CONCLUSION :
LE SCÉNARIO PRIVILÉGIÉ PAR LES RAPPORTEURS
? Dans l'approche strictement budgétaire illustrée par les trois scénarios présentés ci-dessus, il est clair que le scénario de renationalisation (premier scénario) est le plus avantageux pour la France. C'est celui dans lequel notre contribution nette au budget de l'Union augmente le moins par rapport à la situation actuelle, et c'est également celui qui est le plus facilement compatible avec la volonté de stabiliser le budget global de l'Union à 1 % du RNB.
Il décrit en outre un modèle de politique de cohésion fondé sur la subsidiarité (le traitement des disparités entre régions est pris en charge par les Gouvernements nationaux), et qui présente les avantages de la souplesse de gestion et du coût de mise en oeuvre le plus faible.
Toutefois, ce scénario n'est pas crédible, ne serait-ce qu'en raison de l'isolement de la position du Royaume-Uni et des Pays-Bas, de l'opposition de l'Espagne et, surtout, de l'Allemagne, favorable à une approche régionale.
Par ailleurs, il sera très difficile de réviser financièrement à la baisse les propositions de la Commission sur les instruments de la convergence et de la coopération ainsi que sur les mécanismes de phasing out, compte tenu à la fois du nouveau rapport de forces au Conseil à la suite de l'élargissement, de la sensibilité politique de ce sujet et de la position prise pour l'instant par le Parlement européen.
La France aura donc, en tout état de cause et même sans aucun retour au titre de la politique de cohésion, à payer sa part du noyau dur et quasi incompressible de la convergence (objectif 1 et fonds de cohésion). Comme le montrent les scénarios ci-dessus, cette part incompressible sera de l'ordre de 5 milliards d'euros par an.
Dès lors qu'elle assumera inévitablement une part élevée de la future politique de cohésion, pourquoi la France ne défendrait-elle pas un instrument de type objectif 2, alors qu'elle en sera le principal bénéficiaire et que cet objectif 2 sera la variable d'ajustement de la négociation qui s'engage ?
? Outre la prise en compte de cette approche budgétaire, la France devra, pour définir sa position, apporter une réponse cohérente à deux questions :
- comment seront financés à l'avenir les besoins de nos collectivités locales en terme de développement territorial ?
- quel doit être le rôle de l'Union élargie en matière de développement et de compétitivité régionale ?
Les collectivités locales sont unanimement attachées au maintien d'une politique régionale ambitieuse (cf. annexes n° 5, 6, et 7). Elles avancent bon nombre d'arguments en ce sens, le plus convaincant étant certainement celui selon lequel les politiques de développement territorial les plus efficaces sont celles qui reposent sur un véritable partenariat local, ou plus simplement, sur une approche décentralisée. Encore celle-ci mériterait-elle à l'avenir d'être renforcée, une piste prometteuse étant évoquée en ce sens par la Commission sous la forme de « contrats tripartites » Europe-État-Régions. Si cette formule pouvait en outre améliorer en France la coordination et la cohérence entre contrats de plan et fonds structurels, actuellement déficiente (14 ( * )) , le bénéfice serait double.
Mais, les motivations qui fondent l'attachement des collectivités locales au maintien d'une politique régionale communautaire ambitieuse sont à l'évidence d'ordre financier. L'expérience des contrats de plan a appris aux élus locaux à être méfiants à l'égard des engagements pluriannuels de l'État. Aucun Gouvernement ne peut ainsi garantir aux régions sept années de financement, comme le fait l'Union européenne, de sorte qu'il ne peut y avoir de politique régionale stable sans financement communautaire.
Concernant le rôle de l'Union en matière de développement régional, le débat est vif entre ceux qui, comme dans le rapport SAPIR, considèrent que la plus-value de la politique de cohésion est réelle en matière de réduction des écarts de développement entre États, mais faible en matière de réduction des disparités régionales au sein des États, et ceux qui, comme la DG Regio de la Commission européenne, considèrent que la politique de cohésion a aussi des effets très positifs en matière de réduction des inégalités régionales.
L'objet de ce rapport n'est pas d'entrer dans un débat de cette nature, qui soulève d'ailleurs des difficultés méthodologiques quasiment insurmontables (comment isoler, dans la performance économique d'une région, la part revenant à l'octroi de fonds structurels ?).
Il faut cependant rappeler que la politique régionale a obligé les administrations nationales, les collectivités locales, les secteurs privés et associatifs, à coopérer pour le montage des projets de développement. Les fonds structurels ont également permis de conforter les tissus productifs locaux, de doter les territoires de transports publics modernes ou de systèmes de traitements des déchets, de faciliter l'accès à l'éducation ou de redynamiser des zones rurales. Enfin, les grands pays européens savent mesurer, à la lumière des élargissements précédents, l'impact sur leur commerce extérieur des grands travaux d'infrastructures cofinancés par les fonds structurels.
Vos rapporteurs souhaiteraient ainsi s'opposer à la tentation, malheureusement réelle dans notre pays, de considérer qu'une page est désormais tournée avec l'élargissement et que l'effort de l'Union doit être dorénavant consacré à accompagner uniquement l'intégration des nouveaux arrivants. Cette position aurait pour conséquence d'associer, dans l'esprit de nos concitoyens, élargissement de l'Union et appauvrissement. L'échelon européen est désormais totalement intégré à la structure des pouvoirs dans la conscience des habitants de l'Union et ils trouvent légitime que celle-ci, en contrepartie des contraintes supplémentaires qu'elle induit, contribue à leur développement.
La politique de cohésion participe à l'idée que l'Union ne se résume pas à une simple zone de liberté commerciale et de règles de concurrence, et qu'elle soude anciens et nouveaux membres dans un projet commun. Même sur le territoire actuel de l'Union à quinze, des zones méritent toujours l'aide des fonds structurels européens, de sorte que la solidarité doit encore s'exercer à leur profit.
Ces raisons conduisent vos rapporteurs à souhaiter que la France défende clairement dans la négociation qui s'ouvre les propositions de la Commission concernant l'avenir de la politique de cohésion, parce qu'elles ne sont pas contraires à nos intérêts nationaux, parce qu'elles traduisent une réponse à la mesure du défi de l'élargissement, et parce qu'elles prennent en compte les spécificités de toutes les composantes de l'Union.
* (14) Voir en ce sens les travaux de l'instance nationale d'évaluation « Fonds structurels et politiques régionales ». Commissariat général du Plan.