la commercialisation des droits audiovisuels. La loi du 3 août prévoit qu'une partie des droits commercialisés par la Ligue professionnelle irait à la fédération dont elle dépend, donc au sport amateur.
Mentionnons aussi le prélèvement de 5 % sur les droits audiovisuels, qui abondent chaque année d'une vingtaine de millions d'euros la part régionale du fonds national pour le développement du sport. Ces sommes non négligeables apportent un témoignage concret de la solidarité qui prévaut au sein du sport français entre les secteurs amateurs et professionnels, même si ces montants restent hors de proportion avec par exemple le budget que les collectivités locales consacrent au développement de la pratique sportive.
Notons également, et ceci est essentiel, que la retransmission des grands événements sportifs leur confère un retentissement dont nous pouvons tirer parti pour développer la pratique sportive du plus grand nombre. La Coupe du Monde de football, les Jeux Olympiques ou les Championnats du Monde d'athlétisme ne doivent pas être considérés sous le seul angle du spectacle sportif susceptible de faire exploser l'audience et les recettes publicitaires, mais aussi comme une vitrine du sport capable de lui attirer de nouveaux pratiquants.
Toutefois, seule une politique volontaire des clubs et des fédérations sportives, appuyée le cas échéant sur les pouvoirs publics, permettra de capitaliser les fruits des engouements par nature passagers, pour les transformer en une pratique sportive régulière.
Si nous voulons que ces grandes manifestations sportives jouent pleinement ce rôle de vitrine, il est par ailleurs nécessaire que le sport professionnel soit effectivement exemplaire et qu'il lutte activement contre les pratiques contraires à l'esprit sportif, au premier rang desquelles, évidemment, le dopage.
J'espère que cette journée permettra de cerner les conditions que nous devrons réunir pour que la collaboration entre sports et médias soit la plus profitable possible à l'un comme à l'autre.
Les parlementaires seront très attentifs aux discussions qui vont avoir lieu, dans la mesure où elles permettront d'éclairer leurs travaux et de transposer les réflexions au niveau de l'acte législatif.
Merci à toutes celles et tous ceux qui ont répondu à notre invitation.