EXAMEN EN DÉLÉGATION

La délégation s'est réunie le mercredi 4 février 2004 pour l'examen du présent rapport. À l'issue de la présentation faite par les rapporteurs, MM. Yann Gaillard et Simon Sutour, le débat suivant s'est engagé :

M. Hubert Haenel :

Je tiens à féliciter les deux rapporteurs pour la qualité de leur travail, qui permet d'aborder un sujet important en amont, pour lequel il est indispensable que les autorités françaises soient mobilisées. Je crois qu'il est souhaitable que nous fassions la plus large diffusion de ce rapport, notamment auprès des collectivités territoriales de nos départements.

M. Bernard Frimat :

Je m'associe aux félicitations du président Hubert Haenel. Il s'agit d'un très bon rapport, d'une grande clarté, sur un sujet difficile et technique. Je souligne la double contrainte qui pèse sur la politique de cohésion, résultant du souhait de limiter le budget de l'Union à 1 % du RNB communautaire et de maintenir le budget de la politique agricole commune à 0,44 % du RNB jusqu'en 2013, tout en souhaitant faciliter à l'avenir la recherche et la justice. Il faut se souvenir que la politique de cohésion est née avec le paquet « Delors I » et l'élargissement de l'Europe à l'Espagne, au Portugal et à la Grèce, même si l'Irlande a également bénéficié de cette politique. Il serait paradoxal que l'élargissement à dix nouveaux États fasse disparaître la politique de cohésion ! La prise en compte d'un « juste retour » sert à justifier une volonté de nationaliser la politique régionale, alors même que la France a besoin d'une politique de cohésion forte, et doit soutenir les fonds de l'objectif 2, qui risquent d'être la variable d'ajustement. Dans ma région, le Nord-Pas-de-Calais, nous connaissons bien les zones en restructuration, et l'aide apportée par les fonds structurels. Il serait dramatique que, par un effet mécanique, des régions dont la situation économique et sociale ne s'est pas améliorée voient disparaître l'aide européenne.

M. Maurice Blin :

J'ai beaucoup apprécié la qualité du travail effectué par les deux rapporteurs. La région à laquelle j'appartiens a tiré un modeste parti des fonds européens. D'une manière générale toutefois, la France a bénéficié des crédits de la cohésion et l'on peut se demander s'il n'est pas légitime qu'elle laisse désormais la place à des pays moins favorisés. La croissance économique européenne n'est plus celle des années passées, les recettes budgétaires sont en baisse et il semble difficile à l'Union européenne tout à la fois de préserver sa politique agricole, son niveau de fonds structurels et d'aider les nouveaux pays adhérents. Je m'interroge plus particulièrement sur trois points : le niveau de consommation des crédits, traditionnellement très bas dans notre pays et critiqué par nos partenaires européens, les fonds européens qui pourraient être alloués à des projets culturels et enfin l'hypothèse d'une relance de la politique de grands travaux en ciblant les fonds européens sur deux ou trois grands projets d'intérêt communautaire.

M. Yann Gaillard :

Notre collègue Maurice Blin a une vision financière rigoureuse que légitime la situation actuelle des finances publiques. Il est exact que notre rapport n'insiste pas sur les raisons de la sous-consommation des fonds européens. De même, il existe effectivement une contradiction entre le souhait de maîtriser la contribution française au budget de l'Union européenne et la volonté de maintenir une politique structurelle forte, comme l'a également souligné Bernard Frimat. Ce qui me semble essentiel, c'est la visibilité de la politique européenne : si l'Europe n'apporte plus rien à nos régions, nos citoyens risquent de s'en détourner.

M. Hubert Haenel :

À propos du rythme de consommation des fonds européens, je rappelle que la région Alsace expérimente actuellement une décentralisation de la gestion de ces fonds, et que cela semble efficace.

M. Simon Sutour :

Le délégué à l'aménagement du territoire et à l'action régionale nous a donné des chiffres témoignant de l'amélioration du rythme de consommation des fonds européens dans notre pays. La France n'est pas directement en concurrence avec les nouveaux pays adhérents qui bénéficieront de l'objectif 1 et du fonds de cohésion, puisqu'elle n'en bénéficie plus, à l'exception du « phasing-out » du Hainaut-Valenciennois et de la Corse. L'Allemagne et l'Espagne sont plus directement concernées. Je crois, comme Yann Gaillard, que l'Europe ne doit pas être perçue par nos concitoyens seulement comme un ensemble de contraintes. Il faut rappeler qu'aujourd'hui l'État distribue les fonds européens pour financer les contrats de plan État-Régions comme s'il s'agissait de ses propres crédits.

M. Lucien Lanier :

Le rapport est à la fois complet, intéressant et clair. Je m'interroge toutefois sur l'influence du Parlement européen qui sera élu en juin prochain, avec des députés des nouveaux pays adhérents, sur la définition de la nouvelle politique régionale. Il ne me semble pas judicieux que la France se montre très parcimonieuse, en prônant, par exemple, une « renationalisation » de la politique structurelle, si elle a toutes les chances d'être mise en minorité.

M. Simon Sutour :

L'hypothèse de la renationalisation de la politique régionale est évoquée, et défendue par la Grande-Bretagne notamment, mais ce n'est pas la position française. Si cette hypothèse peut être intellectuellement séduisante, elle n'est pas applicable en pratique.

M. Pierre Fauchon :

Nous passons notre temps à refuser de voir la vérité et, lorsque nous la voyons, à ne pas la reconnaître. La renationalisation de la politique de cohésion signifierait le refus de toute politique européenne, le cantonnement de l'Europe au marché commun. Il existe un écart croissant entre les discours en faveur de l'Europe et la réalité : j'en prends pour exemple la lenteur avec laquelle notre pays transpose les directives communautaires ou encore, il y a quelques années, notre refus d'harmoniser la réglementation de l'aviation civile au nom de la subsidiarité, alors que c'est par essence même un domaine communautaire.

À l'issue de ce débat, la délégation a autorisé la publication de ce rapport.

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